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Décembre 2006

Jean-Marie Rouart : "Si on est un écrivain, on reste un écrivain, quoiqu'on fasse"

Auteur de nombreux romans, essais et pièces de théâtre, membre de l'Académie française depuis 1997, Jean-Marie Rouart présente sa dernière pièce actuellement à l'Espace Pierre Cardin : "Gorki l'Exilé". Il a répondu à vos questions en chat.

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Qu'est-ce que ça représente pour vous le fait d'être membre de l'Académie française ?

On est à l'Académie française parce qu'on l'a désiré. Je ne l'ai jamais caché, j'ai toujours été un ambitieux, certains disent un arriviste. Mais curieusement, je ne crois pas aux récompenses que donne la société. Je suis même d'un affreux scepticisme sur les prix, j'en ai obtenu quelques-uns, les légions d'honneur, les décorations, les hochets de toutes sortes. Mais je n'irais pas jusqu'à dire qu'ils sont désagréables. Pour conclure, je vous dirai ce que j'ai répondu à un journaliste le jour de mon élection à l'Académie. Il m'a dit : "Vous êtes heureux ?" J'ai répondu que non, que j'étais inquiet. Pourquoi inquiet ? Parce que j'ai obtenu 16 voix de plus que Balzac. J'aime être aimé.


Est-ce dur de vieillir ?

C'est affreux. Surtout pour l'écrivain qui n'aime que l'adolescence, les adolescents, et en ce qui me concerne beaucoup les adolescentes.

 

Jean-Marie Rouart
"Mon engagement, c'est de défendre les victimes de l'injustice."

Etes-vous engagé politiquement ?

Oui, mais pas au sens où on l'entend. Ni dans un parti politique, ni dans une idéologie, mais je tente de défendre toutes les victimes de l'injustice, Omar Raddad, les prostituées qui sont des victimes d'un esclavage moderne. Actuellement, Bruno Joushomme qui est en prison pour un crime qu'à mon avis il n'a pas commis. Mon engagement c'est de défendre les victimes de l'injustice.


Pourquoi avoir choisi Marie-Christine Barrault pour votre pièce ?

Ma pièce, qui se joue actuellement à l'espace Cardin (à Paris), j'en suis l'auteur mais pas le metteur en scène. Je n'ai donc pas choisi Marie-Christine Barrault. Cela dit je m'en félicite. Elle joue magnifiquement, mais je ne suis pas responsable de son engagement, c'est le domaine du metteur en scène.


Lustiger, d'Ormesson, Rouart... Pour être académicien, faut-il être mauvais écrivain ?

Il faut se méfier des jugements péremptoires. L'Académie n'accueille pas forcément des écrivains. Je ne crois pas que Monseigneur Lustiger se considère comme tel. Quant à d'Ormesson, j'aimerais beaucoup être un aussi mauvais écrivain que lui. Etes-vous certain de l'avoir lu ? Etes-vous certain de n'avoir pas lu "Du côté de chez Jean" ou "Au plaisir de Dieu" ? Quant à moi, j'ai publié 20 livres, soyez charitable, vous trouverez bien une seule phrase qui risque de vous toucher. Cela me suffira.


Que pensez-vous de votre successeur au Figaro littéraire, Angelo Rinaldi ?
Il y a à l'Académie un pacte tacite de non agression. Je ne sais pas si Rinaldi en a eu connaissance en prenant ma place. Pour moi, j'ai décidé de n'être jamais amer, ni rancunier. J'ai recréé et dirigé le Figaro littéraire pendant 18 ans grâce à Robert Hersant. Ce furent 18 années de bonheur pour moi, et peut-être un peu aussi pour les lecteurs. Alors le reste... C'est la vie !


Que pensez-vous de Florian Zeller ?

J'aurais beaucoup aimé avoir, à 27 ans, tous les talents de Florian Zeller : sa beauté d'ange, sa jeunesse, son succès auprès des femmes. Je pense qu'il a un beau présent et qu'il est promis à un très bel avenir.


Avez-vous abandonné votre casquette de journaliste ?

Si on est un écrivain, on reste un écrivain, quoiqu'on fasse, qu'on soit ambassadeur comme Paul Morand, employé des postes comme Gaston Bachelard, ministre comme André Malraux, et même journaliste comme Bernanos, Mauriac, Camus et moi.


Il paraît que vous êtes né assez riche. Pourquoi faire quelque chose plutôt que rien ?

Erreur : je suis né pauvre dans une famille riche. Je ne considère pas qu'être riche ou pauvre vous dispense de faire quelque chose de sa vie. On agit heureusement pour d'autres raisons.


Dans un incendie, entre le manuscrit de votre plus beau roman, que vous seriez incapable d'écrire à nouveau (celui qui vous aurait rendu vraiment immortel), et votre chat, vous sauvez qui ?

Je n'ai aucun dilemme : je n'ai pas de chat et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle je n'ai pas de chat. J'aurais eu plus de mal à répondre si ça avait été mon épouse : je n'en ai pas non plus ! C'est également la raison pour laquelle je n'en ai pas.


"Je suis né pauvre dans une famille de riches."

Parmi tous les livres que l'on voit derrière vous, lequel vous a le plus marqué et lequel avez-vous déjà relu ?

Pour faire une réponse courte, j'ai relu 7 fois Anna Karenine.


Avez-vous lu "Les bienveillantes" ? Qu'en pensez-vous ?

Je l'ai dit, c'est un tank dans la rentrée littéraire. Un tank qui pète, qui crache, qui fait des dégâts. Possède-t-il cette qualité des très grands livres : la magie du style et, chez le lecteur, le désir de le relire ?


C'est quoi votre cauchemar ?

Je n'ai pas publié de livre, et je travaille dans une banque.


Comment ou grâce à quoi êtes vous rentrez dans l'Académie française ?

Par l'intrigue, en couchant, avec l'aide des renseignements généraux, de la DST et du SDEC. J'appelle ça comme au Monopoly "une erreur de la banque en votre faveur". Mais peut-être, si vous avez la curiosité de lire mes livres, trouverez-vous encore une autre raison.


Pourquoi ne faites-vous pas d'émission télé comme d'autres écrivains ? Vous êtes plutôt beau garçon et semblez avoir de la répartie.

J'aime écrire. Je ne dirais pas comme le peintre Degas "Je voudrais être illustre et inconnu". Mais je préfère que l'on s'attache à ce que j'écris, dans lequel j'exprime ce que je suis vraiment, plutôt qu'à mon image qui me trahit sans cesse.


Répondez vous toujours ainsi de façon caustique ?
Oui, c'est la pudeur des grands sensibles, des grands sentimentaux blessés par la vie.


Bonjour, vos romans, pièces de théâtre, essais et autres ont tous des sujets très différents. Vous n'avez pas une spécialité ?

Mon côté Cyrano de Bergerac. Les avez-vous lus? Pour moi ils n'ont qu'un sujet. Comment vivre ? Quel sens donner à sa vie ? Comment aimer ? Comment échapper au mal ?


Auriez-vous pu être peintre ? Avez-vous des talents artistiques autres que l'écriture ?

Aucun talent pour la peinture. Beaucoup de mal pour obtenir mon bac, la 1ère année de droit, la 1ère année de lettres, mauvais élève. Je ne pouvais être qu'écrivain. C'est une fatalité familiale, il n'y a que des artistes.


Votre réponse immédiate à quelqu'un qui vous dit : "Je vous trouve nul" ?!

Je réponds comme Churchill : "N'avoir rien fait est un grand avantage mais il ne faut pas en abuser".


Rouart, c'est votre vrai nom ?

Parfois, les gens me disent : "Vous êtes écrivain, mais sous quel nom écrivez-vous ?" Cela me peine bien sûr. Mais on est toujours un inconnu pour quelqu'un, parfois même pour quelqu'un qui vous a lu.


"J'aurais été incapable de faire autre chose qu'écrivain, sauf peut-être gigolo."

Bonjour, qu'est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?
Que justement ce n'est pas un métier C'est une aventure dangereuse sans boussole sans sextant vers le pays où l'on n'arrive jamais.


Depuis quand votre passion de l'écriture ?

Depuis l'âge de 13 ans et demi. Non seulement la littérature est une passion dans ma vie mais en plus j'aurais été incapable de faire autre chose. Sauf peut-être gigolo ou homme entretenu.

L'Académie, c'est une consécration… Que faire après ?

Le prix Nobel, les obsèques nationales, la Présidence de la République (Nicolas Hulot se présente bien !). Balzac disait : " Je veux le pouvoir en France." Moi, j'ai des ambitions beaucoup plus modestes : j'essaie de ne pas trop décevoir mes rêves.


Quelles sont les évolutions les plus frappantes que vous avez observées dans la littérature française durant votre carrière ?

Je crois que c'est une maladie française de s'attacher à la littérature comme à un territoire d'analyse. Le livre qui fait avancer la littérature, c'est celui que l'on aime. C'est pourquoi elle avance rarement et recule si souvent.


Une œuvre est souvent la fusion de soi ! Est-ce vrai ?

Bien sûr c'est vrai. C'est le moi profond comme l'a si bien dit Proust par rapport au moi social.


Jean-Marie Rouart : Merci de tout cœur. Je n'ai qu'un seul regret : ne pas avoir vu votre visage, mais le style aussi est un visage.


» Lire la présentation de Jean-Marie Rouart

En savoir plus Le site de Jean-Marie Rouart

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