"Le ciel fait partie de la nature et réciproquement"

Passionné de photographie et de sciences, Laurent Laveder est devenu photographe professionnel et vulgarisateur scientifique. Après avoir quitté une Côte d'Azur où la nature est un peu trop dénaturée à son goût, c'est près de Quimper qu'il réalise la majeure partie de ses photographies de ciel.

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Laurent Laveder © LL

Comment êtes-vous venu à la photographie ?

C'est l'astrophotographie qui m'a donné l'envie de toucher à la photo. A l'époque, vers 1985, je photographiais le ciel étoilé avec des pellicules de haute sensibilité (800 à 1600 ISO). Mais les résultats étaient loin d'être aussi bons que maintenant où la plupart des boîtiers reflexs numériques atteignent facilement les 1600 ISO. Au début, j'observais beaucoup à l'aide d'un télescope et petit à petit, je me suis tourné vers la photo. Maintenant, je ne peux imaginer voir quelque chose sans en ramener un témoignage photographique.

Pourquoi prendre des photos de la nature ET du ciel ?

Je prends simplement des photos de la nature, le ciel étant 50 % de ce que l'on voit quand on ouvre les yeux

Je dirais plutôt que je prends simplement des photos de la nature, le ciel étant 50 % de ce que l'on voit quand on ouvre les yeux ! Ce qui m'intéresse, c'est de montrer la voûte étoilée et les spectacles célestes à tout un chacun. Le grand public pense qu'on ne voit le ciel qu'à travers des télescopes. Pour ma part, mes deux yeux me permettent de voir déjà bien des choses ! Par ailleurs, je me sers de mes photos pour expliquer le ciel, ses phénomènes lumineux et les astres qui le peuplent.

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Etretat © L.Laveder

Est-ce parce qu'il y a besoin d'un référent terrestre que vous photographiez l'avant-plan en plus de la voûte céleste ?

Quand j'observe le ciel, je ne le vois jamais tout seul, il y a toujours du paysage en dessous, normal, puisque le ciel fait partie du paysage. Alors ce serait pure hérésie de vouloir immortaliser la voûte céleste sans y adjoindre un avant-plan terrestre. J'essaie en général de trouver une structure élevée (éolienne, arbre, chapelle, rocher, etc.) pour faire la jonction entre monde terrestre et monde céleste, comme pour prouver que le ciel fait partie de la nature et réciproquement.

Le paysage du premier plan me permet de donner une double échelle, pour la taille et pour la luminosité. Ainsi, quand vous voyez la galaxie d'Andromède au-dessus d'un chêne, vous prenez conscience qu'elle est grande et pas si discrète. Bien entendu, il y a une part de subjectivité, selon que j'utilise un objectif qui agrandit l'image ou un temps de pose qui enregistre plus d'étoiles que ce que l'on voit à l'œil nu. Mais je tâche de rester dans les limites du raisonnable. Au-delà de ces questions d'échelle, je cherche surtout à rendre mes photos vraies.

Qu'appelez-vous des photos " vraies " ?

Lorsque vous voyez une photo prise par un grand télescope terrestre ou spatial, l'image semble abstraite, car ça ne ressemble en rien à ce que nous avons l'habitude de voir sur terre. Dans mes photos, au contraire, l'avant-plan terrestre montre bien que c'est le vrai ciel, celui que l'on voit en levant un peu les yeux !

Je ne suis pas le seul à faire ce genre d'astrophotographie paysagère que j'appelle aussi "astrophoto contextuelle" car le ciel y est remis dans son contexte terrestre. C'est un style de photo qu'il est de plus en plus facile de faire avec du matériel abordable et de nombreux photographes s'y adonnent. Je fais partie du collectif international The World At Night (Ndlr : Le Monde De Nuit) qui compte une trentaine d'astrophotographes paysagers issus d'une quinzaine de pays. Nos photos font le tour du monde au sein d'expositions grand public et deux livres (en Allemand et en Hollandais) consacrés à TWAN ont été publiés à l'automne.
 

Est-ce que les magnifiques paysages de Bretagne ont joué un rôle dans votre passion pour la photographie nature ?

Si je vivais encore sur la Côte d'Azur, il me faudrait faire des dizaines de kilomètres pour retrouver un ciel un tant soit peu sombre. Ici, en Finistère, au bout de la France, le ciel est bien sombre. En sortant de chez moi, je peux voir des milliers d'étoiles et la voie lactée est superbe. De plus, les paysages sont variés et parsemés de vieilles pierres, de quoi offrir de très beaux avant-plans. Je peux juste regretter que les grands arbres isolés soient extrêmement rares en Finistère, sans doute victimes des tempêtes et du remembrement. Ça manque peut-être aussi un peu de montagne... mais je me console avec des sommets de 300 m d'altitude.

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Photo de la silhouette d'un collègue réalisée dans le Gers. © L.Laveder

Voyagez-vous pour réaliser des images d'autres lieux ?

Mes moyens financiers ne me permettent pas de voyager loin, mais de toute façon, j'ai encore beaucoup à faire en Bretagne. Et quand je suis invité à faire une conférence quelque part en France, j'espère toujours que le temps me permettra de faire quelques clichés. J'ai un très bon souvenir d'un tel court séjour dans le Gers. Parfois, il est pourtant nécessaire de se déplacer. Lors d'une éclipse de soleil par exemple, car ce phénomène n'est bien visible que dans une zone géographique relativement étriquée. J'ai eu la chance d'en voir au Mexique, en Espagne et en Turquie. Mais ça reste bien cher pour de courtes minutes de spectacle...

Où aimeriez-vous vous rendre et pour photographier quoi ?

Un endroit du monde me fait rêver : les parcs naturels de l'ouest américain. Les splendides paysages feraient de somptueux avant-plan pour un ciel bien sombre. Le désert d'Atacama au Chili me fait envie aussi, car il offre un des ciels les plus transparents de la planète. J'aimerai aussi voir et photographier des aurores boréales ou le soleil de minuit depuis de hautes latitudes.
 

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Plus d'informations :
 

 La galerie-photo de Laurent Laveder sur L'Internaute

 Son site Internet : Pixheaven.net 

 Le collectif d'astrophotographes paysagers TWAN  dont l'auteur fait partie

Et aussi

Les jeux lunaires de Laurent Laveder  sur L'Internaute Photo Numérique