Bernardo Carvalho "Quand on tient la bonne idée, on le sait... ou pas"

Les structures de vos romans sont complexes, vous enchassez les récits et les discours. Comment procédez-vous, est-ce que vous anticipez la structure de vos livres ?

Ca dépend, par exemple dans "Neuf nuits" la structure est venue naturellement, mais dans "Le soleil se couche à Sao Paulo", c'était bizarre, il a été très structuré... mais pas à l'avance. J'ai commencé à écrire sans savoir où j'allais. J'écrivais jusqu'à un certain point, et là je faisais une découverte qui me poussait à devoir tout reprendre et tout réecrire. C'est la manière la plus bête que je puisse imaginer pour concevoir un livre. J'ai du le réecrire 20 fois avant d'arriver à la fin.

Pour "Mongolia" pendant mon voyage j'avais pris des notes que j'attribuais aux différents personnages du roman en fonction de leurs personnalités : celui là est intéressé par l'art, celui par autre chose. Et soudain, les notes ont fini par construire le caractère de chaque personnage.

Et comment trouvez-vous le point de départ d'un roman ?

En ce moment je suis "en crise", comme on dit. J'écris depuis presqu'un an, je trouve des idées formidables, j'avance pendant une semaine et finalement je me dis que c'est nul et j'arrête.

Comment sait-on qu'on tient la bonne idée ?

Je ne sais pas, quand on tient la bonne idée, on le sait, j'ai l'impression. Ca ne veut pas dire que tous les livres que j'ai publiés sont de bonnes idées... Je ne regrette pas car ça fait partie de l'expérience. Mais on le sait. Il y a des livres pour lesquels on le sait. Ce n'est pas que c'est bon ou mauvais, c'est seulement que ça ne peut pas être différent. On n'a pas de doute sur le chemin à prendre.

Ce sentiment vous l'avez ressenti pour l'un de vos livres en particulier ?

Je l'ai ressenti très intensément pour "Neuf nuits", j'étais sûr de ce que je faisais. Non, mais ceci dit c'est faux, parce que, quand je l'ai rendu à l'éditeur, il m'a dit : "c'est super, j'ai beaucoup aimé mais la fin est nulle." Je suis revenu chez moi, j'étais vraiment énervé contre l'éditeur, mais au bout d'une semaine je me suis rendu compte qu'il avait raison et j'ai réécrit la fin et je crois qu'il a sauvé le livre. Donc, finalement, on ne sait jamais.

Votre éditeur vous conseille beaucoup ?

Oui, c'est un type très bien, il s'appelle Luis, mais il est très difficile. Nous ne sommes pas amis, il est assez fermé, c'est difficile d'avoir un dialogue avec lui. C'est étrange mais j'ai davantage confiance en lui en ce qui concerne mes livres et la littérature qu'en n'importe qui d'autre. Par exemple, je ne donne mes manuscrits à personne, je les lui donne directement, et il comprend parfaitement, il dit : "je comprends exactement ce que tu voulais faire mais ce n'est pas bien".