Barbara : une vie de chansons et de mystères... Biographie de la "dame brune"

Barbara : une vie de chansons et de mystères... Biographie de la "dame brune" BARBARA - Née en 1930, Monique Andrée Serf, alias Barbara, a marqué la chanson française de sa musique poétique et passionnelle.

Une chanteuse mystérieuse à la voix de cristal. À travers son "costume" de la dame en noire, Barbara s’est construit un personnage unique, devenu culte. S’inspirant de ses expériences personnelles et de sa vie pour écrire et composer les chansons qu’elle interprète, la "dame brune" s’est beaucoup contée et confiée dans ses textes. Dans "Mon enfance", "Nantes" et "L’aigle noir", elle raconte respectivement certains épisodes de sa vie : les souvenirs de l’occupation, la mort de son père, l’inceste paternel. La chanteuse, devenue un symbole, a également beaucoup donné à son public a qui elle a livré "sa plus belle histoire d’amour".

De son vrai nom, Monique Serf, Barbara naît à Paris en 1930, non loin du Square des Batignoles. Elle est le deuxième enfant d'une famille qui en compte quatre. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, la famille Serf, de confession juive, est contrainte d'errer d'hôtel en hôtel pour fuir l'oppression allemande et se réfugie dans la commune de Saint-Marcelin, en Isère. A la libération, ils s'installent dans une pension du Vesinet, où la future Barbara fait la connaissance de sa voisine, professeur de chant. A son contact, elle apprend le chant, le solfège et le piano et décide de s'inscrire à l'Ecole Supérieure de Musique. Elle y obtient son premier prix de chant et commence à écrire ses premiers textes.

Les débuts difficiles de Barbara

En 1947, elle accède au Conservatoire de Paris où elle étudie entres autres les œuvre de Debussy et Schumann. Dans le même temps, elle est mannequin-choriste dans le spectacle "Violettes impériales", joué au théâtre Mogador. Classé Mezzo Soprano, elle quitte rapidement le Conservatoire pour tenter sa chance dans les cabarets parisiens, sans succès. En 1949, elle fait la rencontre des frères Prévert mais les spectacles de "La fontaine des quatre saisons" sont bouclés. Ils lui offrent malgré tout un emploi de plongeuse et Barbara voit défiler la vie artistique de tout Paris (Boris Vian, Mouloudji).

De 1950 à 1952, elle s'exile alors en Belgique. Elle y fait la rencontre d'artistes et de peintres qui vivent dans une belle maison, transformée en ateliers. Ils lui installeront un piano et elle jouera quelques soirs de la semaine devant un public majoritairement étudiant. A la suite de cette aventure, elle ouvre son propre cabaret "Le cheval blanc". Elle monte pour la première fois sur scène accompagnée de son piano, vêtue d'un châle noir et maquillée de Kohl. Ainsi commence à se construire le personnage de la "dame en noir".

Barbara, sa "plus belle histoire d'amour" en chanson

De retour à Paris, elle passe une audition pour le cabaret de "L’écluse". Sous le nom de scène "La chanteuse de minuit", elle fera les bonheurs du cabaret pendant dix années. Lors de ses tours de chant, elle interprète les chansons de FerréMoustakiBrassens et teste timidement ses premières compositions "Nantes", "Chapeau bas" et l’émouvant "Dis, quand reviendras-tu?". Soixante spectateurs quotidiens viennent l’acclamer chaque jour. Elle dira d’eux qu’ils ont fait sa force et que ce sont eux qui "l’ont menée au Chapiteau de Pantin". En 1960, elle sort son premier disque chez Odéon, Barbara chante Georges Brassens et est primée pour son interprétation par l’Académie du Disque Français.

Mais c’est sa rencontre avec Louis Hazan, le directeur de Philips, qui va donner un véritable élan à sa carrière. En 1963, sur l’album Barbara chante Barbara, récompensé par le prix de l’académie Charles Cros, elle interprète pour la première fois ses compositions dont "Au bois de Saint Amand" et "Nantes". C’est le début d’une seconde carrière. Elle fait tout d’abord les premières parties de Georges Brassens et de Serges Gainsbourg avant de s’afficher en lettres lumineuses dans des salles prestigieuses. En septembre 1965, elle est la vedette de Bobino. Bouleversée par l’accueil du public qui lui lance des roses sur scène, elle lui écrit sa plus belle déclaration "Ma plus belle histoire d’amour", qui paraîtra le 7 novembre 1967 sur l’album éponyme Barbara.

Elle, qui a toujours vécu sans attache, de voyages en voyages, tournent à l’étranger. Elle se produit à Milan, à Bruxelles et au Canada. Le 22 janvier 1968, elle monte sur la scène de l’Olympia pour un récital unique. Le concert est retransmis en direct sur Europe 1. La même année, Georges Moustaki compose pour Barbara "La dame en brune". Cette chanson lie les deux artistes qui la chantent, début février 69, sur la scène de l’Olympia, pour un duo qu’ils reproduisent plusieurs soirs. Barbara est alors au sommet de son art. Pourtant, lors de son dernier soir sur cette scène mythique, elle annonce sa décision d’arrêter la scène.

"L'aigle noir" de Barbara

Un an plus tard, elle fait son retour avec "L’aigle noir", autoportrait intimiste. Ce titre est l’un des tubes de l’été 70 mais le véritable sens de ce texte sera dévoilé bien plus tard. Le titre "L'aigle noir" est présent sur l'album éponyme sorti la même année. À l'origine, Barbara souhaite que ce titre reste intime sur l'album, mais son manager en décide autrement. "L'aigle noir" est l'un des plus grands succès de Barbara. Cette chanson a longtemps été jugée creuse jusqu'à ce que Barbara révèle dans ses mémoires, publiées en 1998, que "L'aigle noir" est la métaphore de l'inceste qu'elle subit pendant l'enfance. Elle raconte avoir rêvé qu'un aigle descende sur elle, image plusieurs fois revenue dans ses souvenirs d'enfance. Ce n'est que bien plus tard que le lien est fait entre l'oiseau et son père, qui aurait eu un comportement incestueux avec elle. C'est dans la biographie "Il était un piano noir... Mémoires interrompus", publiée après sa mort, que la chanteuse évoque son enfance tragique et les agissements de son père.

En 2015, quand Patrick Bruel reprend ce classique de Barbara, il lui donne une toute autre signification : l'aigle noir renverrait au symbole du régime Nazi. "Je trouve que c'est une chanson incroyable, c'est une chanson qui a plusieurs lectures (...) par les temps qui courent. 'L'Aigle noir', comme nous avons toujours imaginé la chanson avant de connaître la vraie histoire de cette chanson, c'était pour nous l'aigle des heures les plus sombres de notre histoire. Et l'histoire peut recommencer", expliquait-il. Une interprétation appuyée par le fait que la famille de Barbara était juive alsacienne et que la chanteuse a vécu l'occupation allemande et le régime de Vichy.

Barbara au théâtre et au cinéma

Parallèlement, elle se lance dans l’art dramatique avec un succès confidentiel. Pendant 30 représentations, elle joue le rôle d’une prostituée partie chercher le grand amour en Afrique dans la pièce de théâtre "Madame" et compose la bande son de celle-ci. Elle donne également la réplique à son ami Jacques Brel dans le film "Franz", réalisé par le chanteur et obtient un rôle dans "L’oiseau rare" de Jacques Brialy. Mais le cinéma n’est définitivement pas pour elle. C’est la chanson qui lui offre ses plus belles émotions. Au cours de la décennie, elle enregistre trois nouveaux disques, "La fleur d’amour" (1971), "Amours incestueuses" (1972), "La louve" (1973) et collabore ainsi avec de nouveaux artistes comme William Sheller et Catherine Lara.

C’est au cours de l’année 1973 qu’elle tombe sous le charme d’une maison à Précy en Seine-et-Marne. Barbara se décide enfin à poser ses valises dans un endroit qui lui ressemble. Elle y installe son piano, son rocking chair et peut s’adonner pendant ses insomnies à l’écriture et à la composition. Elle qui n’avait pas connu de jardin, depuis son enfance à Saint-Marcellin, s’inspire de cet endroit pour créer le titre "Précy Jardin" qui figurera en 1981 sur son album "Seule". Ce titre résume peut être le mieux l’image de la chanteuse, personnage solitaire que l’on connaît peu. En effet, derrière la diva insaisissable se cache une femme blessée par l’enfance et tourmentée par ses nuits d’insomnie. En 1974, elle tente de se suicider et est retrouvée inanimée dans sa maison de Précy.

Barbara, figure de la lutte contre le SIDA

Après cet épisode, elle, qui avait déclaré ne plus jamais refaire de scène, rompt ce serment et fait sa rentrée au "Théâtre des variétés". Puis, elle tourne au Japon, au Canada, en Belgique, en Israël, aux Pays-Bas et en Suisse. En 1981, elle fait un triomphe à Pantin. Sous un chapiteau dressé sur l’hippodrome, elle chante pendant plus d’un mois pour 100 000 spectateurs et délivre le dernier jour un nouveau titre "Pantin". C’est durant ce véritable marathon qu’elle se casse irrémédiablement la voix. Cette fragilité accroîtra l’intensité de ses futures prestations. Elle y rencontre également le comédien Gérard Depardieu. Ensemble, ils se consacrent à la création d’une comédie musicale Lily Passion, œuvre en partie autobiographique. La première a lieu le 21 janvier 1986 au Zénith de Paris. Cette comédie partage la critique et les fans.

Dans les dernières années de son existence, Barbara, qui trouvait l’inspiration dans les différentes étapes de sa vie commence à écrire sur des thèmes qui lui tiennent à cœur. Lors de son spectacle de 1987 au Châtelet, elle est l’une des premières artistes à s’engager contre le SIDA en interprétant la chanson "Sid’amour à mort". Lorsqu’elle part ensuite en tournée, elle distribue des préservatifs à la fin de ses concerts. Elle visite également régulièrement les malades et ira jusqu’à installer une ligne téléphonique chez elle pour répondre aux personnes en détresse. Barbara était une femme généreuse qui poursuivait son combat contre l’intolérance hors caméra.

En 1990, elle commence une série de concerts au théâtre Mogador à Paris. Mais ses derniers adieux à la scène se feront trois ans plus tard au Châtelet. Elle retrouve sa voix d’antan, mais sa santé fragile l’oblige à écourter les représentations. Son dernier album paraît en 1996 et s’intitule sobrement "Barbara 96". Le succès critique et public est unanime, mais les problèmes respiratoires de la "dame en noir" la contraignent à se retirer dans sa maison de Précy. Elle se consacre à ses mémoires qui resteront inachevées et à des engagements qui lui tiennent à cœur. Elle donne les droit à vie de sa chanson "Le couloir" à l’association Act Up et se rend régulièrement dans les prisons soutenir les détenus.

Les Français pleurent la mort de Barbara

À la fin de sa vie, Barbara est épuisée par les médicaments, ses angoisses et son traitement pour soigner ses cordes vocales. Alors qu'elle rédige ses mémoires, le 24 novembre 1997, elle est hospitalisée et décède le lendemain d’une pneumonie, à l'hôpital américain de Neuilly-sur-Seine, à 67 ans. Victime d'une infection respiratoire foudroyante, elle disparaît juste après la sortie de "Femme Piano", regroupant ses plus belles chansons. Barbara est enterré le 27 novembre 1997, trois jours après sa mort, au cimetière de Bagneux, entourée d'une foule d'amis et de fans. Chanteuse, auteure et compositrice, ses titres "Ma plus belle histoire d'amour" et "l'Aigle noir" l'avaient rendue populaire malgré son image jugée sinistre et mystérieuse.

Autour du même sujet

Variété française