LIVRES Décembre
2006 Jean-Marie Rouart : "Si on est un écrivain, on reste un écrivain, quoiqu'on fasse"
Qu'est-ce que ça représente pour vous le fait d'être membre de l'Académie française ? On est à l'Académie française parce qu'on l'a désiré. Je ne l'ai jamais caché, j'ai toujours été un ambitieux, certains disent un arriviste. Mais curieusement, je ne crois pas aux récompenses que donne la société. Je suis même d'un affreux scepticisme sur les prix, j'en ai obtenu quelques-uns, les légions d'honneur, les décorations, les hochets de toutes sortes. Mais je n'irais pas jusqu'à dire qu'ils sont désagréables. Pour conclure, je vous dirai ce que j'ai répondu à un journaliste le jour de mon élection à l'Académie. Il m'a dit : "Vous êtes heureux ?" J'ai répondu que non, que j'étais inquiet. Pourquoi inquiet ? Parce que j'ai obtenu 16 voix de plus que Balzac. J'aime être aimé.
C'est affreux. Surtout pour l'écrivain qui n'aime que l'adolescence, les adolescents, et en ce qui me concerne beaucoup les adolescentes.
Etes-vous engagé politiquement ? Oui, mais pas au sens où on l'entend. Ni dans un parti politique, ni dans une idéologie, mais je tente de défendre toutes les victimes de l'injustice, Omar Raddad, les prostituées qui sont des victimes d'un esclavage moderne. Actuellement, Bruno Joushomme qui est en prison pour un crime qu'à mon avis il n'a pas commis. Mon engagement c'est de défendre les victimes de l'injustice.
Ma pièce, qui se joue actuellement à l'espace Cardin (à Paris), j'en suis l'auteur mais pas le metteur en scène. Je n'ai donc pas choisi Marie-Christine Barrault. Cela dit je m'en félicite. Elle joue magnifiquement, mais je ne suis pas responsable de son engagement, c'est le domaine du metteur en scène.
Il faut se méfier des jugements péremptoires. L'Académie n'accueille pas forcément des écrivains. Je ne crois pas que Monseigneur Lustiger se considère comme tel. Quant à d'Ormesson, j'aimerais beaucoup être un aussi mauvais écrivain que lui. Etes-vous certain de l'avoir lu ? Etes-vous certain de n'avoir pas lu "Du côté de chez Jean" ou "Au plaisir de Dieu" ? Quant à moi, j'ai publié 20 livres, soyez charitable, vous trouverez bien une seule phrase qui risque de vous toucher. Cela me suffira.
J'aurais beaucoup aimé avoir, à 27 ans, tous les talents de Florian Zeller : sa beauté d'ange, sa jeunesse, son succès auprès des femmes. Je pense qu'il a un beau présent et qu'il est promis à un très bel avenir.
Si on est un écrivain, on reste un écrivain, quoiqu'on fasse, qu'on soit ambassadeur comme Paul Morand, employé des postes comme Gaston Bachelard, ministre comme André Malraux, et même journaliste comme Bernanos, Mauriac, Camus et moi.
Erreur : je suis né pauvre dans une famille riche. Je ne considère pas qu'être riche ou pauvre vous dispense de faire quelque chose de sa vie. On agit heureusement pour d'autres raisons.
Je n'ai aucun dilemme : je n'ai pas de chat et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle je n'ai pas de chat. J'aurais eu plus de mal à répondre si ça avait été mon épouse : je n'en ai pas non plus ! C'est également la raison pour laquelle je n'en ai pas.
Parmi tous les livres que l'on voit derrière vous, lequel vous a le plus marqué et lequel avez-vous déjà relu ? Pour faire une réponse courte, j'ai relu 7 fois Anna Karenine.
Je l'ai dit, c'est un tank dans la rentrée littéraire. Un tank qui pète, qui crache, qui fait des dégâts. Possède-t-il cette qualité des très grands livres : la magie du style et, chez le lecteur, le désir de le relire ?
Je n'ai pas publié de livre, et je travaille dans une banque.
Par l'intrigue, en couchant, avec l'aide des renseignements généraux, de la DST et du SDEC. J'appelle ça comme au Monopoly "une erreur de la banque en votre faveur". Mais peut-être, si vous avez la curiosité de lire mes livres, trouverez-vous encore une autre raison.
J'aime écrire. Je ne dirais pas comme le peintre Degas "Je voudrais être illustre et inconnu". Mais je préfère que l'on s'attache à ce que j'écris, dans lequel j'exprime ce que je suis vraiment, plutôt qu'à mon image qui me trahit sans cesse.
Mon côté Cyrano de Bergerac. Les avez-vous lus? Pour moi ils n'ont qu'un sujet. Comment vivre ? Quel sens donner à sa vie ? Comment aimer ? Comment échapper au mal ?
Aucun talent pour la peinture. Beaucoup de mal pour obtenir mon bac, la 1ère année de droit, la 1ère année de lettres, mauvais élève. Je ne pouvais être qu'écrivain. C'est une fatalité familiale, il n'y a que des artistes.
Je réponds comme Churchill : "N'avoir rien fait est un grand avantage mais il ne faut pas en abuser".
Parfois, les gens me disent : "Vous êtes écrivain, mais sous quel nom écrivez-vous ?" Cela me peine bien sûr. Mais on est toujours un inconnu pour quelqu'un, parfois même pour quelqu'un qui vous a lu.
Bonjour,
qu'est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?
Depuis l'âge de
13 ans et demi. Non seulement la littérature est une passion dans ma vie mais
en plus j'aurais été incapable de faire autre chose. Sauf peut-être gigolo ou
homme entretenu. L'Académie, c'est une consécration Que faire après ? Le prix Nobel, les obsèques nationales, la Présidence de la République (Nicolas Hulot se présente bien !). Balzac disait : " Je veux le pouvoir en France." Moi, j'ai des ambitions beaucoup plus modestes : j'essaie de ne pas trop décevoir mes rêves.
Je crois que c'est une maladie française de s'attacher à la littérature comme à un territoire d'analyse. Le livre qui fait avancer la littérature, c'est celui que l'on aime. C'est pourquoi elle avance rarement et recule si souvent.
Bien sûr c'est vrai. C'est le moi profond comme l'a si bien dit Proust par rapport au moi social.
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