La renonciation de Benoît XVI ouvre un Conclave inédit

A l’heure où Benoit XVI renonce à sa charge de pasteur suprême de l’Église, beaucoup se sont interrogés sur la différence de comportement avec son prédécesseur, Jean-Paul II, qui avait tenu à rester « sur la Croix » jusqu’au bout. Mais les hommes et les circonstances ne sont pas les mêmes et Dieu donne à chacun une vocation différente.

Vivre en chrétien, ce n’est pas respecter servilement un ensemble de règles préétablies ou une institution humaine : cela consiste au contraire à suivre librement la personne du Christ et à vivre de son Esprit pour marcher vers le Père.

A l’heure où Benoit XVI renonce à sa charge de pasteur suprême de l’Église, beaucoup se sont interrogés sur la différence de comportement avec son prédécesseur, Jean-Paul II, qui avait tenu à rester « sur la Croix » jusqu’au bout. Mais les hommes et les circonstances ne sont pas les mêmes et Dieu donne à chacun une vocation différente.
Il en était de même au temps de l’Évangile : « Jean le Baptiste est venu, ne mangeant pas de pain ni ne buvant de vin, et vous dites : Il est possédé ! Le Fils de l'homme est venu, mangeant et buvant, et vous dites: Voilà un glouton et un ivrogne, un ami des publicains et des pécheurs ! Mais la Sagesse a été justifiée par tous ses enfants. » (Lc 7,33-35)

Cette même Sagesse qui inspirait différemment le Christ et son cousin hier, est toujours à l’œuvre aujourd’hui dans l’Église, et elle continue à inspirer des figures de saints toujours étonnantes et différentes, parce que Dieu ne veut pas nous faire rentrer dans un moule, puisqu’il a un projet particulier pour chacun.
« Combien y a-t-il de manière d’aller vers Dieu ? » a-t-on demandé au Cardinal Ratzinger il y a quelques années. « Autant que d’êtres humains » fut sa belle réponse.

Les démarches de Jean-Paul II et de Benoit XVI ont révélé chacune un rayon de la lumière d’en haut : le premier nous a parlé de la force de la faiblesse et de la Croix, le second du détachement, de l’humilité et de la prière, mais les deux nous disent clairement quelque chose de la sainteté. Benoit XVI a eu dès le début la sagesse de succéder au géant Jean-Paul II sans chercher à l’imiter : « après le grand Pape Jean-Paul II, les cardinaux m'ont élu moi, un humble et simple ouvrier de la Vigne du Seigneur. »

Il aura été le contraire de ce que les médias prédisaient en le caricaturant, parce qu’il sera resté lui-même : un homme doux et humble de cœur, un enseignant clair et précis, un grand intellectuel, convaincu de la nécessité du dialogue de la foi et de la raison pour accueillir la vérité et sortir du piège du relativisme en relançant la nouvelle évangélisation ;  un homme intérieur, profond, enraciné dans l’Évangile, un homme d’écoute et de dialogue, toujours très surpris de voir à quel point le monde et les médias peuvent se tromper et déformer le message, mais, au-delà, très confiant dans l’action de Dieu et de la Providence.

En parlant de Vatican II lors de sa dernière intervention devant les prêtres de Rome, Benoît XVI déplorait que « le Concile virtuel des médias » avec sa grille de lecture mondaine ait pendant des années occulté le « vrai Concile qui réapparaît aujourd’hui, avec toute sa force spirituelle », « la vraie force capable de renouveler l’Église ».

Benoit XVI aura été jusqu’au bout aussi un Pape libre, surprenant, novateur et inspiré jusque dans sa dernière décision : nous ne sommes plus au temps des 19 premiers papes, tous morts martyrs, ou en des temps où l’espérance de vie restait faible. Avec les progrès de la médecine, il sera sans doute bientôt possible de vivre jusqu’à 120 ans et il fallait avoir l’audace d’adapter la lettre de la règle pour ne pas risquer d’avoir un jour un pape grabataire maintenu en vie pendant 30 ans.
Benoit XVI s’en va et il se retire, mais se retire-t-il complètement ?
Il laisse un message magnifique, une page d’Évangile actualisée, et aussi quelques indications pour le prochain Conclave : ses derniers discours insistaient sur les origines de la crise de la sécularisation et sur la réponse théologique à la crise post moderne, notamment celle de Urs Von Baltasar qu'il n'a pas cessé de citer indirectement ces derniers jours et très clairement pendant son pontificat. On a aussi appris que le livre avec lequel il est parti à Castel Gondolfo c'est « la Gloire et la Croix » de Balthasar. Dans ses adieux aux cardinaux, lorsqu'il parle de l'Église comme corps, Benoît XVI cite indirectement le Cardinal Scola (le meilleur théologien baltasarien, homme de culture et de communication) et plus précisément la thèse de son livre « Qui est l'Église »... Toute sa décision de vie cachée au cœur de l'Eglise, de ne pas retourner à la vie privée, etc. c’est aussi le fonds du Cardinal Scola. Le Cardinal Ouellet, un autre baltasarien, pourrait avoir sa chance sur cette même ligne, où on retrouve aussi le Cardinal Erdo.
Benoit XVI par son pontificat et ses derniers gestes a posé quelques signes dans un sens assez précis, mais que décidera l’Esprit Saint qui renouvelle toujours l’Église et sait lui faire prendre des chemins nouveaux ? Il n’y a que quelques jours à attendre pour le savoir …