Médine : le rappeur accusé d'antisémitisme s'explique

Médine : le rappeur accusé d'antisémitisme s'explique MEDINE. Le rappeur Médine était présent à l'université d'été d'EELV jeudi 24 août. Il est revenu sur un tweet considéré comme antisémite et sur d'autres polémiques.

[Mis à jour le 25 août 2023 à 16h20] Les polémiques autour de Médine, invité aux universités d'été des écologistes et de La France insoumise, se poursuivent. Jeudi 24 août, le rappeur était aux côtés de Marine Tondelier, secrétaire nationale d'EELV. Il s'est défendu après son tweet jugé antisémite, dans lequel il qualifiait Rachel Khan, autrice et petite fille de déportés juifs, de "ResKHANpée". "Je rappelle que je répondais à l'essayiste Rachel Khan, d'une insulte, d'une attaque qui n'a indigné personne. J'ai été qualifié de 'déchet à trier'. J'ai surréagi et j'ai eu cette maladresse d'utiliser le mot 'rescapé'", a affirmé Médine. "Je n'avais absolument pas mesuré la charge historique, la charge émotionnelle que comprenait ce mot. Tout de suite, quand je me suis rendu compte de cette erreur, je m'en suis excusé", a ajouté le rappeur, qui avait tweeté un message d'excuses deux jours après le premier tweet incriminé.

Médine s'est, en revanche, peu étendu sur la "quenelle", un geste antisémite popularisé par Dieudonné, qu'il avait réalisé. Il a dit s'être "trompé comme tant d'autres" et regrette de ne pas s'en être "détaché assez tôt et assez fermement", rapporte 20 Minutes. Il a affirmé ne pas faire de "hiérarchie entre l'antisémitisme et le racisme anti-musulmans". Par ailleurs, Médine sera jugé le 6 novembre à Albi (Tarn) pour avoir diffusé une vidéo dans laquelle il lançait des fléchettes sur des élus du Tarn : le maire LR de Lavaur, Bernard Carayon, et le député RN Frédéric Cabrolier. Cette vidéo de Médine avait été publiée alors que les deux élus s'étaient opposés à la tenue d'un concert du rappeur dans le Tarn.

Médine enchaîne les polémiques

Médine a été récemment accusé d'avoir émis des propos antisémites. Son tweet publié le 10 août concernant l'essayiste Rachel Khan, juive et petite-fille de déportés, la qualifiant de "resKHANpée" a déclenché une vague d'indignation. Trois semaines après le début de la polémique, c'est le festival Les Solidarités à Namur, en Belgique, qui a décidé de le déprogrammer, alors qu'il devait s'y produire le 25 août. Les organisateurs ont ainsi indiqué dans un communiqué : "Malgré les excuses et les explications de l'artiste, une vague de réactions, tantôt haineuses, tantôt plus pondérées, ont déferlé sur la Toile et ont été relayées par la presse. Dans ce contexte, nous avons pris la décision de renoncer à la venue de Médine."

Dans le même temps, le rappeur a confirmé sa présence aux universités d'été d'Europe Écologie-Les Verts (EELV) et de La France insoumise, prévues respectivement les 24 et 26 août. Et cette présence de l'artiste divise les élus de gauche. Ainsi, les maires écologistes de Strasbourg et Bordeaux, Jeanne Barseghian et Pierre Hurmic, ont annulé leur venue à l'université d'été d'EELV, tout comme Édouard Philippe, maire du Havre, ville dans laquelle l'événement doit se dérouler. Le rappeur doit participer à un débat avec Marine Tondelier, secrétaire nationale d'EELV.

Face à la dénonciation de certains élus, le rappeur a répliqué dans les colonnes du Parisien : "Certains députés veulent me disqualifier, comme on veut disqualifier d'autres minorités... Tout ce mécanisme contre les minorités, c'est justement ce que je vis et combats depuis vingt ans."

Des "erreurs"... Médine regrette des actes jugés antisémites

La dernière prise de parole controversée de Médine remonte tout juste au 10 août 2023. Sur Twitter, le rappeur avait qualifié l'écrivaine Rachel Khan de "resKHANpée" et d'être une personne "dérivant chez les social-traîtres et bouffant au sens propre à la table de l'extrême-droite". Une réponse à l'essayiste qui avait auparavant traité l'artiste de "déchet". L'artiste havrais s'était ensuite défendu de toute parole antisémite dans un deuxième tweet deux jours plus tard : "La formule pas adaptée, qui a certainement dû heurter des personnes et je m'en excuse, n'était pas dirigée vers sa famille ni vers les victimes du drame de la Shoah. Dans Le Parisien, l'homme reconnait une "erreur", des mots maladroits dont il dit ne pas avoir mesuré la portée au vu de l'histoire de l'écrivaine.

D'erreur aussi il qualifie la quenelle, geste antisémite de Dieudonné, qu'il avait réalisé en 2014 et qui lui colle à la peau depuis. "Je l'ai regrettée mais trop tard et pas avec assez de force", reconnait-il également réaffirmant au passage sa position actuelle : "Je considère la quenelle comme un geste antisémite et condamne Dieudonné".

Des textes provocateurs et des engagements assumés

S'il reconnait des faux pas, Médine réfute les accusations d'antisémitisme et d'islamiste : "On me prend pour un poseur de bombes, alors que je suis un démineur". Et devant ceux qui se servent de ses textes pour le disqualifier, le rappeur assure être "de l'école du rap provocateur [...], c'est le rap que j'aime. Si l'art n'est pas subversif, ne me bouscule pas, ne me fait pas changer, cela m'intéresse moins". Une revendication assumée, même quand cela lui porte préjudice. "J'utilise des formules et des iconographies provocatrices pour créer un débat. Parfois cela se retourne contre moi. [...] Il m'est arrivé d'aller trop loin, comme dans "Don't Laïk" en 2015, qui est pour moi une ode à la laïcité et qui n'a pas été comprise".

Hors de question donc pour le rappeur de renier ses textes, ce sont d'ailleurs eux qui justifient l'invitation de Médine aux universités d'été des deux partis politiques de gauche. "Deux formations de gauche me tendent la main pour dialoguer, c'est de mon devoir de la saisir", a-t-il assuré non sans rappeler une indépendance politique : "J'ai une parole libre, qui n'est pas guidée par un parti ou une idéologie, et cela pose problème." S'il assure que ses engagements, y compris politiques, n'ont jamais été associé à un parti ou un syndicat, l'homme mène des combats proches de ceux de la gauche.

Médine invité par EELV et LFI

Malgré la polémique et les désistements de plusieurs élus écologistes pour assister à l'université du parti, Médine compte faire honneur à l'invitation et se rendre à l'événement. Le 24 août, au Havre, il a participé à un débat avec Marine Tondelier, secrétaire nationale d'EELV. Le 26 août à Valence, c'est avec Mathilde Panot, cheffe du groupe LFI à l'Assemblée nationale, que le rappeur échangera. Selon Gallina Elbaz, vice-présidente de la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme), invitée de RMC, "il y a une volonté peut-être de récupération politique et une forme de clientélisme politique" derrière la venue de Médine à ces événements politiques.

En savoir plus

2014 et la photo de Médine en train de reprendre la "quenelle" antisémite de Dieudonné. 2015 et la sortie du titre "Don't Laïk", six jours avant l'attentat contre Charlie Hebdo. Depuis cette époque, Médine est régulièrement au centre de polémiques. Multiples demandes de déprogrammation comme pour son concert au Bataclan, détournement du titre d'un album de 2005 ou encore liens présumés avec les Frères musulmans, les reproches faits à Médine ne manquent pas.

Médine accusé d'être "proche de la mouvance islamiste" par Nicolas Bay

Sur Twitter, le 22 juin 2022, Nicolas Bay s'insurgeait dans un message posté sur Twitter, contre le documentaire Médine Normandie, en partie subventionné par la région Normandie. "Ce proche de la mouvance islamiste des frères musulmans n'avait pas hésité à nommer un de ses albums 'Jihad'", avait critiqué le politique membre du parti zemmouriste Reconquête !. Médine avait alors reproché à Nicolas Bay sa méconnaissance du documentaire.

"En réalité, tout ce dont il m'accuse est entièrement déconstruit dans le documentaire. Il m'accuse de proximité avec le terrorisme et les extrémistes, alors que je suis le premier à les combattre au sein de ma région, au travers d'actions concrètes, comme mon soutien à des associations locales ! Je n'accepte aucune leçon de ce Normand au domicile fictif. Et je veux me battre contre ce montage honteux fait à mon encontre. Il s'agit d'un simple rappel à l'ordre républicain", déclarait alors Médine, interrogé par France 3 Normandie.

Un article sur le site Booska-P, aujourd'hui introuvable, est régulièrement brandi par les détracteurs de Médine. Sur une capture d'écran de l'en-tête, l'artiste affirmerait cette phrase : "Je suis également ambassadeur de l'association 'Havre de savoir'". Cette association est régulièrement accusée de faire la promotion des Frères musulmans comme dans ce tweet de Philippe Vardon, membre de Reconquête !. Dans une publication Facebook parue en 2014, Havre De Savoir affirmait que Médine était un "ambassadeur" et "un membre actif" de l'association.

Médine et sa plainte contre Aurore Bergé

Le 23 février 2021, Médine annonçait avoir déposé une plainte contre la députée LREM Aurore Bergé pour diffamation au tribunal judiciaire de Paris. En cause ? Les propos tenus par l'élue en Marche dans une interview accordée à LCI le 18 février 2021, évoquant une conférence donnée Médine à l'Ecole normale supérieure (ENS). "Ce rappeur islamiste Médine, vous savez, celui qui disait qu'il fallait tuer les laïcards, est-ce légitime qu'une école aussi prestigieuse que l'ENS donne la parole à celui qui appelle au meurtre ?", lançait-elle.

Déjà pris pour cible par des élus de droite et d'extrême droite en 2018, Médine expliquait à Médiapart les raisons de son dépôt de plainte. "C'est la fois de trop. J'assiste au revirement médiatique de cette frange du gouvernement qui est en train de se radicaliser en adoptant un discours plus à droite, voire à l'extrême droite. J'ai l'impression que le temps du dialogue est révolu. Toutes ces personnes ne prennent pas le temps de lire notre travail", expliquait alors le rappeur du Havre, qui disait souhaiter "faire valoir [s]es droits", se disant victime de "fausses accusations."

Selon le rappeur, Aurore Bergé lui "colle une idéologie qui n'est, bien sûr, pas la [s]ienne." Si la députée faisait en partie référence à la chanson Don't Laïk, qui évoque une crucifixion des laïcards, pour Médine, ce "morceau est une succession d'absurdités, d'oxymores", et dont l'élue a sorti une citation de son contexte. "La méconnaissance d'Aurore Bergé en matière de rap et de style est flagrante. Je l'invite à faire ce qu'elle aurait dû faire avant de s'exprimer sur LCI", lançait l'artiste dans les colonnes de Médiapart. Il souhaitait alors "une condamnation et des excuses publiques", mais aussi des "dommages et intérêts". "C'est mon honneur qui est en jeu", concluait-il.

Les paroles de Don't Laïk au coeur de la polémique

En 2018, Médine devait se produire au Bataclan, à Paris, les 19 et 20 octobre. Programmés depuis plusieurs mois, ces concerts, prévus dans l'un des lieux visés par les attaques terroristes du 13 novembre 2015, avaient suscité à l'époque une vaste polémique liée aux paroles du rappeur. Des associations de victimes avaient tout de suite exprimé leur volonté de faire interdire sa venue. Des élus de droite, d'extrême-droite et du parti La République en Marche s'étaient indignés contre les paroles de ses chansons Jihad ou Don't Laïk, qu'ils estimaient déjà, comme Aurore Bergé et Nicolas Bay, aller dans le sens des doctrines des djihadistes islamistes.

Dans Don't Laïk, Médine déclare notamment : "Crucifions les laïcards comme à Golgotha". Des paroles qui ne sont pas passées inaperçues. "Un appel au meurtre" avait déjà jugé Aurore Bergé à l'époque. Médine s'était alors rapidement expliqué face à ces accusations. "Je voulais absolument parler de la façon dont est manipulée aujourd'hui une valeur républicaine comme la laïcité alors que, dans son esprit et sa lettre, la laïcité est faite pour réunir les gens", avait-il fait savoir.

"Don't Laïk est aux fondamentalismes laïques ce que les caricatures de Charlie Hebdo sont aux fondamentalismes religieux", s'était-il défendu un peu plus tard dans une tribune publiée dans L'Obs. Une pétition avait même vu le jour sous l'impulsion de Grégory Roose, ancien délégué départemental du FN. Le concert au Bataclan avait finalement été annulé, face aux pressions et même si la salle de concert évoquait une annulation "par respect des victimes des attentats du 13 novembre 2015 et de leurs familles." Médine, lui, justifiait cette décision autrement : "Certains groupes d'extrême-droite ont prévu d'organiser des manifestations dont le but est de diviser, n'hésitant pas à manipuler et à raviver la douleur des familles des victimes."

Médine a-t-il appelé au djihad ?

Lors de la levée de boucliers contre la venue de Médine au Bataclan, le titre de son premier album a été détourné. De nombreuses personnalités politiques de droite et d'extrême-droite ont repris un visuel superposant une affiche de promotion du concert avec la cover d'un album prétendument nommé "Jihad". Plusieurs choses sont à décrypter dans cette fausse information. Tout d'abord, la date du concert au Bataclan et la sortie de cet album sont séparées de 13 années donc l'artiste ne comptait pas faire la promotion de cet opus en 2018.

Ensuite, le titre est inexact, car l'album se nomme "Jihad : le plus grand combat est contre soi-même." Cela n'était sans doute pas dans le sens de ses détracteurs qui ont préféré tronquer le titre "Jihad". Lors d'une interview avec Mouloud Achour chez Clique TV, Médine est revenu sur cet album : "J'ai intitulé mon album Jihad, d'abord avec un sous-titre 'Le plus grand combat est contre soi-même', et ensuite, c'était en 2005, dans un autre contexte. Mon message à ce moment-là s'adressait à ceux qui seraient tentés de partir combattre et à ceux qui ont une définition de ce terme complètement galvaudé." Le rappeur souhaitait rappeler ici qu'étymologiquement, "jihad" signifie "effort" ou "lutte" et non automatiquement "guerre sainte". Myriam Benraad, politologue française et spécialiste du monde arabe, rappelait dans son livre Jihad : des origines religieuses à l'idéologie que "le jihad est indiscutablement l'un des termes les plus discutés et controversés de l'histoire contemporaine du monde musulman."

Rap