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DEJA DEMAIN
 
Janvier 2007

Nettoyer la mer avec des moules

Plutôt que d'agrandir les stations d'épuration, pourquoi ne pas élever des moules ? Non seulement elles sont très efficaces pour éliminer les déchets azotés, mais elles feront ensuite de bons petits plats.

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La mer asphyxiée

L'agriculture française rejette chaque année 400 000 tonnes d'azote dans les rivières et dans la mer. Ce sont les engrais et fertilisants, dont la consommation a doublé entre 1950 et 1984, qui sont responsable de cette pollution. Résultat : des micro-algues prolifèrent en grande quantité, et asphyxient la faune aquatique. C'est ce qu'on appelle l'eutrophisation.

Les moules filtrent l'eau et fixent l'azote contenu dans le plancton. Photo ©

L'Union européenne a pris la mesure du problème en 1991 et imposé une réduction de 70 % des rejets azotés. L'eau peut être épurée par voie biologique, en lui ajoutant des bactéries spécifiques qui transforment l'azote en ammoniac. Mais l'efficacité de procédé atteint péniblement les 15 %. Elle peut être améliorée par l'ajout de méthanol, un hydrocarbure pas vraiment écolo…

Moules filtrantes

Du coup, les Suédois toujours à la pointe de la recherche maritime, se sont tournés vers… les moules. Ces bivalves filtrent l'eau et avalent le plancton chargé en azote. La moitié de l'azote absorbé est directement assimilé par la moule et stocké dans les tissus, le reste étant rejeté sous forme de déjections au fond de la mer ou sous forme d'ammoniac. Il suffit ensuite de récolter les moules et le tour est joué.

Les moules éliminent 75 % de l'azote dans l'eau, et ne coûtent pas cher par rapport aux méthodes traditionnelles. La plus importante ferme à moules de Suède se trouve à Scanfjord. Elle fait 5000 m² et donne 150 tonnes de moules qui éliminent 1500 kg d'azote.

Le marché de moules

Reste une question majeure : que faire de toutes ces moules ? L'élimination de toutes les émissions d'une ville comme Göteborg, la deuxième ville de Suède (431 723 habitants), nécessiterait 450 hectares de culture, soit 45 000 tonnes de moules par an. Par comparaison les Français mangent 100 000 tonnes de moules par an.

Les moules récoltées sont normalement propres à la consommation humaine, mais elles absorbent fréquemment des algues toxiques, des bactéries ou des virus qui les rendent immangeables. On peut alors faire de la farine de moules pour nourrir les poules, ou pour la répandre comme fertilisant sur les champs. La haute teneur en sodium de cette farine ne convient toutefois pas à certaines cultures, comme les pommes de terre et certaines céréales.

Il y a aussi les coquilles, qui représentent 30 % du poids des moules. Le carbonate de calcium qu'elles contiennent peut servir dans l'industrie ou dans la construction de routes.

De l'expérience... à la réalité

Les moules sont-elles la solution au problème des nitrates ? "Sûrement pas" explique Gilles Bocquené, chercheur au département Biogéochimie et écotoxicologie cellule d'analyse des risques chimiques à l'Ifremer. "Il faut se méfier des solutions qui paraissent simples. A grande échelle, les moules risquent de déséquilibrer l'écosystème. Quelle que soit la méthode utilisée, une fois que les polluants sont dispersés dans la nature, il est très difficile de les récupérer. La seule vraie solution est de réduire les émissions en amont".

 

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