Manuel Valls : pétage de plombs à Matignon sur le 49-3

Manuel Valls : pétage de plombs à Matignon sur le 49-3 Face au refus de certains socialistes de voter la loi Macron, le Premier ministre a piqué quelques colères noires. Face aux députés, mais aussi en privé, à l'encontre de quelques "abrutis" frondeurs, révèlent Le Canard et L'Express.

Le Premier ministre peut-il aujourd'hui se réjouir d'avoir eu recours à l'article 49-3 de la Constitution ? Aveu d'impuissance face à sa majorité pour les uns, mépris du Parlement pour les autres, Manuel Valls préfère, lui, assurer devant ses collaborateurs qu'il a fait acte d'autorité. Le Canard Enchaîné, qui livre cette semaine de nombreuses confidences sur les crises de colère du Premier ministre, explique comment celui-ci se vante d'avoir été salué par "The Financial Tiimes" et "The Economist", pour sa "performance pour faire adopter la principale réforme économique de l'année".

Mais le bras de fer avec sa majorité laissera des traces car, au fond, l'utilisation du 49-3 brise le sentiment de l'unité de la gauche, à quelques semaines des élections départementales 2015. La semaine dernière, le locataire de Matignon avait mis en garde les députés de son camp à quelques heures du vote de la loi Macron. L'Express, qui revient ce mercredi sur les événements, rapporte les propos d'un "pilier du groupe" : "Il s'est emporté et est devenu rouge, il a engueulé tout le monde en disant que ce serait scandaleux que des parlementaires s'opposent au texte. C'était violent, infantilisant". 

"Abrutis", "salopards", "enfants gâtés"

Au fond, Manuel Valls peut s'en vouloir de ne pas avoir suffisamment anticipé la fronde. "Depuis le début de l'année, on était cohérents ; il y avait des frémissements sur le plan économique. On était en train de se redresser électoralement [...] et voilà qu'ils nous tirent dans le dos" analyse-t-il d'après le Canard Enchaîné. Fallait-il exercer davantage de pression dans les rangs socialistes ? Fallait-il aller discuter avec des membres de l'UDI et de l'UMP ? Déjà , l'an dernier, pour jouer la carte de l'union réformiste, un proche de Manuel Valls lui avait clairement conseillé de s'adresser "aux hommes d'Etat du Parlement qui sont dans l'opposition" pour préparer son discours de politique générale, rapporte L'Express. "Tu sais comment la droite me voit, ils vont huer le Catalan au sang chaud. Et je devrais leur tendre la main ? Je vais leur rouler dessus !" avait-il répondu.

S'il est trop tard pour nourrir des regrets, il n'y a plus beaucoup de raisons pour que l'exécutif garde encore de l'estime à l'égard des "frondeurs", jugés irresponsables. Et le Premier ministre n'a pas de mots assez durs pour les qualifier. Le Canard Enchaîné révèle le vocabulaire soigneusement choisi : "Des abrutis" des "enfants gâtés", des "salopards", même, pour quelques-uns. Le Premier ministre en veut plus qu'aux autres à son ancien ministre Benoît Hamon, qui veut semble-t-il apparaître comme le nouveau leader des frondeurs. "Infantile", "qui ne pense qu'au congrès", l'ancien membre de son gouvernement se comporterait comme "un ancien président des Jeunes socialistes". Et à l'endroit de Christian Paul, le jugement est sévère, puisque Manuel Valls le voit en "aigri qui croyait qu'il serait un grand ministre, alors qu'il n'est rien".

La faute à Cambadélis et Le Roux ?

Toujours selon le Canard, Manuel Valls ne peut même pas s'assurer du soutien indéfectible du patron du PS et du chef du groupe socialiste à l'Assemblée. Deux hommes contre qui il se serait "fâché tout rouge". "Camba [Cambadélis, le premier secrétaire du PS, ndlr] n'a pas clarifié sa ligne vis-à-vis d'Aubry", explique un conseiller de Matignon. Manuel Valls le soupçonnerait d'avoir entretenu des rapports ambigus avec les frondeurs pour préparer le congrès de juin et se rapprocher de Martine Aubry. Quant à Bruno Le Roux, il est coupable aux yeux de Matignon de n'avoir pas su évaluer le nombre de députés PS qui ne voteraient pas la loi Macron.