Jérôme Cahuzac : pourquoi l'ex-ministre évitera sans doute la prison

Jérôme Cahuzac : pourquoi l'ex-ministre évitera sans doute la prison

PROCES CAHUZAC - Jérôme Cahuzac est enfin fixé sur son sort. La cour d'appel s'est prononcée : l'ancien ministre a été condamné à une peine de 4 ans d'emprisonnement, dont 2 ans ferme. Mais il ne devrait pas faire de prison.

[Mis à jour le 15 mai 2018 à 15h19] Le président de la cour d'appel a mis fin à des années de procédure : l'ancien ministre du budget a été condamné à une peine de quatre ans de prison dont deux ans avec sursis. Ce qui signifie que la peine d'emprisonnement ferme n'est que de deux ans. Compte tenu des mesures d'aménagement des peines dont il a droit, Jérôme Cahuzac ne devrait pas faire de prison. Il est probable en effet que les juges d'aménagement des peines acceptent que la condamnation ferme soit effectuée par des dispositifs alternatifs, comme le port d'un bracelet électronique. Jérôme Cahuzac, reconnu coupable de fraude fiscale et de blanchiment de fraude fiscale, est également condamné à une amende de 300 000 euros et à 5 ans d'inéligibilité. 

"C'est une victoire de la justice, cette décision est équilibrée" a déclaré l'avocat de Jérôme Cahuzac, Eric Dupond-Moretti, en sortant de l'audience. Il a indiqué que son client allait désormais saisir le juge d'application des peines. "Rien n'est fait", a-t-il dit, demeurant malgré tout confiant : "Il ne mérite pas la prison", a-t-il estimé. L'avocat va devoir désormais assembler des éléments pour faire valoir devant la justice la volonté de Jérôme Cahuzac de se réinsérer dans la société.

Ce qui attend Jérôme Cahuzac

Il appartient au juge d'application des peines de se prononcer sur le caractère "désocialisant" d'une incarcération dans le dossier Cahuzac. Le magistrat, s'il a les garanties que le condamné n'a aucune intention de récidiver et que sa réinsertion est assurée, propose de manière général pour les peines de prison ferme inférieure ou égale à deux ans deux alternatives : un placement sous surveillance électronique, à résidence, qui permet au condamné de sortir à heures établies durant la journée ; un statut de semi-liberté qui autorise le condamné à disposer de ses journées mais qui le contraint à venir dormir tous les soir dans un établissement pénitentiaire ou dans un centre extérieur à la prison.

3 ans de prison ferme en première instance

Celui qui représentait la rigueur et le sérieux de la gauche dans la lutte contre l'évasion fiscale avait été jugé en février dernier, à la suite d'une première condamnation pour une fraude précisément. En première instance, le 8 décembre 2016, Jérôme Cahuzac avait été condamné à 3 ans de prison ferme et à 5 ans d'inéligibilité pour "fraude fiscale" et "blanchiment de fraude fiscale". Et au-delà des tribunaux, l'affaire Cahuzac aura incontestablement été l'un des pires scandales du quinquennat de François Hollande voire peut être des dernières décennies.

Avant même de devenir ministre, alors qu'il était député du Lot-et Garonne et s'érigeait déjà comme un spécialiste du budget, Jérôme Cahuzac a dissimulé 600 000 euros sur un compte en Suisse, transféré en 2009 sur un compte à Singapour via des sociétés immatriculées à Panama et aux Seychelles. Un dispositif sophistiqué, élément d'une fraude plus globale masquant un patrimoine du couple Cahuzac estimé à 3,5 millions d'euros, dont 2,7 millions étaient sur un compte de l'île de Man, géré par l'ancienne épouse de l'homme politique Patricia Cahuzac.

Jérôme Cahuzac a"durement rompu l'équilibre social" selon le parquet

A la fin de son deuxième procès, l'accusation avait requis la "confirmation" de la peine et donc le renvoi de l'ancien ministre derrière les barreaux. On reprochait à Jérôme Cahuzac un "manquement" ayant "durement rompu l'équilibre social".  A la lecture du verdict en décembre 2016, le président du tribunal correctionnel avait déjà dénoncé avec virulence "une faute pénale d'une exceptionnelle gravité" commise par l'ancien ministre, qu'il avait qualifiée de "destructrice du lien social et de la confiance dans les institutions".

Lors du premier procès en 2016, le banquier François Reyl et l'intermédiaire Philippe Houman, qui avaient appuyé Jérôme Cahuzac dans sa fraude fiscale, avaient tous deux été condamnés à un an de prison avec sursis et respectivement 1,875 million et 375 000 euros d'amende. Patricia Cahuzac quant à elle avait écopé de deux ans de prison. Ces derniers avaient décidé de ne pas faire appel, laissant Jérôme Cahuzac seul dans son combat.

Chronologie de l'affaire Cahuzac

  • Décembre 2012 - Médiapart accuse Jérôme Cahuzac d'avoir détenu un compte bancaire secret en Suisse, clôturé en 2010, enregistrement vocal à l'appui. Alors ministre du Budget, Jérôme Cahuzac dément devant l'Assemblée nationale et porte plainte.
  • Janvier 2013 - Le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire pour "blanchiment de fraude fiscale" 
  • Mars 2013 - Le parquet ouvre une information judiciaire, Jérôme Cahuzac démissionne de son poste de ministre.
  • Avril 2013 - Jérôme Cahuzac avoue posséder un compte à l'étranger "depuis une vingtaine d'années" dotés d'"environ 600 000 euros". François Hollande dénonce une "impardonnable faute morale".
  • Août 2013 - Patricia Cahuzac mise en examen pour "fraude fiscale" et "blanchiment de fraude fiscale". Un compte doté de 2,7 millions d'euros sur l'île de Man est dans le viseur de la justice.
  • Décembre 2013 - Patricia Cahuzac avoue avoir été informée de l'existence du compte dissimulé : "Mon mari, ministre de la République, niait avoir un compte en Suisse, je ne me voyais pas le contredire. J'ai menti pour protéger ma famille".
  • Novembre 2014 -  Jérôme Cahuzac avoue qu'il était au courant de l'existence d'un compte sur l'île de Man ouvert par son ex-épouse, sur lequel était dissimulé 2,7 millions d'euros.
  • Janvier 2015 - Le parquet national financier requiert  le renvoi de Jérôme Cahuzac en correctionnelle, notamment pour fraude fiscale.
  • Juin 2015 - Jérôme Cahuzac est renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale
  • Septembre 2016 - Procès de Jérôme Cahuzac devant le tribunal correctionnel de Paris, pendant deux semaines
  • Décembre 2016 -  Le tribunal correctionnel de Paris condamne Jérôme Cahuzac à trois ans de prison ferme (sans mandat de dépôt) et à cinq ans d'inéligibilité pour "fraude fiscale" et "blanchiment de fraude fiscale".
  • Février 2018 - Procès en appel de Jérôme Cahuzac qui a décidé de contester sa peine en justice, devant la cour d'appel de Paris. Le verdict doit être rendu ce mardi 15 mai 2018.