Religion et politique
Georges Corm
 
Photo © L'Internaute Magazine
 

L'Islam contient-il une dimension intrinsèquement politique, comme on l'entend souvent ?

Il y a beaucoup d'ignorance sur cette question entretenue par les médias occidentaux, mais aussi par la propagande des milieux fondamentalistes musulmans. Tout comme l'Evangile, le Coran n'a aucune disposition relative à l'organisation du pouvoir politique. Il contient des prescriptions alimentaires et des règles de mariage et de succession, mais rien qui concerne l'organisation des pouvoirs. La Théorie du Califat a été construite par des religieux et des politiques sur le double modèle byzantin et perse qui régnait à l'époque.

En revanche, ce que l'on oublie c'est que le pouvoir en Islam a toujours été aux mains de civils qui, eux, ont exercé leur contrôle sur les docteurs de la loi musulmane, et non l'inverse, comme dans l'Europe chrétienne où l'Eglise ultra-puissante a dominé le pouvoir politique laïque jusqu'aux guerres de religion. La problématique véritable en Islam n'est donc pas dans la séparation du politique et du religieux, mais dans l'établissement de la liberté définitive d'exégèse du texte coranique, notamment par rapport aux différentes écoles qui ont solidifié depuis des siècles une doctrine canonique (la sharia).

Mais, au XIXe siècle, il y a déjà eu un grand mouvement de réforme religieuse qui s'est prolongé jusqu'au milieu du XXe siècle. Ce mouvement a eu les ailes coupées et a été arrêté par les encouragements donnés aux différentes formes de fondamentalismes en Islam, dans le cadre de la Guerre froide. Certains Etats ont financé avec la bénédiction des Etats-Unis ce retour du fondamentalisme le plus crû pour barrer la route à l'extension des idées communistes ou nationalistes radicales.

 

Certes, on ne peut unilatéralement lier terrorisme et Coran mais comment expliquez-vous que tant d'attaques terroristes soient faites au nom de l'Islam ?

Bonne question. Le terrorisme n'est pas un phénomène nouveau dans l'histoire de l'humanité. La Russie et les pays balkaniques ont été secoués par le terrorisme des groupes anarchistes, nihilistes et nationalistes durant la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Dans les années 60, les groupuscules radicaux se réclamant du marxisme ont sévi en Europe occidentale et au Japon (Bande à Baader allemande, Brigades rouges italiennes, Action directe française, Armée rouge japonaise). Personne n'a jamais songé à envoyer des armées envahir ou bombarder les pays où ils sévissaient ; personne non plus n'a affirmé que les livres phares de Marx, Le Capital ou le Manifeste du Parti communiste étaient responsables de ces actions criminelles, même si les terroristes se réclamaient de ces textes.

Il faut aussi constater que le terrorisme qui se prévaut de l'Islam sévit bien plus dans les pays musulmans eux-mêmes qu'à l'extérieur. Egypte, Indonésie, Turquie, Maroc, Algérie, Arabie saoudite, plus récemment le Liban, sont tous frappés de ce fléau, dont les causes sont multiples et qui expriment des malaises graves de société et des sentiments exacerbés d'humiliation, notamment après l'invasion de l'Irak et de l'Afghanistan, qui font remonter les rancœurs de la période coloniale où tous ces pays ont été colonisés. Le fait que beaucoup des gouvernements de ces pays soient aussi dociles vis à vis de la puissance américaine, est un facteur additionnel.


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