Old Ideas : pourquoi Leonard Cohen est toujours au sommet

Old Ideas : pourquoi Leonard Cohen est toujours au sommet Alors que sort son premier disque depuis 8 ans, une réussite totale, retour sur quelques éléments de la longue carrière de Leonard Cohen, le poète-chanteur-canadien immensément respecté.

Dans deux ans, Leonard Cohen en aura 80. A ce stade d'une vie et d'une carrière, on est en droit de se demander si l'artiste qu'on écoute ou qu'on admire est toujours le même, si le poids des ans et des habitudes n'a pas élimé son talent ou, à défaut, la perception qu'on en avait.

Leonard Cohen est de ceux qui demeurent. Qui demeurent aussi inventifs, intelligents, créatifs au fil des ans. "Old Ideas", qui sort le 30 janvier, en est la démonstration brillante. Pour certains, c'est son meilleur album depuis "The Future" en 1992. Et c'est en tout cas son premier depuis 2004 et "Dear Heather", largement mésestimé à cause de sa production artisanale, laquelle masquait pourtant de très grandes chansons.

Leonard est rare
Depuis 1967, il n'a sorti que 12 albums studio. En 45 ans, dans le monde de la musique "mainstream", c'est effectivement très rare. La rareté conserverait-elle le talent ? C'est une explication : à la fois elle oblige à ne pas se disperser (penser à Neil Young au début des années 80, ultra-prolixe mais brouillon), et (faussement du reste, car le temps passe de la même manière), elle retarde la lassitude du public.

Leonard change
Connu au début pour ses balades folk, Leonard a encore l'image du "poète à guitare" typique des années 1960 et du début des années 1970. Or, par exemple, dès 1972 dans son "Live Songs", il livre un morceau instrumental extraordinaire (certes à la guitare), "Improvisation".

En 1992, dans "The Future", il propose le magnifique "Tacoma Trailer" et ses volutes de synthé, sans paroles. En 1988, "First We Take Manhattan" débute sur un rythme funky-techno qui surprend tout le monde. Au début des années 2000, Leonard enregistre beaucoup en home studio. Mais en 2008, quand il reprend la scène après 15 ans d'absence, c'est avec un "super-groupe" de musiciens friands de solos...

Leonard écrit merveilleusement bien
La musique pop-rock-folk s'écoute rarement pour ses paroles, celle de Leonard pourrait presque ne s'écouter que pour elles ("Queen Victoria" en 1972, "Villanelle For Our Time" en 2004 - sur un poème de Frank Scott). Souvent, ces chansons sont des écrins pour une poésie précise, elle-même extrêmement musicale, aussi subtile qu'évocatrice, où la voix du chanteur est portée par un son délicat, que seuls les choeurs viennent parfois envahir.

Leonard est brillant et classe
Bel homme indubitablement, souvent élégant, s'exprimant calmement et avec conviction, tout en ayant une véritable acuité de jugement sur la vie et les choses, malicieux aussi parfois, Leonard inspire le respect et l'écoute. L'image du chanteur dépressif n'est sans doute pas complètement fausse (ses disques de 1971 à 1974 sont particulièrement tristes), mais la discographie complète du chanteur appelle plutôt le qualificatif de mélancolique, ou mieux encore de lucide, tout en cherchant la beauté à tout moment ("Came so Far For Beauty" est d'ailleurs un de ses titres de chanson, en 1979).

"Old Ideas" est jeune et beau
Ce dernier album est du pur Leonard Cohen, mais une sorte de synthèse aussi des vingt dernières années, avec un sentiment prononcé quand même d'aller de l'avant. Cela peut paraître paradoxal vu le relatif classicisme des morceaux, de leur structure, mais c'est pourtant l'impression qui en résulte : quand le classicisme atteint ce point de perfection ("Amen" pour n'en citer qu'un), de synthèse et de sureté (on pourrait parler, comme les Inrocks le firent il y a quelques années, de "justesse infinie"), un artiste s'inscrit dans son époque, quel que soit son âge et la longueur de sa carrière.