3 questions à Cédric Girard, photographe animalier

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Cédric Girard, photographe animalier © Cédric Girard

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Est-il envisageable d'être photographe animalier sans être naturaliste ?

Il faut distinguer deux types de "photographe animalier". Stricto sensus, un photographe animalier est une personne qui photographie les animaux. Je connais d'excellents photographes qui ne "pratiquent" que les parcs de vision, zoos et autres lieux où les animaux restent captifs. Cela ne signifie pas pour autant qu'il est facile de réaliser ce type de photos, bien au contraire (il est même très difficile de faire paraître naturelles les images réalisées en parc : tout un exercice de prise de vue !).

Dans la nature, il faut appréhender les mœurs et habitudes des animaux

À contrario, pour photographier les animaux dans la nature, il faut un minimum de connaissances de terrain, ne serait-ce que du comportement des espèces. Il ne s'agit pas de connaître par cœur la classification systématique et les noms latins des sujets approchés, mais bel et bien d'en appréhender les mœurs et habitudes, les particularités physiologiques et comportementales. Ainsi, faire de l'approche sur des grands mammifères sans prendre en considération le sens du vent mènera systématiquement à l'échec : leur odorat est leur meilleur outil pour repérer leurs prédateurs potentiels... dont l'homme est le plus habile et le plus dangereux !

Comment parvenez-vous à approcher les animaux sauvages et à les saisir dans leur environnement naturel ?

Il suffit de faire venir les oiseaux à soi

Il y a un début de réponse dans la question précédente, je dirais que c'est un savant mélange de connaissances naturalistes, de patience, et surtout d'astuces. D'aucuns considèrent par exemple que photographier les oiseaux nécessite de posséder de coûteux téléobjectifs et d'y passer des heures, enfermer dans un affût dans des conditions précaire. Mais bien souvent, il suffit de faire venir les oiseaux à soi, et il est tout-à-fait possible de réaliser des photos de passereaux avec un simple 50mm, moyennant un peu d'astuce !

Une approche réussie engendre des sensations uniques

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En milieu ouvert, la "Ghillie" offre des solutions efficaces pour les affûts de courte durée. © Photographie Christophe Hayet

Concernant les mammifères, c'est une autre histoire : il faut inévitablement s'immiscer sur le territoire des animaux (chevreuils, renards, cerfs, sangliers, etc.) et se faire oublier ! Il existe un certain nombre de règles à respecter pour maximiser ses chances de réussite, et les techniques utilisables régiront à la fois la réussite et les sensations éprouvées par le photographe.

L'approche par exemple, nécessite un excellent camouflage tout en permettant le mouvement, qui devrait être très contrôlé au risque de faire fuir irrémédiablement votre sujet. Mais une approche réussie engendre des sensations uniques, qu'un affût ne donne pas, même si statistiquement les résultats y seront généralement meilleurs !

Quel est le matériel absolument nécessaire pour débuter en photo animalière ?

Je dirais un boîtier de type réflex numérique, un téléobjectif de type 300mm et une tenue aux couleurs neutres (ou idéalement camo). C'est la base. Ensuite on peut suivant son expérience, et son budget, ajouter des éléments pour faciliter la prise de vue : téléobjectifs plus imposants, boîtiers plus performants, matériel de camouflage, télécommandes pour déclenchement à distance, objectifs macro pour la proxyphotographie, etc.

La réussite passe d'abord par un équilibre entre connaissances naturalistes et maîtrise technique

Le problème est que bien souvent, les néophytes considèrent que c'est le matériel qui "fait" la réussite. Sur le terrain, la réalité est toute autre : donnez un matériel d'entrée de gamme à un expert, et il vous fera d'extraordinaires photographies ; donnez un matériel haut de gamme à un débutant, et il vous ramènera peut-être quelques photographies !

Je pense que la réussite dans la pratique de la photographie animalière passe d'abord par un équilibre entre connaissances naturalistes et maîtrise technique, au-delà de la qualité du matériel. La maîtrise technique de ce dernier doit amener le pratiquant à gérer son matériel de manière naturelle, voire innée. Il ne doit plus réfléchir, ça doit venir tout seul, un peu lorsque vous conduisez une voiture. Cependant, il est important (contrairement à la voiture) de connaître les mécanismes régissant la capture de la lumière et tout le processus de création de l'image jusqu'à sa finalité, car certains aspects du fonctionnement des capteurs numériques par exemple, vont influer parfois de manière sensible les réglages à utiliser sur le terrain pour obtenir les meilleurs résultats possibles.

Enfin, je conclurais en affirmant qu'il n'y a pas de matériel idéal pour tous les photographes, mais qu'il y a son matériel idéal, adapté à sa propre pratique. Et c'est cela qui importe, pas d'avoir un plus bel appareil que son voisin !

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