David Hamilton : le photographe pour qui "l'art sans sexe n'existe pas"

David Hamilton : le photographe pour qui "l'art sans sexe n'existe pas" DAVID HAMILTON - David Hamilton s'est suicidé en novembre 2016, après une série d'accusations de viols et d'agressions sexuelles. Retour sur le parcours d'un photographe vedette, au passé sulfureux...

[Mis à jour le 7 novembre 2017 à 23h20] L'adaptation en téléfilm de La Consolation, le livre de Flavie Flament, dans lequel elle revient sur son agression par David Hamilton, était diffusée mardi 7 novembre sur France 3. L'occasion de s'attarder sur ce photographe vedette qui s'est donné la mort il y a maintenant près d'un an. C'était le 25 novembre 2016. Âgé de 83 ans, David Hamilton, alors en plein scandale, était retrouvé mort dans son appartement parisien. Quelques semaines avant le suicide de ce photographe de renom, Flavie Flament l'accusait notamment d'un viol qu'il lui aurait fait subir, à 13 ans, lors d'une séance photo.

C'est sur cette sordide histoire que revient donc l'animatrice dans son ouvrage. La Consolation évoque ce drame et plus largement la jeunesse de Flavie Flament, sous l'emprise d'une mère narcissique, manipulatrice, jusqu'à parfois déborder sur la maltraitance. David Hamilton, incarné par le comédien Philip Schurer, y joue bien évidemment un rôle clé. Mais qui est cet artiste, qui a joui toute sa vie d'une renommée mondiale dans le milieu de la photographie, alors même qu'il restait encore inconnu du grand public ?

Devenu photographe sur le tard

Né en 1933, à Londres, David Hamilton a suivi des études d'architecture dans sa jeunesse, mais se dirige vers la presse au moment de débuter sa carrière professionnelle. Il s'installe à Paris au milieu des années 1950, pour intégrer le magazine File, où il travaille comme directeur artistique avec Peter Knapp. Il occupera quelques années plus tard le même poste au Printemps, tout en se lançant dans la photographie, avec un style singulier. Arrivé à la photographie sur le tard, à 33 ans, David Hamilton voit ses premiers clichés publiés dans les magazines Réalités, Twen et Photo. Il se fait un nom grâce à ses collaborations avec Nina Ricci et Chanel.

David Hamilton, photographe sulfureux

En 1971, cinq ans environ après ses débuts, un premier album publié par David Hamilton provoque l'émoi. Les clichés, particulièrement sulfureux, montrent de très jeunes filles, nues ou presque, dans des décors fleuris, avec des effets de couleurs pastelles respirant la naïveté. Le succès de David Hamilton est immédiat : les albums suivants se vendront par dizaines de milliers, le photographe voit aussi ses clichés imprimés sur des posters et des cartes postales, alors que les années 1970 confirment la révolution sexuelle de la décennie précédente.

Le photographe britannique, mort à 83 ans, aura ainsi passé la plus large partie de sa vie à capturer des corps de jeunes femmes nues, parfois dans des positions lascives, dans des œuvres très identifiables, qu'un novice pourrait probablement distinguer aisément. L'usage des filtres et du flou dans ses portraits, mais aussi le parfum de scandale qui accompagne chacun de ses clichés, en ont fait au fil des décennies un photographe mondialement connu et reconnu. Mais David Hamilton a aussi été, dans sa longue carrière, profondément guidé par la peinture et ses grands maîtres, aux compositions hétéroclites. D'Edgar Degas à Gustave Gray, en passant par Robert Demachy, pictorialiste qui a marqué son courant par nombre de nus féminins oniriques. David Hamilton fera aussi plusieurs incursions au cinéma. Son premier film, "Bilitis", est sorti en 1977.

Après quelques années pourtant, la douce candeur qui se dégage des clichés apparaît petit à petit comme une forme de perversion. Artiste inspiré ou personnage lubrique ? Par prudence sans doute, David Hamilton finit par se convertir aux photos de fleurs, sans y faire figurer cette fois les nymphettes dénudées qui ont fait sa patte. En marge d'une exposition de natures mortes à Paris en avril 2015, il sera interrogé par la presse sur ce revirement. David Hamilton, qui a toujours fustigé les "puritains", regrettera "qu'on ne puisse plus prendre en photo une jeune fille" voire "que ce soit devenu un tabou en France". Reconnaissant qu'il y a eu "un avant et un après Dutroux", il s'expliquera dans Le Parisien sur le "désir" qu'il éprouvait pour ses jeunes modèles : "Il y a du désir dans mes photos, bien sûr. L'art sans sexe n'existe pas. [...] Mais c'est tout dans la tête, ce sont des fantasmes", répondra-t-il, laconiquement.

Accusé de viol et d'agressions sexuelles

C'est en octobre 2016 que Flavie Flament, alors star de la télévision française, a décidé d'évoquer son traumatisme dans un livre témoignage, La Consolation, paru aux éditions JC Lattès. Un ouvrage dans lequel l'animatrice de 42 ans déclarait avoir été violée à l'âge de 13 ans par un célèbre photographe. Les faits se seraient déroulés au Cap d'Agde. "Quand vous avez un photographe qui ouvre la porte, nu, avec juste un appareil photo en bandoulière posé sur le ventre, a priori, on n'est pas dans quelque chose de tout à fait normal, et pourtant, j'y allais, et pourtant j'étais laissée l'après-midi avec ce photographe", expliquait-elle début novembre à France 2, pointant la responsabilité de sa mère.

Si l'animatrice était, dans un premier temps, restée muette quant au nom de son violeur présumé, le 18 novembre dernier elle a finalement décidé de confirmer les rumeurs, sur TF1. Mais le nom de David Hamilton était alors déjà dans toutes les bouches. Dès le 22 octobre, Thierry Ardisson avait le premier évoqué le photographe britannique dans son émission Salut les Terriens. Après avoir explicitement impliqué David Hamilton, Flavie Flament sera suivie par d'autres femmes, accusant elles aussi l'artiste de viols et d'agressions sexuelles. David Hamilton clamera quant à lui jusqu'au bout son innocence, affirmant vouloir porter plainte. "Je suis innocent et dois être considéré comme tel", avait-il déclaré peu de temps avant sa mort. Et d'ajouter : "L'instigatrice de ce lynchage médiatique cherche son dernier quart d'heure de gloire. Par la diffamation. Je déposerai plusieurs plaintes dans les jours à venir."

La mort de David Hamilton, conséquence des révélations ?

Le photographe britannique s'est finalement suicidé le 25 novembre dernier. C'est un voisin qui a donné l'alerte après avoir découvert le corps inanimé du photographe dans son appartement du 6e arrondissement de Paris, un sac en plastique sur la tête. Le lendemain, Flavie Flament réagissait à l'annonce de sa mort. L'animatrice était alors "dévastée par la nouvelle", selon Karina Hocine, son éditrice, qui livrait quelques détails à l'AFP. "On nous a dit que c'était un suicide. Bien entendu nous sommes partagées entre l'horreur de la situation en tant qu'humain et en même temps, il y a un sentiment d'immense révolte car il n'aura pas laissé le temps à la justice de faire son oeuvre".