La hausse des prix du pétrole
n'est-elle pas un signe avant-coureur de la pénurie ?
Non, absolument pas. Elle est entièrement liée à des facteurs
conjoncturels. D'abord en Irak bien sûr : avant la guerre, ce pays exportait 2,2
millions de barils par jour ; aujourd'hui, on est plutôt vers les 1,5 ou 2 millions
de barils par jour. Mais de nombreux pays producteurs connaissent des troubles
en ce moment : en Afrique, au Vénézuela, et même en Norvège où il y a eu des grèves
récemment qui ont ralenti la production.
Les prix vont donc continuer à grimper ?
On ne sait pas. Le prix du baril peut très bien redescendre en-dessous des
30 dollars comme il peut passer au-dessus des 60 dollars ! Le problème à long
terme c'est que dans les situations de trouble, comme aujourd'hui, les investissements
d'infrastructures ne se font pas. En Irak par exemple, on a découvert de nouvelles
réserves mais on ne peut pas les exploiter tant que le pays ne sera pas stabilisé.
.
A quand estimez-vous l'épuisement
des réserves de pétrole ?
On ne peut pas donner de date précise. Le concept de réserve est élastique
: en 1973, lors du premier choc pétrolier, on les estimait à 30 ans ! Aujourd'hui,
on les estime à 47 ans de consommation. Mais entre-temps, on va découvrir de nouvelles
zones à explorer, et les améliorations techniques permettront sans doute de reculer
encore ces prévisions. Le prix aussi joue un rôle de régulateur : plus il est
élevé, et plus on va mettre en uvre des nouveaux moyens de récupération.
Où a-t-on le plus de chances de trouver de nouvelles
réserves ?
Aujourd'hui, 60% des réserves se situent au Moyen-Orient.
Cette partie du monde restera la principale zone de production, mais d'autres
régions sont prometteuses : la Russie, l'Afrique de l'Ouest, le Brésil, le Golfe
du Mexique. L'Asie centrale (Kazakhstan, Turkménistan) est également une région
intéressante, mais il y a des problèmes d'acheminement vers la mer.
Comment diminuer notre dépendance au pétrole ?
D'abord, il faut diminuer la consommation. On pourrait économiser 20% d'énergie
sans modifier notre mode de vie, et ce aussi bien dans l'industrie, les transports
ou la consommation des ménages. Pour les voitures, en particulier, il faut taxer
lourdement les véhicules les plus puissants qui polluent et consomment le plus.
Ensuite, il faut diversifier les énergies au maximum : l'éolien, le solaire, l'hydraulique,
et le nucléaire dont on ne pourra pas se passer. D'ailleurs des pays comme la
Chine ne basent pas leur développement économique sur le pétrole. Ils construisent
par exemple en ce moment le plus grand barrage du monde. Finalement, je pense
que la diminution de la consommation de pétrole sera plus dictée par des obligations
de lutte contre la pollution que par une véritable pénurie. |