Quand légalité ne rime pas avec justice

Les lois fiscales et pénales subissent un traitement inégal où l'indignation trouve toute sa place.

L’augmentation des prélèvements sociaux sera rétroactive… Les prélèvements sociaux dont les modalités (augmentation, taux, champ d’application) sont définies par le gouvernement ont considérablement augmenté apprend-on de source bancaire ; le nouveau taux entré en vigueur au 1er juillet 2012 est ainsi passé à 15,5 % ! Tout détenteur d’un livret ou d’un produit d’épargne devra donc reverser 15,5 % du montant des intérêts perçus, générés par le bénéfice de ses placements financiers.

Dans un contexte de crise et d’austérité économique, et au regard du principe de redistribution sociale instauré dans notre pays, cette mesure pourrait passer quasiment inaperçue, si elle ne venait pas s’entrechoquer avec un événement plus dramatique que met en lumière l’actualité judiciaire et dont le dénouement est bien plus préoccupant. Explication. Conformément à leur devoir d’information, les banques ont avisé leur clientèle que leurs avoirs seraient soumis au taux de 15,5 % au titre des prélèvements sociaux pour l’année 2012, bien que la révision de ce taux soit entrée en vigueur seulement à compter du 1er juillet 2012. Autrement dit, au lieu d’être imposé à un taux proratisé de 13,5% pour la période du 1er janvier au 1er juillet 2012, puis majoré à 15,5% pour le reste de l'année, le gouvernement a choisi d’étendre l’application de ce taux à une année complète. A  contrario, aucune rétroactivité n’a pu être invoquée pour défendre le droit des victimes de harcèlement sexuel dont la loi a été abrogée par le conseil constitutionnel pour « vide juridique, et manque de clarté dans ses termes », entraînant l'extinction immédiate des procédures judiciaires en cours.

Les affaires en cours relatives au harcèlement sexuel resteront impunies. Dans un pays réputé démocratique, dont les mots d’ordre reposent sur des valeurs paritaires et républicaines, il me semble pour le moins dérangeant de violer un principe de droit élémentaire, celui de la non rétroactivité des lois, en vertu d’un pouvoir législatif dont la rigueur varie en fonction de la nature et de l’objet considérés. Est-il tolérable de laisser en action une justice à deux vitesses, qui se montre opérante dans un cas – taxation du capital –, et défaillante dans l’autre – délit grave relevant de la compétence des tribunaux – ? La justice française peut-elle raisonnablement transgresser cette rétroactivité (pierre angulaire et principe fondateur du droit) dans l’application de retenues fiscales tout en laissant ce même principe intact pour des faits commis dans le cadre d’une procédure de droit pénal ? Cette décision ne laisse malheureusement place à aucune zone d’ombre : l’ensemble des personnes coupables de harcèlement sexuel ne seront pas jugées, consécutivement à l'abrogation de cette loi [1].

Une fenêtre d’impunité s’est donc ouverte sur la période couvrant les débats préliminaires jusqu’à la proposition du nouveau texte de loi qui sera prochainement adopté. En somme, (sans jeu de mot confusant) tous les contribuables seront soumis à une imposition massive, tandis que les contrevenants d’actes résolument répréhensibles échapperont à la prononciation d’une peine dont ils auraient dû s’acquitter. A se demander si les motivations pécuniaires ne l’emportent pas sur des considérations éthiques et morales, et si les lois de finances cesseront un jour de prédominer sur le respect de la condition humaine…

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[1]
La loi décide aussi qu'en cas d'extinction d'une action publique – du fait de l'abrogation de l'ancienne loi par le Conseil constitutionnel, le 4 mai 2012 – « la juridiction demeurera compétente » pour accorder réparation de tous les préjudices subis.