Stéphanie pensait avoir tous les atouts pour réussir : des études brillantes
et une thèse à Jussieu en biochimie et biologie moléculaire. Après son diplôme,
elle se met à la recherche d'un post-doc pour parfaire son CV. Le temps passe,
et ses CV n'obtiennent aucune réponse.
"J'ai alors envoyé quelques e-mails
aux Etats-Unis, et j'ai eu tout de suite une réponse" témoigne la jeune femme.
Aujourd'hui, elle travaille à l'université du Massachusetts pour un salaire de
31 000 dollars par an.
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Image © L'Internaute Magazine |
Une somme bien supérieure aux 25 000 dollars qu'elle aurait pu toucher en France,
mais qui est loin encore des standards du privé dans le pays : 60 000 dollars
annuels minimum.
Stéphanie n'est pas un cas isolé. Chaque année, jusqu'à 2000 thésards quitteraient la France
pour les universités américaines. Tous vantent l'accueil et l'environnement de
travail de leur pays d'adoption. "S'ils sont bons, les jeunes chercheurs bénéficient
d'avantages impensables en France", explique Jean-Jacques Slotine, professeur
français d'ingénierie et de neurosciences au prestigieux MIT (Massachusetts Institute
of Technology).
Peut-on pour autant parler de fuite des cerveaux ? Car ces 2000 thésards ne représentent que 15% du total des thèses soutenues (d'autant que 80% des doctorants expatriés finissent par rentrer en France). Mais 15% est sans conteste un chiffre déjà élevé, d'autant qu'on ne parle des départs aux Etats-Unis, pas dans les autres pays.
Plus de responsabilités
"Ce n'est pas seulement une question de salaire" explique Raphaël,
un thésard parti à Liverpool. Ici, on vous confie très vite des responsabilités.
Moins d'un an après le début de mon contrat, je peux déjà recruter un étudiant
et un post-doc. Inimaginable en France !" Une de ses amies, à 32 ans, dirige
déjà une équipe de plus de 30 personnes.
"S'ils sont bons, les jeunes chercheurs bénéficient d'avantages
impensables en France" |
Jean-François, titulaire d'un DEA et une thèse en tectonique des plaques, est
parti à l'université de Stellenbosch, en Afrique du Sud. Il y est depuis 3 ans.
"On n'a pas forcément plus de moyens, car le pays n'est pas très riche,
explique-t-il, mais la différence tient à des petits détails : on m'a remboursé
mon billet d'avion, et quand je suis arrivé, mon bureau et mon ordinateur étaient
prêts. En France, je devais amener mon portable personnel pour préparer mes cours
"
Le retour est difficile
Stéphanie est rentrée France au bout de deux ans. Elle s'est présentée un peu
par hasard au concours du CNRS, et elle a été reçue du premier coup. Mais tous
n'ont pas cette chance : selon une étude de la Mission pour la science
et la technologie (MST) de l'ambassade de France à Washington, seuls 64% des post-doctorants
partis aux Etats-Unis trouvent un emploi stable en France dans les 6 ans qui suivent
leur thèse.
Coupés des réseaux français, le retour est difficile.
En attendant, les jeunes chercheurs rallongent leur contrat à l'étranger. Un étudiant
sur cinq choisit de ainsi rester sur place, malgré le mal du pays et l'éloignement
familial.