Nicolas Salsac (interprète) Le ukulélé n'est pas fermé à un seul genre musical

En France, on associe souvent le ukulélé à la plage mais cet instrument des îles du Pacifique est en fait capable de tout. Nico'o, joueur français, nous en dit plus sur sa passion.

Bientôt en tête d'affiche du Ukulele Festival of Great Britain (le 3 juin prochain), cet artiste français veut populariser la pratique de cet instrument et démontrer ses possibilités techniques insoupçonnées.

Bien loin de l'instrument d'accompagnement, il l'utilise pour jouer des morceaux complexes d'ordinaire joués à la guitare. Nous l'avons rencontré pour qu'il nous parle de sa passion pour les îles du Pacifique, sa musique et son instrument fétiche qui peine encore à être reconnu en France.

Voici quelques vidéos pour mieux comprendre les performances dont sont capables les joueurs avancés de ukulélé :

Nico'o - Slow down (MP3 à télécharger)

Nico'o - Pineapple Mango (Ukulele Festival Great Britain 2011)

James Hill - Assam/Like A Bird (HiSessions.com Acoustic Live!)

Jake Shimabukuro plays Blue Grass on his Ukelele at TED10 Afterparty

Troy Fernandez On Fire

L'Internaute magazine : Pouvez-vous vous présenter un peu, votre parcours musical notamment ?

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Nico'o se produit surtout dans les festivals jusqu'à présent. © Nico'o

Nicolas Salsac (alias Nico'o) : Je suis né et j'ai grandi à Bayonne, et j'ai commencé à jouer de la guitare à l'âge de 12 ans. En matière de musique, je jouais principalement des morceaux blues et rock des années 70. J'ai 35 ans désormais, et je joue du ukulélé, l'instrument traditionnel des îles de Polynésie.

D'où vous est venu le goût du ukulélé ? Comment en êtes-vous venu à jouer de cet instrument atypique ?

Je suis parti en 2001 à Tahiti avec l'armée, et je suis resté deux ans là-bas. C'est à ce moment que j'ai appris à jouer du ukulélé et que j'ai découvert la culture Polynésienne. J'en suis tout de suite tombé amoureux. C'est un peuple assez timide et réservé avec lequel j'ai beaucoup d'affinités. Depuis ma découverte du pays, j'y suis retourné une fois par an environ.

Le ukulélé, c'est avant tout une mentalité différente. Il y a une culture du partage parmi les musiciens et moins de compétition. Il n'y a pas de star system ni de gens qui ont pris la grosse tête.

Comment s'est passé votre apprentissage de cet instrument ?

J'ai d'abord appris sur un ukulélé tahitien. C'est un type de ukulélé très particulier, qui se prête bien aux rythmes rapides et qui est construit en un seul morceau.

Et vous avez ensuite enchaîné les concerts, comment avez-vous démarré votre carrière ?

Je me suis fait connaître un peu par hasard, en m'enregistrant en train de jouer Stairway to heaven de Led Zeppelin au ukulélé avec un simple dictaphone. J'ai mis ce morceau sur Youtube et le directeur du festival de New York m'a contacté en tombant dessus.

J'ai donné des cours à une cinquantaine de personnes et j'ai été contacté par le directeur du festival d'Hawaï pour jouer là-bas. L'esprit du ukulélé hawaïen est très différent du ukulélé tahitien, c'est beaucoup plus technique, ce qui correspond à mes morceaux. J'ai joué du Santana, des Jackson Five, du Jimi Hendrix, du Stevie Wonder...

Avez-vous noué des contacts avec des joueurs locaux ou internationaux de ukulélé lors de ces festivals ?

Oui, notamment avec un joueur canadien qui s'appelle James Hill. Il est très sympa et modeste alors qu'il s'agit d'un des meilleurs joueurs de ukulélé que j'ai rencontré. Avec son instrument, il est capable de faire office de basse, de batterie et il chante en même temps. Il est d'ailleurs venu jouer une fois à Bayonne. 

Un autre nom très connu du ukulélé est Jake Shimabukuro, un joueur d'Hawaï qui donne souvent des concerts en pleine rue là-bas.

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Nico'o lors du festival de ukulélé à Hawaï aux côtés de James Hill et de l'organisateur du festival d'Hawaï. © Nico'o

En France, vous cherchez à casser l'image du ukulélé en mettant en valeur ses possibilités techniques. Pouvez-vous en dire plus ?

Ici quand j'ai commencé à jouer du ukulélé, on m'a confondu avec Julien Doré. C'est un instrument qui a été utilisé soit pour son coté bohème en accompagnement du chant, soit en tant que musique de plage comme le phénomène Iz. J'aimerais montrer aux gens que l'on peut faire davantage de choses avec cet instrument, qui n'est pas fermé à un seul genre musical.

Quels sont justement les avantages du ukulélé et ses limites ?

C'est un instrument très facile à prendre en main et pas cher. Le ukulélé hawaïen ne comporte que 4 cordes, dont la plus haute sonne aigu. Sur un ukulélé amplifié, on peut brancher une pédale et ajouter tous les effets possibles comme sur n'importe quelle guitare. Il y a d'ailleurs plusieurs tailles de ukulélé qui offrent différentes sonorités. On peut jouer des styles aussi variés que le reggae, le funk, le jazz, le rock, le blues et bien entendu la musique hawaïenne et polynésienne.

Au Canada, on apprend aux enfants à faire de la musique avec le ukulélé, comme nous le faisons en France avec la flûte. D'ailleurs j'aimerais ouvrir une école à Bayonne pour enseigner les techniques aux plus jeunes.

Les Anglais raffolent de cet instrument et organisent plusieurs festivals dédiés. Dans quels pays a-t-on aujourd'hui la culture du ukulélé et lesquels y sont encore peu sensibles ?

J'ai déjà donné des concerts à New York, Hawaï, au Japon, en Finlande, en Grande-Bretagne et en France. Mais en général, les pays les plus sensibles sont sans doute la Finlande, l'Irlande, l'Italie et la Grande-Bretagne en Europe, la Thaïlande et le Japon en Asie. En France et en Espagne, le ukulélé ne rencontre pas encore un grand succès.

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Au Japon, la pratique du ukulélé suscite l'enthousiasme du fait de sa sonorité exotique. © Nico'o

Jouez-vous seul ou accompagné ?

Je jouais seul, mais j'ai rejoint un groupe de funk récemment car je commençais à me lasser et j'avais l'impression d'avoir fait le tour de mes possibilités. 

Faites-vous plutôt de la reprise ou créez-vous vos propres morceaux ?

J'ai fait beaucoup de reprises la première année mais maintenant je veux faire mes propres compositions. 

Quels sont vos objectifs à court terme ?

Faire un énorme carton en Grande-Bretagne à l'occasion de mon prochain festival, puis partir en Tunisie et faire deux ou trois grosses dates. Ensuite, je compte sortir pour la fin de l'été un album, idéalement pour fin juillet si tout s'enchaine bien. 

Comment faire pour retrouver en France l'esprit de cet instrument traditionnel polynésien ?

On trouve quelques associations de ukulélé en France : à Paris, Nantes, Lille par exemple. Généralement, les membres amènent des morceaux choisis et les jouent ensemble. 

Il y a aussi des communautés polynésiennes en France, notamment en Bretagne et dans le sud-est. Je peux citer l'association Tahiti en France qui recense les activités de la communauté polynésienne en métropole.