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ART ET SCIENCE
 
Juillet 2006

L'accélérateur de particules au service de l'art

Quand la science vient en aide aux historiens de l'art et aux archéologues en retrouvant l'origine et l'histoire des matériaux supports des œuvres d'art.

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Les objets archéologiques exposés dans nos musées sont les témoins matériels des civilisations passées. Témoins de leur temps donc mais énigmatiques pour les chercheurs d'aujourd'hui, car ils sont souvent peu ou mal documentés. La volonté de pallier à ce manque d'information a donc motivé les chercheurs à recourir à des analyses physico-chimiques. Le cas de la statuette d'Ishtar du Louvre, analysée au laboratoire du C2RMF, en est un bon exemple.

La statuette d'Ishtar, déesse babylonienne de l'amour et de la guerre, découverte en 1863 à Hillah en Mésopotamie, par le consul Pacifique Delaporte, datée aux alentours du 1er siècle av JC et du 1er siècle de notre ère, est conservée au Louvre depuis 1867. Son corps d'albâtre, agrémenté aux yeux et au nombril de trois cabochons rouges, supposés être des pièces en verre, a suscité un intéret particulier, dès 1995, lors de l'exposition "Pierres précieuses de l'orient ancien, des Sumériens aux Sassanides", grâce à l'expertise du gemmologue S. Van Roy, qui souligna l'éventuelle présence de rubis.

La statuette d'Ishtar en cours d'analyse dans le laboratoire du C2RMF. Photo © T. Calligaro

La caractérisation des matériaux

Afin de connaître la nature réelle de ces cabochons, la statuette d'Ishtar a fait l'objet d'une analyse élémentaire, c'est-à-dire une analyse permettant de connaître tous les éléments chimiques formant le matériau et leurs taux de représentativité. La méthode choisie, totalement non destructive, utilise l'accélérateur de particules AGLAE (Accélérateur Grand Louvre pour l'Analyse Elémentaire) et la technique PIXE (Particule Induced X Emission).

Cette méthode mesure les rayons X produits par le matériau de l'échantillon sous l'impact de particules accélérées, ici des protons de 3 MeV. Deux détecteurs de rayons X permettent de doser simultanément les éléments majeurs et les éléments traces (présence inférieure à 1%). Les rayons X obtenus donnent alors la composition chimique du matériau, sous la forme d'un spectre.

Des rubis et non du verre

Les rubis sont des corindons. Photo © dr

Les matériaux analysés sont majoritairement composés d'alumine, d'oxygène et de chrome. Il ne s'agit donc pas de vulgaires bouts de verre mais de trois cristaux d'alumine, ou encore de trois rubis. Afin de connaître leur origine, ils ont été comparés avec pas moins de 400 rubis actuels dont la provenance est connue. Verdict : il s'agit de rubis birmans.

Si cette découverte ne fait qu'augmenter la préciosité de l'objet, son intérêt est d'abord archéologique. Les rubis étaient, à l'époque, introuvables en Mésopotamie (ils le sont toujours actuellement) et l'analyse a révélé que les rubis qui ornent la statuette d'Ishtar viennent de Birmanie.

Tout cela indiquerait l'existence d'une route de gemmes entre la Mésopotamie et l'Asie du Sud-Est dès le début de notre ère, et donc une excellente organisation dans l'approvisionnement des Mésopotamiens. Ces résultats ont aussi pu confirmer les informations livrées par Pline l'Ancien dans son Histoire naturelle qui mentionait, dans son livre XXXVII consacré aux gemmes, l'usage de rubis dans des rites babyloniens.

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