Jean-Benoit Nadeau Il y finalement assez peu de spécificités du "parler québécois"

En tant que québécois, comment expliquez-vous les divergences entre le français utilisé dans nos deux pays respectifs ?

Au fond, il y assez peu de spécificités du "parler québécois". Si on ne les retrouve pas en France, elles existent ailleurs dans le monde francophone. Certes, il y a un accent, les Québécois usent beaucoup de diphtongues, mais les accents sont aussi bien nombreux en France, il y a par exemple beaucoup de diphtongues dans les Vosges. Vous savez, quand je passe au-dessous de la Loire, on me prend pour un Belge.

Parmi les particularités, c'est vrai qu'on use beaucoup de mots en "oune". Mais attention, pour les français le "parler québécois" se confond trop souvent avec l'argot québécois, ce qui caricature votre idée du québécois.


Et cette éthique du "purisme" que vous dites très française. Existe-elle au Québec ?

Le français s'est diffusé dans toute la société québécoise deux siècles avant la France. Pendant que la France se francisait, au Québec, on parlait français dans toutes les couches de la population, mais sans l'éthique puriste ou élitiste de la langue, mais avec au contraire, une dimension plus familière, plus populaire.
Les québécois ont donc un autre rapport à la langue, ce qui se manifeste par des éléments culturels très particuliers. Par exemple au Québec, on fait de l'humour plutôt que de l'esprit, ce qui est très français. Qu'est-ce que l'humour ? C'est retourner sur soi le ridicule. Voyez-vous un politique français faire ça en public ? Non, il va réserver ça pour la sphère privée. Un politicien québécois fait de l'humour parce que s'il fait de l'esprit, il va passer pour élitiste et perdre les élections.
Cette éthique puriste crée de vraies divergences. Chez nous, par exemple, on fait de l'excellent rock en français parce qu'on se sent libre de coller à la musique, au rythme, quitte à déroger aux règles académiques. Ce qui est bien plus compliqué à faire chez vous...