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ART ET SCIENCE
 
Juillet 2006

Le groupement, le beau, et l'évolution

Regardez un tableau de la Renaissance : la même couleur bleue est répétée sur toute la toile, du ciel aux robes en passant par l'eau. Par économie de peinture ou par un instinct venu de nos lointains ancêtres ?

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Comment le cerveau prend plaisir au groupement... © DR

En peinture classique, l'artiste utilise une gamme limitée de couleurs plutôt qu'une énorme quantité. Ainsi, le bleu du ciel se retrouve dans l'eau, et le brun des vêtements dans le sol. Et ce n'est pas par économie que l'artiste a répété ainsi la même teinte : c'est parce que c'est beau. Ou plutôt parce que "ça fait du bien" à regarder.

La même chose se produit dans la mode. Si vous achetez une jupe bleue et un chemisier blanc, la vendeuse vous conseillera une ceinture bleue, ou un foulard bleu lui aussi. Effet de mode ou raison logique ?

Le groupement fait du bien

Cette façon d'assortir les couleurs raconte quelque chose de fondamental à propos du cerveau. En effet, il semble apprécier le groupement de taches de couleur semblables. Cette loi du "groupement" a été découverte par les psychologues de la Gestalt au début du XXè siècle.

La figure ci-dessus en montre un exemple. A première vue, vous voyez d'abord un ensemble de taches irrégulières. Mais au bout de quelques secondes vous groupez quelques-unes de ces taches et vous vous mettez à voir un chien dalmatien reniflant le sol. Le cerveau "colle" les taches chien ensemble pour former un objet unique. Plus amusant : intérieurement, vous poussez un " Ah !" de satisfaction comme si vous veniez de résoudre un problème. Le groupement fait donc du bien.

Rassembler les morceaux pour survivre

D'où vient cette aptitude à grouper les choses et à s'en contenter ? Petit détour par l'évolution. La vision s'est développée principalement pour déjouer le camouflage et pour détecter les objets dans des scènes chargées. Aujourd'hui, les objets sont clairement visibles. Ils sont si communs que nous ne réalisons pas que la vision porte essentiellement sur leur détection.

"Quelle est la probabilité que ces morceaux soient de la même couleur par hasard ? Zéro. Ils appartiennent donc au même objet. Collons-les ensemble. C'est un lion. Il faut fuir !"

Pour nos ancêtres, c'était autre chose : il leur fallait repérer un lion caché derrière un écran de tâches vertes (feuilles, herbes), à partir de quelques tâches jaunes de pelage. Les individus qui n'y parvenaient pas se faisaient dévorer à coup sûr. Pas les autres.

Chez ceux-ci s'est sans doute développé un système où la vision de tâche conduit le cerveau à "s'interroger et à raisonner" : "quelle est la probabilité pour que tous ces morceaux soient de la même couleur par hasard ? Zéro. Ils appartiennent donc au même objet. Collons-les ensemble pour voir ce que c'est. C'est un lion. Il faut fuir !". Voilà comment l'évolution a sélectionné les individus dont le cerveau et la vision sont organisés de manière à savoir "grouper".

Bien sûr, lorsqu'un artiste emploie la règle dans un tableau individuel, en faisant grouper aux spectateurs des taches d'objets différents, il n'est pas question de survie. Tout comme quand vous choisissez d'assortir votre jupe et votre ceinture. Mais le cerveau est "roulé" et il prend plaisir au groupement de toute façon !

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