Juillet
2007 Une
Union méditerranéenne, pour quoi faire ?
| Au
cours de son voyage diplomatique en Algérie et en Tunisie le 10 juillet dernier,
le Président Nicolas Sarkozy a exposé son projet de rassemblement méditerranéen.
En quoi consiste-t-il ? |
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Nicolas
Sarkozy et Abdelaziz Bouteflika, le 10 juillet 2007. Photo
© D.R.
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Lors de la campagne présidentielle, notamment
au meeting de Toulon en février 2007, Nicolas Sarkozy a évoqué
son ambition de créer une Union méditerranéenne, dont la France serait le moteur.
Depuis, son projet se précise. Nicolas Sarkozy était en Algérie
et en Tunisie récemment pour le présenter.
Quel
est l'objectif de l'Union méditerranéenne ?
Par ce
partenariat privilégié, Nicolas Sarkozy souhaite créer une Europe
du Sud capable de faire contrepoids à une Europe du Nord et ainsi,
étendre l'influence française sur cette zone. Il fait aussi le constat
d'échec d'Euromed, lancé en 1995 lors du processus de Barcelone et censé
rapprocher les deux rives de la Méditerranée. Ce partenariat euro-méditerranéen,
avec ses 38 membres (les 27 de l'UE, la Commission et 10 pays du
Sud), n'est pas parvenu à se fixer des objectifs visibles et concrets. Si le projet
d'Union méditerranéenne n'a pas pour but de s'y substituer, il se
veut plus ambitieux et complémentaire.
Par ailleurs, cette Union
méditerranéenne permettrait à Nicolas Sarkozy, farouche opposant à l'entrée de
la Turquie dans l'UE, de proposer à Ankara une alternative. Grâce à son poids
démographique et économique, la Turquie pourrait jouer un rôle moteur dans la
future Union méditerranéenne.
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Le
processus de Barcelone |
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- Créé
en 1995, le Partenariat euro-méditerranéen, appelé aussi Euromed, comporte
3 volets :
- un volet politique : la définition d'un espace commun de paix
et de stabilité par le renforcement du dialogue politique et de sécurité ;
- un
volet économique : la mise en place d'un partenariat commercial et financier
-
un volet social et culturel : le rapprochement entre les peuples
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Qui
y prendrait part ?
Du côté Nord de la Méditerranée, le "bloc latin"
reste à définir. La France, l'Espagne, l'Italie, la Grèce et Chypre devraient
en faire partie. Mais le Portugal, qui ne possède aucune façade maritime donnant
sur la Méditerranée, pourrait en être exclu. Du côté Sud, même incertitude pour
la Jordanie et l'Egypte. Les pays du Maghreb, qui ont accueilli dernièrement l'initiateur
du projet, sont eux les principaux intéressés par cette Union. Si le président
tunisien Ben Ali s'est félicité de ce projet, l'Algérie ne s'est pas encore formellement
prononcée, attendant d'en savoir davantage sur les objectifs politiques du président
français. Quant à la Turquie, celle-ci ne semble pas vouloir renoncer à
l'Union européenne.
Des institutions
communes
La nouveauté apportée par rapport à Euromed est
que l'Union méditerranéenne serait dotée d'institutions communes, d'un Conseil
de la Méditerranée, sur le modèle du Conseil de l'Europe, et de sommets périodiques
des chefs d'Etats et de gouvernement, du type G8. A terme, des institutions communes
pourraient être partagées avec l'UE, mais cela reste à préciser.
Car
Nicolas Sarkozy ne veut pas pour autant tourner le dos à l'UE. D'ailleurs, la
nouvelle organisation régionale devrait conserver certaines prérogatives de l'Euromed,
et serait ainsi appelée à traiter de la lutte contre le terrorisme, de la gestion
des migrations, et de la promotion de l'Etat de droit et des droits de l'Homme.
Un intérêt
commun : le développement
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L'Euromed,
à Naples, décembre 2003. Photo © Communauté
européenne
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Toute l'ambition du projet de Nicolas Sarkozy
est de faire du co-développement une priorité se substituant au commerce, afin
que les pays du sud de la Méditerranée ne soient pas de simples sous-traitants
de l'Europe, critique souvent adressée à l'encontre de l'Euromed.
Pour un développement solidaire, l'Union méditerranéenne deviendrait
un cadre de partage des technologies, des connaissances et des compétences entre
les pays, aboutissant à la création de pôles de compétitivité et des laboratoires
communs. Elle permettrait aussi une plus étroite coopération dans le domaine de
l'éducation, avec par exemple des universités communes.
Dans le domaine
de l'énergie, échanger du nucléaire contre du pétrole ou du gaz pourrait permettre
aux pays du Nord de la Méditerranée de ne plus être dépendants du russe Gazprom.
Enfin, la création d'une Banque méditerranéenne d'investissement, comparable à
la Banque européenne d'investissement qui a pour mission de contribuer au développement
de ses Etats membres, et l'instauration d'une zone de libre-échange négociée et
régulée, ont aussi été suggérées par Nicolas Sarkozy.
Un
projet réaliste ?
Cependant, les réticences sont nombreuses.
Il faudra surmonter les rivalités et tensions entre certains pays comme l'Algérie
et le Maroc, dont la question du Sahara occidental envenime les relations, si
bien que leur frontière commune est fermée depuis 10 ans. Autre incertitude,
la Turquie pourrait refuser l'alternative proposée par Nicolas Sarkozy.
La
crise israélo-palestinienne et les questions d'immigration, à l'origine de nombreux
blocages au sein de l'Euromed, pourraient plomber l'Union méditerranéenne à leur
tour. De même, la Commission européenne n'a pas intérêt
à soutenir le projet d'une organisation qui pourrait lui faire concurrence
dans un certains nombres de domaine comme l'énergie, la sécurité
ou le développement.
Enfin, un tel projet nécessite d'importants
moyens financiers. Entre 1995 et 2005, l'UE a investi 20 milliards d'euros
dans l'Euromed. Nicolas Sarkozy devra donc se montrer très persuasif
pour obtenir des engagements financiers de la part de ces futurs partenaires.
Si, pour concrétiser son projet, le président français souhaite
une réunion des chefs d'Etats concernés dès le premier semestre
2008, pour l'instant, ces derniers restent silencieux.
» Et
vous, que
pensez-vous du projet d'Union méditerranéenne ?
» Voir
aussi : A
quoi sert le FMI ?
» Et
toujours : A
quoi sert la Banque mondiale ?
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