François Hollande candidat ? Son plan hasardeux pour la présidentielle

François Hollande candidat ? Son plan hasardeux pour la présidentielle François Hollande donne cette semaine un entretien exclusif à l'Obs. En couverture, une citation plus qu'explicite : "Je suis prêt"...

[Mis à jour le 12 octobre 2016 à 19h10] Cela fait des mois que la montée en puissance est visible, palpable même. Après plusieurs déplacements clés, après le discours de Wagram (un second serait en préparation), et alors que plusieurs ouvrages reviennent sur les confidences de François Hollande sur son mandat, le chef de l'Etat donne cette semaine un entretien exclusif à l'Obs dans lequel il ne laisse guère planer le doute sur sa volonté d'être candidat à la présidentielle 2017.

Le président de la République sortant apparaît en couverture de l'hebdomadaire en gros plan sur fond sombre. A côté de son visage, ces trois mots : "Je suis prêt". Certes François Hollande n'annonce pas explicitement de candidature à un second mandat. Mais plusieurs lignes de l'entretien sont révélatrices. François Hollande se dit notamment prêt à un "inventaire" de son quinquennat et assume la très large majorité de ses décisions. Une ligne semble d'ailleurs se dessiner sur la campagne qu'il compte mener dans les semaines à venir.

TWEET - François Hollande a retweeté la une de l'Obs sur son compte Twitter personnel.

1- Evacuer la question du bilan

Premier élément de cette stratégie : évacuer le bilan. Le chef de l'Etat demandera à être jugé sur l'application de ses 60 engagements de 2012, mais avant tout au regard du contexte qui s'est imposé à lui. Autrement-dit, si François Hollande n'a pas tenu toutes ses promesses, c'est à cause du bilan que lui a laissé la droite, d'une reprise plus lente que prévu, du contexte de menace terroriste qui a surgi, de l'instabilité internationale avec le problème syrien et la lutte contre Daesh... Pour le reste, François Hollande assume tout et affirme être resté "de gauche" et avoir mené une politique en cohérence avec ses valeurs. Dans l'entretien, il revendique une réduction des "inégalités fiscales", la création de postes dans l'Education nationale, ou encore de nouvelles "avancées sociales". Même la loi El Khomri est à ses yeux une "loi sociale". Seul véritable regret : l'idée d'instaurer la déchéance de nationalité, mesure aujourd'hui abandonnée, qu'il voyait comme un moyen de redonner une forme de cohésion au pays, mais qui s'est révélée plus clivante que jamais selon lui, provoquant des divisions à gauche et une "surenchère" à droite. D'autant que François Hollande l'a toujours jugée, en pratique, "inutile et inefficace".

EN VIDEO - Hollande entame son inventaire, plombé par un livre confidences.

""Un président ne devrait pas dire ça" : les confessions de François Hollande décryptée"

2- Dire que la droite, c'est pire (même Juppé)

Le second axe qui se dessine dans cet entretien est simple : certes la politique de François Hollande n'a pas donné satisfaction, mais il demandera qu'elle soit jugée également à l'aune de ce que proposent ses adversaires de droite. Les Français pourront "comparer ce que j'ai fait dans le contexte que chacun connaît avec ce que proposent ceux qui prétendent nous remplacer", dit-il dans l'Obs. François Hollande n'est pas tendre avec l'opposition, Alain Juppé en premier lieu. Pour lui, le maire de Bordeaux mènera, sur le plan économique et social, le même "programme commun" de "régression" que Nicolas Sarkozy. Tous les candidats de la primaire de la droite veulent selon lui "revenir sur des droits et des principes qui ont mis des décennies pour être conquis et acquis ".

Et cette attaque de la droite s'accompagne d'un corollaire très net : François Hollande a décidé de changer de tempo et d'adversaire. Selon plusieurs connaisseurs de l'Elysée, dont l'éditorialiste du Monde François Fressoz, François Hollande précipite son entrée en campagne avec ces confidences et cet entretien très entreprenant à l'Obs. Le chef de l'Etat aurait eu pour projet de sortir du bois en décembre seulement. Mais les sondages sur la primaire à droite l'ont semble-t-il forcé à revoir sa stratégie. Et la faute en incombe d'abord à Nicolas Sarkozy qui ne parvient pas à décoller.

3- Jouer la carte du président rassembleur

François Hollande verrait en effet son ancien adversaire de 2012 comme le candidat idéal de la droite, aspirateur des voix du FN d'un côté et véritable repoussoir pour l'ensemble de la gauche et d'une partie du centre de l'autre. Un ennemi face auquel il serait aisé de jouer la partition du "président rassembleur" face au "diviseur". Mais c'est bien Alain Juppé qui semble prendre le large malgré les efforts insensés de son rival. Alors Hollande doit accélérer et raviver le clivage gauche-droite qu'Alain Juppé semble menacer en séduisant jusqu'aux déçus du hollandisme. Dans l'Obs, il n'est d'ailleurs pas difficile d'identifier sa véritable cible : un Juppé dont le concept de "l'identité heureuse" cacherait en réalité celui de "solidarité malheureuse".

4- Minimiser la concurrence à gauche

Mais quid de ses adversaires à gauche ? François Hollande dessine là le quatrième étage de sa stratégie. Une stratégie de dramatisation de l'enjeu qui rend le rassemblement incontournable. Face à cette droite rétrograde et à une extrême droite aux portes du pouvoir, il faudra que la gauche se rassemble autour du meilleur candidat. Et François Hollande l'esquisse déjà : les ministres qui ont quitté son gouvernement et qui se présentent aujourd'hui face à lui ont raté une occasion de "changer la France". Il n'y aura pas non plus de concession accordée à Jean-Luc Mélenchon. Pour François Hollande, l'équation semble simple : il ne se retirera que si un candidat semble en meilleure position que lui pour vaincre à la fois la droite et l'extrême droite. Et pour l'instant, il semble convaincu que ce candidat n'est pas arrivé.

5- Ne pas craindre l'échec

Pour autant, à regarder les sondages successifs sur la présidentielle, on s'interroge encore sur ce que François Hollande a derrière la tête. Candidat peut-être, mais pour quel résultat ? François Hollande est-il inconscient à tel point qu'il se lancerait dans une campagne perdue d'avance ? A-t-il intégré la défaite à la primaire voire à la présidentielle dans une stratégie de plus long terme ? Dispose-t-il des clés pour renverser la situation et l'emporter à la surprise générale ? Difficile de le dire à six mois du scrutin. D'un côté, certains propos semblent indiquer le le président sortant y croit dur comme fer, comme dans le livre de confidences de Fabrice Lhomme et Gérard Davet publié ce mercredi ("Un président ne devrait jamais dire ça", Stock). A l'évocation de Julie Gayet, François Hollande assure ainsi qu'il "n'y aura pas d'offi­cia­li­sa­tion. Y compris pour le second quinquen­nat, il n'y a pas de raison". De quoi conclure que pour lui, ce "second quinquennat" est acquis. 

Pour autant, François Hollande a aussi accepté de parler d'un autre scénario avec les deux journalistes du Monde. Celui de l'échec. Le chef de l'Etat sortant affirme sans ciller qu'en cas de défaite, il ne fera pas de "dépression". " Je n'ai pas peur de perdre [...]. Je n'aurai pas de frustration et je n'en voudrai pas aux Français", ajoute-t-il, assurant par ailleurs qu'il ne sollicitera pas de poste prestigieux, ne redeviendra pas élu et n'ira pas, comme d'autres chefs d'Etat en retraite, courir "le cacheton" en donnant des conférences grassement rémunérées. Dont acte.