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Décembre 2006

"J'aime jouer avec les interdits, les non-dits..."

Ses livres, son blog, ses chroniques... David Abiker a répondu à toutes vos questions le jeudi 14 décembre.

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"Personnellement, j'adore me plaindre."

"Le musée de l'homme", "Le mur des lamentations"... comment avez-vous choisi comment vos titres ?

David Abiker : "Le musée de l'homme" n'est pas loin de chez moi et j'y promène souvent mes filles. "Le mur des lamentations" a été choisi par mon éditeur, j'aime bien les titres qui symbolisent un lieu et des idées : le déclin de l'empire masculin pour "Le musée de l'homme" et le triomphe des victimes médiatiques dans "Le mur des lamentations".

Pourquoi votre personnage principal s'appelle-t-il Maouh ?
J'aimais bien Maouh comme nom. Je l'ai piqué à un jeune couple. Emma appelait son Raphaël, "Maouh" et je trouvais ça sympa. Ma femme m'appelle "Ch...", ce qui est plutôt banal. Et puis Maouh, ça fait chat entretenu. Je trouve l'idée assez drôle pour un héros qui est un père de famille somme toute ordinaire.

Que pense en général la gente féminine de votre livre "Le musée de l'homme" ? Les femmes rient beaucoup en le lisant. Seule Isabelle Alonso m'a dit qu'elle le trouvait con à l'occasion de la journée dédicaces de Sciences Po. Les femmes rient et les hommes aussi, mais pas aux mêmes endroits, ce qui finalement permet une lecture en couple, sur l'oreiller.

  • Le mur des lamentations
  • Titre : "Le mur des lamentations"
  • Auteur : David Abiker
  • Editeur : Editions Michalon (Septembre 2006)
  • En savoir plus : lire notre présentation

La digne représentante des chiennes de garde n'a pas aimé votre livre "Le musée de l'homme" ?
Comme je l'ai dit juste avant, elle l'a trouvé con, je l'ai d'ailleurs dit sur mon blog. Si ça se trouve elle a raison. Pourtant ce livre n'a pas grand chose à voir avec un livre machiste, c'est même le contraire. C'est un livre sur une démission. La mienne, devant le triomphe des frangines...

Comment définiriez-vous les rapports hommes-femmes dans la société française du XXIe siècle ?

J'ai du mal avec les généralités. Je vais donc vous donner quelques termes qui s'appliquent plus ou moins : autonomie, solitude, concurrence, dialogue, partenariat, bout de chemin et les termes classiques : amour, engueulades, câlin, téléphone, enfants.

A votre avis, de quoi se plaint-on le plus ? De travailler ? De manquer de temps ou d'argent ?

D'abord, on se plaint pour le plaisir et parce que c'est un besoin psychologique nécessaire. Personnellement, j'adore me plaindre et pas seulement du manque d'argent ou de temps. J'adore me plaindre quand je ne retrouve pas mes clés, quand un type me fait une queue de poisson, quand ma femme a la migraine, quand les choses ne vont pas comme je le voudrais. La plainte, la complainte, c'est devenu un genre à part entière. Baudelaire avait le spleen, les Portugais ont la saudad, les jazzmen ont le blues, moi j'ai le mur des lamentations.

Les femmes se plaignent quand même moins que les hommes non ?

Vous avez tout à fait raison. Dans mon dernier livre, le héros passe son temps à chouiner. Il a de bonnes et de mauvaises raisons. Sa femme ne se plaint jamais, elle dit seulement des vérités. Le mur est encore un livre sur le couple, mais vu au travers de la manière dont chacun accepte ou pas d'être une victime.

Vous pensez vraiment que l'on est tous victimes et fiers de l'être ?

Non, pas vraiment. J'observe seulement que ceux qui crient plus fort que les autres sont entendus. Les journaux télévisés sont farcis de victimes. C'est leur rôle d'attirer notre attention sur la misère du monde mais il faut bien choisir nos victimes. Il y a les victimes de faits divers qui ne nous apprennent rien sur notre époque. On enlevait les enfants au XIXe siècle et le loup les mangeait au XVIe. Aujourd'hui, 200 touristes qui s'écrasent en avion ont droit à une plaque de marbre. Ca ne veut rien dire. Un crash aérien, c'est triste mais ça ne se commémore pas.

En ce moment rien ne va plus : divorce, perte d'emploi, grosse dette… Ancien cadre sup' de 43 ans suis-je dans la cible de votre livre et d'après-vous ai-je de vraies raisons de me plaindre ou suis-je "Calimero" ?

Monsieur, vous n'êtes pas une cible. Vous êtes quelqu'un qui a peut-être envie de lire quelque chose. Mon livre ne raconte pas votre histoire et il n'est pas conçu pour stigmatiser quelqu'un. C'est une fable sur la plainte, sur les médias avec une morale, une vraie qui dit quelque chose de notre époque. Le seul message ciblé que je puisse vous envoyer, c'est de retrouver du boulot, si c'est ce que vous souhaitez.

"Globalement, j'aime bien mélanger le monde de l'enfance à celui des adultes."

J'ai beaucoup aimé votre livre "Le mur des lamentations". C'est écrit avec beaucoup d'humour. Vous avez des références assez poussées niveau dessin animé : Calimero, Franklin... Comment cela se fait-il ?

Calimero est une référence qui vient de mon enfance. Franklin vient de celle de mes enfants. Globalement, j'aime bien mélanger le monde de l'enfance à celui des adultes. Dans "Le musée de l'homme", le square était un super spot de drague. Dans "Le mur des lamentations", c'est la sortie de l'école qui permet de draguer de jeunes mères de famille. Une jeune mère de famille, c'est bien plus excitant qu'une célibataire, et dans un square, ça l'est encore plus : parce qu'il y a tous les interdits moraux. Vous voyez ce que je veux dire ? J'aime bien jouer avec les interdits, les non-dits et les mots qui vont avec.

Etes-vous un éternel râleur?

J'aime bien râler, miauler, couiner, gueuler, j'aime aussi pleurer, mais de bonheur, ce qui m'arrive de plus en plus souvent avec l'âge.

 

"Inventer des situations et des dialogues qui sentent le vécu, c'est un gros travail, notamment dans la recherche du réalisme et du comique de situation."

Votre vie est-elle à l'image de vos livres ? Quel est la part de fiction et de réalité ?

Quand on lit mes livres, on me dit souvent : ça, c'est du vécu ! Je le prends pour un compliment. Si je racontais simplement ma vie, ce ne serait pas drôle. Inventer des situations et des dialogues qui sentent le vécu, c'est un gros travail, notamment dans la recherche du réalisme et du comique de situation. Pour "Le musée de l'homme" , il y avait une partie de ma vie, comme le héros, j'ai une femme et des enfants. Mais ça s'arrête là. Pour "Le mur des lamentations", le début du livre est assez réaliste mais très vite, on quitte les rives de ma vie pour aller vers la fable.

Quelles sont les qualités requises pour faire partie du clan des victimes ?
Des victimes dont je me moque dans le livre ? Souffrance, narcissisme, humanité, arrivisme et scrupules, à la fin. Il faut bien une morale ! J'ajouterais, également, pour notre époque, l'engouement pour la télé ou le sens des RP...

Pourquoi vous êtes- vous lancé dans l'écriture d'une trilogie ? Quel est le fil conducteur de ces romans ?

Quand j'ai terminé "Le musée de l'homme", je me suis aperçu que Maouh me manquait et que ce personnage pouvait exister un peu plus longtemps avant de finir au musée. Donc, je lui ai fait gravir le Mur des lamentations. Et comme deux, c'est moins bien que trois, j'ai décidé de faire une trilogie. Mais si jamais je n'arrivais pas à m'en séparer, je me lancerais comme Wagner dans une tétralogie....

Quel livre vous a semblé le plus difficile à écrire, "Le musée de l'homme" ou "Le mur des lamentations" ?

Le Mur des lamentations.

Kylie Minogue vous a vraiment inspiré pour écrire le livre "Le mur des lamentations"?

Oui, vraiment, car à chaque fois que j'allais dans la vraie vie chez mon médecin, il y avait un " Voici " dans sa salle d'attente, et dans le " Voici ", il y avait le bulletin de santé de Kylie. Comme je me moque des people qui étalent leur vie privée dans la presse, je me suis dit que je devais dédier le livre à cette jeune femme. C'était le moins que je pouvais faire dans la mesure où j'aime danser, et que sa musique m'a fait passer quelques bons moments en discothéque à l'époque où je savais encore me déhancher. Merci Kylie et remets-toi bien !

Etes-vous un métrosexuel comme Maouh ?

Non, je suis trop vieux. Les métrosexuels sont respectueux de l'environnement, en parfaite santé, s'habillent à la mode et ne se plaignent quasiment jamais. Je les déteste. Mais je leur ressemble quand même. Et Maouh est un métrosexuel raté.

"En paraphrasant le pape, je leur dirais ceci : n'ayez pas peur, entrez dans l'espérance. "

Ayant vécu dans d'autres pays, et fréquenté plusieurs cultures, je constate que les Français sont les champions des lamentations... Devant l'intelligence pratique selon les changements doivent s'opérer rapidement, les Français boudent... Qu'en pensez-vous ?

C'est vrai qu'on se plaint, mais les sans-culottes se plaignaient aussi et pourtant ils ont fait la révolution et leurs intellectuels ont fait le siècle des Lumières. En paraphrasant le pape, je leur dirais ceci "n'ayez pas peur, entrez dans l'espérance". On n'écoute plus le Pape alors qu'il dit des choses très utiles. Je trouve. Enfin bon...

Vous donnez une adresse internet à la fin de votre livre pour que le lecteur puisse se plaindre. Avez-vous beaucoup de retours ?

Un peu, mais pas énormément. Ca commence.

Comment vous est venue l'idée de faire un blog ?

Une envie commune avec Daniel Schneidermann. On avait un débat sur celui d'Alain Juppé. Et finalement, au lieu de débattre, on a agi et créé le bigbangblog.

Vous racontez quoi sur votre site ?

Le blog, c'est mon atelier. Il y a évidemment une sorte de contrat moral avec les visiteurs qui veulent des critiques sur les médias, mais il y a dans le blog plein de posts qui racontent un peu ce qui m'arrive, mais attention, je mens énormément. J'aime bien mentir un peu.

Votre site est-il très fréquenté ?

On a entre 5 000 et 6 000 visiteurs uniques par jour. C'est plutôt bien pour un blog, à ce qu'il paraît. Nous sommes partis de zéro. Mais nous avons un gros avantage : la médiatisation préalable qui donne un atout au départ et surtout l'objet du blog qui passionne généralement les internautes.

Combien de fois par jour vous allez sur votre blog ?

Souvent, j'y fais un petit tour. J'écris une fois ou deux fois par semaine. Et je consulte tous les jours. Le blog, c'est amusant de le consulter quand je ne suis pas à Paris, j'ai l'impression d'emmener tout un monde en voyage. C'est stupide, mais c'est mon impression.

L'informatique ca vous passionne tant que ça ?

L'informatique m'ennuie au plus haut point. Ce qui est important, c'est ce qu'il permet de faire : écrire, publier, contacter, se marier, trouver un coiffeur, un médecin, regarder le JT quand on l'a raté, jouer au morpion.

"Le blog, c'est mon atelier."

Vous avez parfois des critiques sur votre blog ?
Parfois ? Vous rigolez ! Les gens qui viennent sur mon blog m'expliquent que je pense faux, que je raconte n'importe quoi ou m'explique leur vision des problèmes. Le blog implique la critique par définition. Je n'ai pas créé un blog pour que les gens me disent je t'aime. J'ai un autre truc pour ça. En revanche, il y a plein de lecteurs qui ne disent rien et j'ignore ce qu'ils pensent, mais ils reviennent.

C'est sympa de travailler avec Daniel Schneidermann ?

Oui. J'ai appris plein de choses et puis, c'est quelqu'un qui vous donne des conseils, qui est exigeant et c'est très stimulant. Mais c'est surtout intéressant de collaborer depuis 6 ans à une émission de télé qui a du sens.

Maja, elle est sympa aussi ? Et Judith ne vous manque pas trop en ce moment ? Mais tout le monde est sympa ! Le sympatisme est en train d'envahir le monde. Tout le monde est sympa, surtout à la télé. Donc je préfère vous dire que ces jeunes femmes sont toutes deux des personnages à forte personnalité. Des vraies héroïnes qui auraient pu figurer dans "Le Musée de l'homme" et grimper en haut du Mur des lamentations.

Quel média préférez-vous ? La télévision ou la radio ?

La radio. Sans doute parce que c'est un média où l'écrit compte plus que la télé. Même si la télé apporte des satisfactions.

Qu'allez-vous choisir entre votre profession, vos livres et vos chroniques ?

J'ai horreur de choisir. J'attends, je repousse, je gère mes contradictions. Et ces contradictions sont réinjectée, en partie dans le personnage de Maouh.

France Inter, ça se passe comment ?

Bien, je crois. Mais tôt... trop tôt.

Comment choisissez-vous les sujets de vos chroniques ?

Pour les blogs, je regarde le Web, pour la télé, je regarde la télé. Ensuite, je choisis. Je n'ai pas de sujets préférés, sauf qu'à la télé, je prends plutôt des sujets du JT. J'aime bien aussi traiter des blogs avec lesquels je ne suis pas toujours d'accord ou qui ne me concernent pas. C'est une façon de m'imposer un devoir de curiosité.

Vous allez rester à France Inter toute l'année 2007 ?

Si oui, je m'en réjouis. J'espère, on verra. C'est assez dur de se lever un jour sur deux à 5h50... mais je ne vais pas me lamenter !

"Visiblement, les femmes ont pris le parti de me laisser tranquille."

Télévision, radio, livres ... à quand le one man show David Abiker ?
C'est une vraie question que j'ai à moitié résolue. Un jour, j'ai commenté un JT sur grand écran à des étudiants. Ca a donné un spectacle assez amusant : d'abord le JT sur grand écran devient un show, ensuite, si vous me mettez un micro et que je suis en forme, ça peut vraiment être drôle, à condition que la salle pose des questions. A vrai dire, je le referais bien. J'ai eu la chance d'entendre un comédien lire un chapitre de mon livre, c'est une grande satisfaction. Je ne suis pas vraiment fait pour être au centre de toutes les attentions.

Draguer par internet, vous en pensez quoi ?

C'est très excitant mais ça m'arrive rarement. Visiblement, les femmes ont pris le parti de me laisser tranquille. Je ne suis pas sur le créneau drague. Certains jours, je le regrette. J'aurais dû faire le Bachelor ou la Star Ac'.

Et avec votre super vision, vous voyez qui au 1er tour des élections ?
Au premier tour, attendez, je réfléchis, je vois tous les candidats qui auront 500 signatures. Au second, j'ai du mal mais comme c'est parti je vous donne : Sarko, Ségo et Le Péno, dans l'ordre.

Vous pensez quoi des syndicats ? Utiles ou pas ?

Utiles, et j'en sais quelque chose.

Quels sont vos projets pour les mois à venir ?
Le troisième tome de la trilogie.

Comment cuisinez-vous les têtes de poissons, ce mets de choix ?

Les meilleures recettes de cuisine de têtes de poissons sont sur le forum de "Arrêt sur images " sur le site de France 5. On en trouve également d'autres dans le livre de François Garçon, "Enquête sur le cauchemar de Darwin". Vous y trouverez matière à régaler (ou écœurer) vos amis. Mais attention, ne vous prenez pas la tête.

David Abiker : Merci de vos questions. A bientôt sur mon blog et bonnes fêtes à tous !

» Lire notre présentation du livre "Le mur des lamentations"

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