Cherif Chekatt : de nouveaux éléments sur le tueur présumé de Strasbourg

Cherif Chekatt : de nouveaux éléments sur le tueur présumé de Strasbourg CHERIF CHEKATT - L'homme suspecté d'avoir perpétré l'attentat de Strasbourg a été abattu jeudi soir vers 21 heures. Après sa mort, l'enquête se poursuit.

[Mis à jour le 14 décembre 2018 à 17h37] La traque de l'homme le plus recherché de France a pris fin hier soir, jeudi 13 décembre, vers 21 heures. Le suspect de l'attentat qui a coûté la vie à trois personnes et blessé 13 autres a été abattu par les hommes de la Brigade spécialisée de terrain, rue de Lazaret, à Strasbourg. Le suspect, blessé , avait pris la fuite mardi soir après l'attentat perpétré sur le marché de Noël. Quelques heures avant, une première opération policière a eu lieu dans le quartier, qui avait été de fait bouclé durant deux heures. Le ministre de l'Intérieur avait alors évoqué "une levée de doutes" et avait appelé "à laisser les enquêteurs faire leur travail". 

Dans les premières heures de l'enquête, les autorités redoutaient de diffuser la photo et l'identité du tireur présumé. Sur LCI, Yves Lefebvre, secrétaire général du syndicat Unité-SGP Police FO, avait  estimé qu'il s'agissait de "la pire bêtise à commettre" puisque "derrière chaque Strasbourgeois", se cachait potentiellement "un justicier". Le fait que le suspect soit "cerné" par des justiciers amateurs était alors "particulièrement dangereux". Dans la journée de mercredi, un appel à témoin a finalement été diffusé par la police nationale. Cet appel à témoins a été décisif dans l'enquête qui a mené à la neutralisation du fugitif : selon une source proche de l'enquête, une femme ayant été abordée dans la rue par "un homme blessé" et dont elle a "reconnu les traits" du tireur présumé a appelé le numéro figurant sur l'appel à témoins. Sa blessure, déjà évoquée par le chauffeur de taxi lors de son audition au commissariat avait ouvert des pistes aux enquêteurs. Selon les informations du Parisien, les policiers "privilégiaient  l'hypothèse d'un repli dans une cachette de la région alsacienne".

De nouveaux éléments, l'enquête sur Chekatt se poursuit

Après qu'une femme a appelé le 197, suite à sa rencontre avec le tireur présumé, les membres de la Brigade de sûreté passaient en voiture rue Lazaret quand ils ont croisé un homme correspondant au profil de Chérif Chekatt. En les voyant , le suspect a tenté de rentrer dans un immeuble, puis s'est retourné et a tiré dans leur direction. Les policiers ont riposté en le touchant mortellement. Selon France info, aucun membre de l'équipe n'a été blessé dans l'opération. Le ministre de l'Intérieur s'est exprimé moins d'une heure après la mort de l'individu. Il a fait part du fait qu'un "dispositif de surveillance important avait été mis en place" pour appuyer les 280 enquêteurs de la police judiciaire chargés de le localiser". En se rendant sur place, il s'est dit "fier" des forces de sécurité. "Il n'y a pas d'indication aujourd'hui qui nous fait penser qu'il y aurait eu des complices, mais l'enquête se poursuit et se poursuivra jusqu'au bout pour que toute la vérité soit faite" a t-il déclaré.

Lorsque les trois membres de la brigade de sûreté de terrain ont abattu Chérif Chekatt, le suspect était seul. Néanmoins, les forces de l'ordre étaient également à la recherche de son grand frère, Sami Chekatt qui faisait l'objet de deux fiches S. La DPA, agence de presse allemande avançait même que Chérif Chekatt pouvait être en fuite avec ce dernier. Selon des sources concordantes, l'aîné du suspect a été interpellé un peu plus tôt en Algérie. Le parquet de Paris souhaite connaître le rôle que "le plus radicalisé de la fratrie" a potentiellement pu jouer dans l'organisation de l'attentat.  

Le tireur présumé se savait recherché. "La police a perquisitionné chez moi ce matin. Ils ont trouvé une grenade", aurait t-il expliqué au chauffeur de taxi. Cette perquisition était menée par les forces de l'ordre dans le cadre d'une enquête sur un braquage avec tentative d'homicide perpétré le 21 août dernier. Quatre hommes, dont le tireur présumé de Strasbourg, auraient blessé des rivaux au couteau. Les trois complices de Chérif Chekatt ont été mis en examen puis écroués jeudi. Mais cette même perquisition aurait précipité le passage à l'acte de Chérif Chekatt. Prévenu de l'arrivée de la police, Cherif Chekatt aurait "tout prévu" et passé la nuit hors de son domicile. En revanche, les circonstances de son passage à l'acte font penser à "un sentiment d'impréparation". Ses cibles ayant été visées à la nuque ou à la tête, le sentiment qu'il était déterminé à tuer reste présent. 

Les résultats de la perquisition de son domicile restent aujourd'hui à étudier. Bien que Daech ait revendiqué l'attaque hier soir en  décrivant Chérif Chekatt comme étant l'un de "ses soldats", aucun signe de basculement dans le terrorisme n'avait été détecté dans son profil. Ni drapeau, ni allégeance à l'état islamique n'ont été retrouvés à son domicile.  En revanche, on sait que le tireur présumé avait recopié des sourates guerrières du Coran sur un cahier et téléchargé l'application Télégram il y a quelques jours.

Chérif Chekatt, membre d'une cellule organisée ?

7 personnes sont placées en garde à vue dans le cadre de l'enquête a rappelé le procureur de Paris, Rémy Heitz. Il s'agit de ses parents , de deux de ses frères et de trois de ses  proches. Sami Chekatt, son frère aîné a été arrêté en Algérie. "L'enquête va désormais se poursuivre afin d'identifier d'éventuels complices ou co-auteurs susceptibles d'avoir aidé ou d'avoir encouragé Cherif Chekatt dans la préparation de son passage à l'acte" a déclaré Rémy Heitz. Selon les propos du ministre de l'Interieur Christophe Castaner, interrogé sur Europe 1, pour le moment, les enquêteurs ne disposent pas d'éléments qui peuvent prouver son appartenance à une cellule organisée.

"A ce stade, rien n'indique que Cherif Chekatt ait été intégré dans un réseau ou qu'il ait bénéficié de protections dans ce coin-là" a t-il poursuivi, précisant que "l'enquête n'est pas close". Le locataire de la place Beauvau a indiqué que "tout laissait à penser qu'il est resté sur site, en planque" avant d'être "débusqué, chassé puis neutralisé" par les forces de l'ordre.

Quid de la revendication de Daesh ?

Après la mort de Cherif Chekatt, l'Etat islamique a revendiqué hier l'attentat commis par "son soldat". Le communiqué qu'il a diffusé via l'Amaq, son agence de propagande, fournit même une justification de l'attaque. En effet, selon l'Etat islamique, Cherif Chekatt aurait mené cette attaque "en réponse à l'appel de prendre pour cible les ressortissants des pays de la coalition".

Le ministre de l'Intérieur a estimé "totalement opportuniste" cette revendication de l'Etat islamique. Le procureur de Paris a d'ailleurs confirmé que malgré son attitude prosélyte, le tireur n'a jamais été candidat à un départ en Syrie. La directrice de SITE, organisme chargé de la surveillance, avait rappelé dès mardi dans un tweet que les marchés de Noel étaient, de manière générale, l'une des principales cibles de Daesh. Elle a évoqué une campagne de l'Etat islamique dans laquelle l'organisation appelle à "des attaques en loups solitaires dans l'Ouest pendant les fêtes de Noel". "Fière d'inspirer des soldats" selon les informations contenues dans l'un de ses magazines, l'Etat islamique n'aurait plus besoin de s'adresser directement et précisément à ses "soldats". Le peu d'éléments dont les enquêteurs disposent à ce stade de l'enquête mettent en effet en doute le lien entre l'appartenance du terroriste au groupe.