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12/09/2006

"La droite a les complexes que la gauche lui a mis dans la tête"

Eric Brunet, auteur de "Etre de droite, un tabou français", sur la place de la droite en France aujourd'hui, a répondu à vos questions en direct, le 5 septembre.

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"Etre de droite est une liberté que les citoyens ont une seconde par an : le jour où ils mettent un bulletin dans l'urne"

Chirac et Le Pen sont arrivés en tête de la dernière présidentielle : comment pouvez-vous dire qu'être de droite est un tabou en France ?

Eric Brunet : Etre de droite est une liberté que les citoyens ont une seconde par an : le jour où ils mettent un bulletin dans l'urne. Tout le monde sait bien que pour le reste (la culture, les médias, l'enseignement et la fonction publique), les citoyens de droite n'ont rien à dire. La situation est paradoxale : un gouvernement de droite n'arrivera jamais à mener une politique de droite à cause des freins syndicaux et culturels hallucinants qui existent dans ces quatre territoires que je viens de citer, occupés par la gauche.

 

Comment votre livre a-t-il été reçu par la presse et par vos patrons, que vous étrillez ?

Les journaux ont mis un mois et demi à en parler. Il a fallu pour cela que je sois agressé chez Fogiel, et que mes confrères journalistes aient découvert que mon livre avait bénéficié d'un formidable bouche à oreille et avait été réimprimé trois fois. Il est vrai qu'en général mes confrères journalistes ne sont pas très courageux, ils préfèrent mettre leur Montblanc dans le sens du vent, plutôt que de faire des vagues.

 

Quels échos avez-vous eu de la part des lecteurs de votre livre ?

Un formidable bouche à oreille. Depuis sa sortie, je reçois un nombre incroyable de témoignages de profs, de fonctionnaires, d'intermittents du spectacle, de journalistes qui ont eu leur vie professionnelle (et parfois privée) bousillée parce qu'ils n'étaient pas de gauche. Je crois qu'un jour je publierai quelques-unes de ces lettres poignantes.

 

"Je n'ai jamais milité à aucun parti, j'ai simplement le cœur à droite"

Votre livre a été présent longtemps sur le site de l'UMP. Cette récupération vous gêne-t-elle ?

Je n'ai jamais milité à aucun parti, j'ai simplement le cœur à droite. Quand on voit le réseau de communication qui existe à gauche, les relais dont les auteurs de gauche bénéficient depuis des décennies, je me dis qu'un petit coup de pouce de l'UMP, ce n'est qu'un juste retour des choses. Je ne suis pas toujours dans l'orthodoxie du parti, mais là, vraiment, du fond du cœur, merci.

 

J'ai toujours voté à droite mais franchement, le pétainisme, l'antisémitisme, le racisme lepéniste... je ne m'y reconnais pas du tout. Il n'y a pas que du bon à prendre à droite. Une petite autocritique n'est-elle pas nécessaire ?

Hitler, Mussolini, Doriot, Déat, l'Anglais Mosley, tous ces fascistes viennent des rangs de la gauche, y compris Pétain qui était le seul maréchal de France républicain et estimé par la gauche. Je l'explique dans mon livre : près de 60 % des collabos français venaient des rangs de la gauche. Il y eut aussi, bien sûr, des collabos de droite. Mais les communistes qui ont rédigé les manuels d'histoire après 1945 ont singulièrement manqué de discernement. Malheureusement aujourd'hui, c'est toujours la bonne vieille absurdité qui prévaut pour les jeunes générations : résistant = homme de gauche/collabo = homme de droite. C'était il y a longtemps et pourtant je pense qu'il faut insister sur le fait que cette équation est une contre-vérité.

 

"La droite est belle, généreuse, humaniste, libre et rebelle"

Quels sont les complexes des gens de droite en France ?

Les gens de droite ont les complexes que les gens de gauche leur ont mis dans la tête : un intellectuel ne pouvant qu'être de gauche, ils ont honte de leur culture. Un homme de gauche étant par principe désintéressé, l'homme de droite va donc entretenir une relation coupable avec l'argent. C'est stupide. Ces schémas sont simplistes et navrants de bêtise. Moi je dis que la droite est belle, généreuse, humaniste, libre et rebelle. Elle doit se décomplexer d'urgence et montrer ce qu'elle a de plus beau aux petits Torquemada de la pensée qui la maintiennent sous l'éteignoir depuis près de soixante ans.

 

Je suis de droite et je n'ai pas du tout honte de le dire : je ne trouve pas que je sois "muselé". Ne pensez-vous pas que l'on peut défendre ses idées sans céder à la victimisation ?

C'est vrai, mais je parie que vous n'êtes pas enseignant, que vous ne travaillez pas dans une profession du spectacle ou des arts, que vous n'êtes pas journaliste ou fonctionnaire. Il y a bien sûr des domaines ou être de droite est "autorisé". Moi, j'aimerais que ce soit autorisé partout. Normal, non ?

 

Je ne pense pas que l'IUFM puisse convertir des personnes de droite à la pensée de gauche, comme vous le prétendez. On devient sûrement plus facilement enseignant quand on est de gauche parce qu'on a certains idéaux de générosité et que l'on n'est pas guidé seulement par l'argent ! Corrélation n'est pas causalité !

Bonjour le cliché. Moi qui suis journaliste et qui ai le cœur à droite, je suis l'animateur le moins payé de France Télévisions puisque je gagne 2 400 euros par mois pour présenter une émission hebdomadaire. Je me contrefiche du fric. Ma droite à moi, c'est celle de Marcel Aymé, ou celle de François Mauriac, qui est le premier intellectuel français à avoir protesté contre la torture pendant la guerre d'Algérie en 1957... A l'époque, Guy Mollet était Président du Conseil et François Mitterrand, ministre de l'Intérieur. Alors quand vous parlez de générosité de la gauche, j'ai parfois des haut-le-cœur.

 

"Etre de gauche, c'est aimer les systèmes et les idéologies"

Vous parlez de "droite", comme si cela existait ! Ne croyez-vous pas que c'est un classement typiquement français qui ne veut pas dire grand-chose ?

Je crois plus que jamais aux valeurs de la droite. Etre de gauche, c'est aimer les systèmes et les idéologies, alors qu'être de droite, c'est demeurer libre. Etre de gauche, c'est être obsédé par la répartition de l'argent, être de droite c'est vouloir le gagner.

 

Trouvez-vous que Sarkozy avait l'air "complexé" à Marseille ?

Sarkozy est extraordinaire. Qu'on l'aime ou pas, ce qu'il fait est incroyable dans la société française. Quand on pense que Jacques Chirac n'a jamais dit publiquement "je suis de droite", on ne peut qu'être admiratif de ce type qui affirme haut et fort ses valeurs. Pour mon livre, j'ai rencontré des dizaines de Français à qui Sarkozy a redonné un peu de courage, comme ce petit prof qui a osé dire dans un lycée de banlieue rouge que le communisme avait tué quatre fois plus que le nazisme. Il a eu des ennuis, mais il n'aurait pas pu dire ça sans "l'effet Sarkozy".

 

Où mettez-vous la frontière entre votre droite et l'extrême-droite ?

Il faut être prudent. Il y a toujours eu en France, depuis 1789, une droite populiste poujadiste, comme il y a toujours eu une extrême-gauche radicale. La droite radicale ne me gêne que si elle est raciste. J'abhorre le racisme. C'est un peu provocateur, mais j'ai envie de dire que le racisme est de gauche, comme le colonialisme et comme le fascisme.

 

Trouvez-vous que les médias dits "de droite", tels que Le Figaro, soient meilleurs que les médias dits "de gauche" ?

En tous cas, ils sont plus "pluriels". Je m'explique : au Figaro, les trois quarts de la rédaction sont de gauche. Patrick Besson, une de leurs signatures célèbres, émarge même au Parti communiste. Pourquoi pas ? En revanche, si vous trouvez un seul journaliste de droite à Libé, ou au Monde, appelez-moi. Si vous trouvez un seul sarkozien aux Inrockuptibles, dans la rédaction de Télérama ou du Monde diplomatique, appelez-moi aussi.

 

"Maîtriser les flux migratoires est une nécessité"

Quelle est votre position sur les effets de l'immigration en France ?

Maîtriser les flux migratoires est une nécessité. Jusqu'à présent, Mitterrand et Chirac n'ont pas vraiment été efficaces. Je constate qu'aujourd'hui, un électeur de gauche sur trois a approuvé l'action de Sarkozy à Cachan. L'immigration, c'est bien si c'est maîtrisé. Tout le monde est d'accord là-dessus. Alors, maîtrisons-la.

 

Que pensez-vous de Ségolène Royal, femme de gauche qui est critiquée parce qu'elle défend des idées de droite ?

Je ne l'aime pas car elle n'a pas de fond. Un jour elle est blairiste, le lendemain mitterrandiste. Elle n'a pas choisi son camp et défend toujours le modèle social français. Je lisais récemment dans un journal anglais cette phrase que je trouve si juste : "La France prend avec le monde réel des distances préoccupantes". Cette gauche gorgée des images sépia du Front populaire et de Jean Jaurès m'inquiète franchement.

 

Le Monde, journal de gauchistes ? Quand je lis leurs articles, je ne les trouve pas très méchants avec Sarkozy et Villepin... Ne faut-il pas distinguer les parcours personnels des journalistes de leur travail qui exige la neutralité ?

Dans un sondage de 2002, 6 % des journalistes français ont affirmé être de droite. La pensée politique dominante dans les médias, c'est une espèce de centre-gauche mou. Ils sont tous sur cette ligne avec leurs bons vieux poncifs : Sarkozy est ambitieux et il est prêt à écraser n'importe qui pour le pouvoir, etc. Ces journalistes-là viennent tous de l'extrême-gauche, comme Edwy Plenel, Serge July et leurs héritiers. Ce ne sont pas de mauvais bougres, mais ils sont tous semblables. Ils ont construit un monde monolithique où l'on s'ennuie, où tout le monde écrit pareil. Bref, ils ont construit un monde semblable à celui qu'ils voulaient combattre.

 

"La droite doit se réconcilier avec la culture"

Que pensez-vous du côté show off de Sarkozy avec Doc Gynéco et Hallyday ? Cela ne risque-t-il pas d'être perçu comme très démago ?

Si. Je n'ai qu'un credo, reconquérir le territoire culturel. En 1981, Revel a dit "Mitterrand doit sa victoire à la série télévisée Jacquou le Croquant, plus qu'à n'importe quel discours de Mauroy." Si j'étais le seul élève de droite dans mon école de journalisme (où tout le monde était encarté dans un parti de gauche ou d'extrême-gauche), c'est parce que la droite ne fait plus rêver personne. Depuis des mois, j'exhorte Sarkozy à trouver son Jack Lang ou son Malraux. La droite doit se réconcilier avec la culture sinon elle sera confinée aux pages saumon du Figaro.

 

Comment analysez-vous le duel Sarkozy-Villepin à l'aune de votre thèse ?

C'est une bagarre qui ne m'intéresse pas. C'est de la basse politique. Villepin n'existe plus. Le seul candidat de rupture me semble être Sarkozy. Je me fiche de qui il est, je l'aime simplement parce qu'il est en rupture avec ces douze années de chiraquie qui demeureront une catastrophe pour la droite qui pense.

 

Il paraît difficile de supprimer tous les réflexes corporatistes au sein de la fonction publique et des syndicats. Comment la droite devrait-elle s'y prendre ?

La droite ne changera pas les syndicats, elle changera les femmes et les hommes qui y adhéreront en décloisonnant les esprits obtus. Car c'est un fait : nous avons les syndicats les plus petits et les plus violents d'Europe. Petits, car 9 % seulement des salariés français sont syndiqués (moyenne européenne : 35 %). Et violents, car on ne saccage jamais une usine et on ne détourne jamais un ferry dans le reste du monde civilisé. Alors, est-ce que la droite arrivera à changer les choses ? Très honnêtement, je ne suis pas optimiste, car la gauche est irresponsable et elle rêve toujours de rentrées sociales agitées, de manifestations et d'émeutes. C'est d'ailleurs un problème : la gauche française est l'une des seules à entretenir une relation perverse et ambiguë avec l'extrême-gauche. Chez nous, il est de bon ton de voter Arlette ou Besancenot au premier tour, et PS au second. Quand on connaît les idées véritables de cette gauche française ultra-radicale, ça fait froid dans le dos.

 

Pensez-vous que Nicolas Sarkozy aura la possibilité d'appliquer son programme, en dépit des freins de "l'intellectualité" française ?

Sarkozy est malin, de nombreux philosophes et intellectuels de gauche travaillent pour lui depuis des années. Il en a pas mal "dans la poche". Ce qui est quand même drôle, c'est que ces intellectuels, Finkielkraut en tête, continuent à clamer leur appartenance à la gauche. C'est vous dire s'il y a encore du travail à faire.

 

"La France est le seul pays au monde, avec la Corée du Nord et l'Iran, où le mot "libéral" constitue un tabou absolu"

Ça veut dire quoi être de droite ? Les vrais libéraux par exemple sont en faveur de l'immigration. La droite en France est réactionnaire, c'est pour ça que les gens ne l'aiment pas.

Vous êtes quelqu'un de rare. Moi je suis un peu de votre droite. Un peu libérale sur le plan économique comme sur le plan sociétal... Mais chut, taisez-vous, car la France est le seul pays au monde, avec la Corée du Nord et l'Iran, où le mot "libéral" constitue un tabou absolu.

 

Vous vous posez en victime parce que vous êtes de droite... Cela rappelle terriblement les propos de Le Pen et de ses sympathisants.

Vous êtes gentil. Quand vous avez votre carrière fichue en l'air car vous êtes membre de l'UMP ou de Démocratie libérale, ce n'est pas facile de mettre sa rancœur sous l'éteignoir. Dans mon livre, je raconte l'histoire de ce professeur d'économie français, Jean-Louis Caccomo, connu dans le monde entier, et que l'université française a muté dans l'université décentralisée de Mende, en Lozère. Ce n'est pas un gag, ce type est brillant et ce qu'on lui a fait est injuste. J'ai rencontré des centaines de gens comme ça. Allez leur dire vous-même que parler de victimisation n'est pas stratégique.

 

Défendre les sans-papiers ou les sans-logis, c'est de la mièvre pensée unique de gauche ?

Cette indignation est en tête de la nomenclature officielle des "offuscations médiatiques autorisées". Bien sûr que le sort des sans-papiers mérite de la compassion, mais de là à rendre cette compassion obligatoire... Donnez-moi du temps et je vous donnerai la liste de 100 causes aussi justes et aussi dramatiques que celle des sans-papiers. Causes qu'aucun média ne relaiera jamais.

 

"Nous n'avons pas la culture de la réforme"

Comment ont fait les pays ultra-socialistes dans les années 70/80 (comme la Suède ou le Canada), pour réformer la fonction publique et privatiser une bonne partie des services publics en gardant un modèle social très performant et un taux de chômage faible. La droite doit-elle passer par la force comme avec Thatcher ?

Nous sommes ridicules à côté du reste de l'Europe. Oublions Tony Blair. Même les gauches italienne, espagnole, allemande, sont plus à droite que Chirac. Avant Berlusconi, on s'en souvient, c'est le Premier ministre de gauche, Romano Prodi, qui avait privatisé 80 % de la fonction publique italienne. Nous n'avons pas la culture de la réforme. Nous sommes des "idéologiques" et non pas des "pragmatiques". J'espère que la rupture dont parle Sarkozy tentera de mettre un terme à cette fatalité française.

 

Un autre projet de livre explosif ?

Je commence déjà à travailler sur la relation que les Français entretiennent avec le travail.

 

Le mot de la fin ?

Etre de droite, désormais, c'est être rebelle. Alors ne nous gênons pas.

 

En savoir plus La présentation du livre d'Eric Brunet

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