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Mars 2006

Cyril Burt et l'intelligence héréditaire

Il voulait à tous prix démontrer la thèse dans laquelle il croyait. Une affaire qui n'a malheureusement pas eu que des conséquences scientifiques.
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L'affaire Burt touche là encore un scientifique de renommée internationale. Cyril Burt sera en effet considéré comme l'un des pionniers de la recherche en psychologie, jusqu'à sa mort en 1971.

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Sa thèse repose sur une idée assez répandue dans la société : l'intelligence est héréditaire et ne dépend pas de l'environnement ni de l'éducation. Pour prouver sa thèse, Cyril Burt étudie des paires de jumeaux homozygotes (donc avec le même patrimoine génétique), mais élevés dans des familles séparées. Etude classique dans son principe, mais pas facile à réaliser, car les jumeaux séparés ne courent pas les rues !

La preuve par la paire
En 1943, il publie une première série de résultats portant sur 156 paires de jumeaux, dont 15 jumeaux homozygotes élevés séparément. Il trouve une coefficient de corrélation de 0,54 pour les faux jumeaux, mais de 0,77 pour les vrais jumeaux. Trois autres enquêtes vont suivre en 1955, 1958, et 1966, portant à chaque fois sur une nombre plus élevé de jumeaux. La dernière porte sur un échantillon de 53 paires de vrais jumeaux séparés à la naissance. Toutes tendent à démontrer que l'hérédité est le facteur prépondérant dans la détermination des aptitudes mentales.

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Une exploitation abusive
Conseiller au ministère de l'éducation de Grande-Bretagne, Burt exercera une influence considérable sur l'enseignement outre-Manche. On va en effet baser les admissions dans les classes supérieures sur des tests de QI, la sélection pouvait se faire dès 11 ans . Certains psychologues ont même utilisé les résultats de Burt pour accréditer des thèses racistes : les mauvais résultats de certaines minorités ethniques étaient inhérentes à la race et donc héréditaires.

Trop parfait pour être vrai
Inquiets de ces dérives, plusieurs spécialistes se penchent sur les résultats de Burt après la mort de celui-ci. Leon J. Kamin, professeur de psychologie à Princeton, découvre ainsi des coïncidences étonnantes dans les séries statistiques de Burt. Dans les trois études, le coefficent de corrélation est le même à la troisième décimale près (0,771), alors que les échantillons sont différents. Un hasard bien trop parfait pour être exact. Kamin conclue donc que Burt a "fabriqué" les données pour qu'elles correspondent parfaitement aux résultats attendus.

Des falsifications en série
En 1976, Olivier Gillie, journaliste au Sunday Times, trouve des fraudes encore plus flagrantes. D'une part, les deux principales collaboratrices de Burt sensées avoir trouvé les paires de jumeaux et publié des articles dans le journal du chercheur n'ont jamais existé. Encore pire : plusieurs paires de jumeaux ont été "inventées", ainsi que les QI de leurs parents. Seules 15 paires de jumeaux avaient effectivement participé aux tests.
Pour finir, Cyril Burt est soupçonné d'avoir plagié d'autres auteurs, et modifié les résultats d'autres papiers parus dans sa revue (le British Journal of Satistical Psychology), pour que leurs conclusions cadrent mieux avec ses propres convictions.
L'affaire prend même un tournant politique, la parti travailliste accusant les conservateurs d'avoir appliqué une politique raciste dans l'éducation.

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Un savant paranoïaque ?
Reste à savoir les motivations réelles de Cyril Burt. Ce dernier devait être convaincu de ses propres thèses, cherchant à les démontrer par tous les moyens. Pour sa biographe Leslie Spencer Hearnshaw, Cyril Burt, devenu sourd et malade à la fin de sa vie, était atteint d'une sorte de paranoïa, devenant de plus en plus agressif à l'égard de ses contradicteurs. Ses deux collaboratrices n'étaient que des exemples des 20 pseudonymes qu'il avait utilisé pour avancer ses idées dans son propre journal.

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 Céline Deluzarche, L'InternauteScience
 
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