Interview
Novembre 2007
"A partir des cellules souches, on va pouvoir soigner des maladies génétiques"
Pascal Fragner,42 ans, est chercheur à l'Institut des cellules souches pour l'étude et le traitement des maladies monogéniques (I-Stem). Il est en charge de la Veille et de l'innovation technologique.
Des chercheurs ont réussi à produire en laboratoire des cellules souches sans embryon. Est-ce une découverte importante ?
Tout est lié au travail de deux équipes de chercheurs dirigées par le Japonais Shinya Yamanaka. Ils ont mis en évidence que la sur-expression de 4 gènes est nécessaire et suffisante pour transformer une cellule différenciée en une cellule souche pluripotente. En clair, d'une cellule différenciée (des tissus humains par exemple), on fait "s'exprimer " en laboratoire ces 4 gènes. Cela transforme la cellule différenciée en une cellule souche qui a la particularité d'être pluripotente et dont les caractéristiques sont proches des cellules souches embryonnaires humaines.
C'est-à-dire qu'à partir d'elle naissent tous les tissus du corps humain : cellule cardiaque, cellule musculaire, du pancréas, du foie etc.
Avec cette avancée, on parle de soigner des dizaines de maladie...
Cette publication marque une étape vers l'obtention de cellules souches pluripotentes à partir de cellules somatiques. Il y a encore beaucoup de problèmes techniques à résoudre. Le graal, c'est bien sûr l'autogreffe. Par exemple, à partir de morceaux de votre peau, donc de cellules de la peau, on va pouvoir créer des cellules souches en labo. Celles-ci vont se développer et produire des tissus (NDLR : des organes ou des muscles par exemple) que l'on pourra réutiliser sur vous. Ce sera une greffe sans rejet puisque ça vient de vous-même !
A l'I-Stem, on travaille sur les maladies monogéniques rares. Un de nos objectifs est la réalisation de modèles cellulaires représentatifs de pathologies à partir de lignées de cellules souches embryonnaires humaines portant la mutation associée à une maladie donnée. Les maladies monogéniques sont des maladies rares comme la mucoviscidose, la maladie de Steinert qui cause des problèmes musculaires ou encore la maladie de Huntington qui affecte les neurones. Pour ces maladies, il n'y a pas pour l'instant de modèle génétique. A partir du moment où on a obtenu la cellule souche, on peut différencier les cellules et chercher les bons médicaments en fonction de la pathologie. Cette avancée scientifique va sûrement permettre un jour de soigner plusieurs maladies génétiques.
La loi de bioéthique encadre la recherche sur l'embryon. Ce procédé pourra-t-il un jour être utilisé en France ? Pour l'instant, nous n'avons pas assez de recul pour savoir si c'est utilisable. C'est une première. Mais cette question se posera à terme. De toute façon, cela ne rentre pas dans le cadre de la législation sur l'embryon car là, on part de la peau. On ne touche pas à un quelconque embryon.
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