Alain Juppé : pourquoi il a (vraiment) démissionné

Alain Juppé : pourquoi il a (vraiment) démissionné JUPPE - Le maire de Bordeaux a démissionné de ses fonctions ce jeudi 14 février. Très ému, il a pointé du doigt le climat "délétère" qui sévit en France, ainsi que le discrédit de la classe politique.

[Mis à jour le 14 février 2019 à 19h13] Ce jeudi 14 février, le maire de Bordeaux, Alain Juppé a fait part de sa décision de quitter son mandat pour intégrer le Conseil constitutionnel. Très ému, même en larmes, Alain Juppé s'est arrêté deux fois dans son discours pour le terminer. L'homme politique a expliqué son envie de quitter la vie politique et a eu des mots durs. "J'ai aimé faire ce combat, et je l'ai fait pendant plus de quarante ans, toujours avec passion. Aujourd'hui, l'envie me quitte, tant le contexte change", a-t-il ainsi déclaré.  Alain Juppé a, à cette occasion, parlé du climat social de la France, mais aussi de l'ambiance "délétère" qui règne. Selon lui, il y a une "stigmatisation des élites" et un "climat général infecté par les mensonges et les haines que véhiculent les réseaux sociaux". Le discrédit est facilement jeté sur "les hommes et les femmes politiques", a-t-il précisé. Néanmoins, Alain Juppé a aussi parlé de ses engagements à Bordeaux. "Quitter cet hôtel de ville est pour moi un crève-cœur", a-t-il ainsi confié aux Bordelais. En détail, il explique également : "J'avais pris la décision de ne pas me représenter en mars 2020 à l'élection municipale. J'avais prévu d'annoncer cette décision après les élections européennes". Il espère ainsi pouvoir continuer "à servir notre pays" dans un autre contexte, "plus serein", au Conseil constitutionnel.

Alain Juppé va donc intégrer le Conseil constitutionnel. Il sera auditionné par les commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat, mais il ne fait aucun doute que les parlementaires valideront le choix de Richard Ferrand. C'est en effet le président de l'Assemblée nationale, ancien socialiste qui ne cachait pas par le passé quelques animosités avec le maire de Bordeaux, qui a choisi de le nommer au conseil des Sages. Pendant 9 ans, Alain Juppé sera donc l'un des 10 membres de l'institution - 9 nommés et Valéry Giscard d'Estaing, membre de droit car ancien président de la République. Ironie de l'histoire, il officiera sous l'autorité d'un autre ancien Premier ministre, qui fut l'un de ses plus vigoureux adversaires politiques, Laurent Fabius.

Alain Juppé pas vraiment le bienvenu au Conseil constitutionnel ?

L'ancien maire de Bordeaux va succéder à Lionel Jospin. Deux autres personnalités quittent leurs fonctions : Michel Charasse et Jean-Jacques Hyest, ils devraient être remplacés par l'ancien ministre Jacques Mézard et le sénateur François Pillet. Ce sont donc bien trois hommes politiques pur jus qui intègrent le Conseil constitutionnel. Encore. Depuis quelques années, les juristes et constitutionnalistes s'interrogent sur cette propension de placer au sommet de la pyramide du droit des retraités de la politique, aussi reconnus soient-ils pour leurs talents et leur carrière. Au Monde, l'un de ses membres confie même être un peu irrité, sous couvert d'anonymat. "La qualité de ces trois hommes ne fait aucun doute, mais la confusion que ces nominations entretiennent sur les relations entre le Conseil et le pouvoir politique est regrettable", dit-il. "Faire du Conseil constitutionnel un cimetière d'anciens ministres ou chefs de gouvernement n'est pas rendre service à cette institution qui cherche à se mesurer aux cours constitutionnelles des grandes démocraties", ajoute un professeur d'université, sans doute plus armé pour trancher des questions constitutionnelles que beaucoup d'anciens ministres d'Etat.