Joséphine Baker : un symbole sexuel trahissant un fantasme colonial

Joséphine Baker : un symbole sexuel trahissant un fantasme colonial JOSÉPHINE BAKER - Star des années folles, la danseuse et chanteuse Joséphine Baker a eu plusieurs vies et plusieurs images. Dont celle de la femme africaine sauvage, dans une Europe en proie au racisme.

[Mis à jour le 3 juin 2017 à 00h05] Joséphine Baker, artiste de renom, symbole d'une époque, d'une société, aurait eu 111 ans ce samedi. Née le 3 juin 1906, cette danseuse et chanteuse de cabaret, incarnation même pour beaucoup des années folles et de la période de l'entre-deux guerres ouverte à toutes les extravagances, fut une star interplanétaire, et pas des moindre ! Elle fut la première femme noire à remporter ce statut en Europe. Ce qui a séduit le public ? Ses prestations enflammées, mais également hilarantes. Celle qui a grandit dans une famille pauvre du Missouri s'est produite sur les scène du monde entier. Parmi elles, celle des Folies bergères notamment. Mais tout n'a pas toujours été un long fleuve tranquille pour en arriver là. Avant de devenir la grande Joséphine Baker, Freda Josephine McDonald a d'abord écumé les scènes de New York avant de gagner l'Europe, avec une renommée importante, déjà, en 1925.

La même année, elle se produit dans la Revue Nègre, à Paris. Sa danse, explosive, presque tribale, mais aussi particulièrement sensuelle voire érotique (elle apparaît seins nus dans le tableau final), va lui permettre d'acquérir le statut d'icone. Un statut à deux visages. D'un côté, il y aura la star respectée, à la pointe de la modernité et de la mode, qui va parcourir le monde avec sa désormais mythique ceinture de bananes. Joséphine Baker va bientôt devenir une people dont les aventures sentimentales défrayeront la chronique, près d'un siècle avant l'avènement de la presse à scandale et des réseaux sociaux. A la fin d'une carrière de près d'un-demi siècle, elle sera aussi reconnue comme chanteuse de jazz. Mais de l'autre côté du miroir, le scandale et la critique vont lui bâtir une autre image.

Car Joséphine Baker sera taxée toute sa vie ou presque d'une forme d'"exhibitionnisme" et d'"obscénité" par des contempteurs. Les mêmes qui iront parfois jusqu'à la comparer à un singe, dans une Europe déjà tiraillée par le racisme et le nationalisme. Dans une France encore colonisatrice, l'image de Joséphine Baker alimente un certain fantasme de la sauvage, sympathique, mais primaire, voire primitive. Joséphine  Baker a beau venir des Etats-Unis et s'inspirer du charleston, à mille lieues des danses africaines, elle est, dans l'admiration comme dans le rejet, renvoyée à sa condition de femme noire, avec tous les clichés racistes qui l'accompagnent. Et le sera sans doute toute sa vie jusqu'à son décès le 12 avril 1975, à Paris.