"Cet art là, je comprends pas" : peut-on aimer l'art contemporain ?

"Cet art là, je comprends pas" : peut-on aimer l'art contemporain ? Notre témoin s'est plongé pour L'Internaute dans un examen sans compromis des types d'oeuvres qui seront présentés ce jeudi et jusqu'à dimanche à la FIAC, la Foire Internationale d'Art Contemporain.

L'art contemporain ? berk !? Notre témoin, que nous appellerons Michelange pour protéger son identité, s'est plongé pour L'Internaute dans un examen sans compromis des types d'oeuvres qui seront présentés ce jeudi et jusqu'à dimanche à la FIAC, la Foire Internationale d'Art Contemporain, à Paris.

"Ca ne représente rien !"

Michelange a toujours été un peu perplexe devant "l'abstrait" (même s'il reconnait que l'art contemporain est plus large que l'art abstrait), voire le "géométrique". Pourquoi peindre si ce qu'on peint n'a ni queue ni tête ? A quoi se raccrocher si on ne reconnaît rien ? Mais hier soir, devant la télévision, Michelange s'est rendu compte d'une chose : les programmes qu'il voit sont toujours les mêmes, la façon dont ils sont construits est toujours la même, et surtout, surtout, le fait de n'avoir aucun effort à faire est assez peu satisfaisant finalement. Tout cela, en somme, est furieusement ennuyeux.

En revoyant "Ligne et courbe sur toile trouée", l'un de ses tableaux abstraits qu'il ne comprend pas, Michelange s'est alors dit que c'était assez ludique et stimulant de donner un sens à tout cela, et qu'après tout, c'était finalement beau, et qu'enfin, ça changeait quand même du trinôme "maison - arbre - ruisseau" des tableaux qu'il possède à la maison.

 L'oeuvre : "Concetto Spaziale" de Lucio Fontana - 5 fentes dans une toile blanche. Oui. Oui mais. Passer un peu de temps devant le tableau deviendra vite passer beaucoup de temps. Vous verrez.

"Un enfant de 2 ans peut le faire !"

Michelange encourage le talent créatif de son fils. Parfois, se dit-il, il rajouterait bien une étiquette de prix sous le dernier effort de sa progéniture, pour aller démarcher les galeries parisiennes. Le truc qui cloche, c'est que les traits ne sont jamais aussi assurés que sur les peintures qu'il voit dans ces mêmes galeries, les aplats de couleurs jamais aussi homogènes, l'équilibre des formes et des proportions jamais aussi bon, l'impression laissée jamais aussi forte. Et si, se dit Michelange, il fallait être un artiste accompli, formé aux techniques du dessin et de la peinture, pour faire de l'art contemporain ?

 L'oeuvre : "School of Athens" (1961) de Cy Twombly - Un tableau typique de ce peintre, où il est facile de ne voir que des graffitis désordonnés avant d'être frappé, avec un bref examen, par l'équilibre et le dynamisme de l'ensemble.

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"Umbrellas", de Christo et Jeanne-Claude, version californienne (les bleus étaient au Japon). © John Delorey, image sous licence Creative Commons

"Où est le travail ? Rendez-nous Rembrandt !"

De toute manière, c'est quand même bien mal capitaliser sur ses compétences que de produire un toile, par exemple, bleu parfaite - oui, juste du bleu parfait - alors que la perspective, le travail sur les ombres, la reproduction fidèle de la réalité, demandent tellement de pratique ! Il se trouve que Michelange aime bien peindre et dessiner, à titre amateur. Au début c'est facile, la première forme passe bien, puis on rajoute, on rajoute, c'est dur de s'avoir où s'arrêter. Souvent Michelange se dit, j'aurai peut-être du en rester à la première couche, à l'idée essentielle quoi ! Whoa, se dit-il, et si c'était ça la plus grand difficulté ?

 L'oeuvre : un outrenoir de Pierre Soulages - Une oeuvre noire en apparence, mais qui va au delà ; par d'imperceptibles touches, différentes lumières éclairant le tableau provoquent des perceptions nouvelles. Le résultat, quand on l'observe véritablement, est proprement saisissant.

"C'est un délire, pas de l'art !"

Devant "Ceci n'est pas une tasse de thé mal lavé", une oeuvre représentant une tasse de thé assez mal lavée, Michelange se pose pas mal de questions et s'irrite même. C'est agaçant tout de même de voir une "oeuvre d'art" qui ressemble à un paradoxe temporel type "retour vers le futur". L'autre jour, Michelange recevait des amis, et la discussion a tourné autour de la déco intérieure. Michelange n'y connait rien, et pour tenter d'exister un peu (c'est lui qui invitait quand même !) il a placé l'histoire de la tasse de thé mal lavée. Tout le monde a adoré le concept, et Michelange a du s'improviser guide de musée pour en dire plus sur l'oeuvre. Le lendemain, Michelange s'est réveillé tout excité : l'art conceptuel, c'est quand même drôlement plus stimulant que de parler rideaux !

 L'oeuvre : "Prenez soin de vous" (2007) de Sophie Calle - Où comment une lettre de rupture, lue et interprétée par différentes personnes, forme une oeuvre-programme incroyablement riche, excitante et intelligente.
 

"C'est snob, éliste, prétentieux !"Michelange, globalement, n'a quand même pas souvent l'occasion de parler d'art, et quand il le fait, c'est plutôt pour parler ciné ou pour demander au patron du café quel est ce disque qui passe en ce moment. En fait, l'art, et particulièrement l'art contemporain, c'est quand même un truc d'intello non ?
Dans la rue, près de chez lui, Michelange tombe sur une cabine de toilette provisoire, mais décorée, et "interactive". Il y a déjà un attroupement. Tout le monde donne son avis. Certains détestent, d'autres adorent. Le boulanger du coin est là, l'avocat ficaliste du cabinet d'en face aussi. Michelange se rend compte qu'ils se parlent pour la première fois.

 L'oeuvre : "Umbrellas" (1991) de Christo et Jeanne-Claude - Cette installation éphémère et simultanée de parapluies géants bleus (au Japon) et jaunes (aux Etats-Unis) était si belle que certains habitants locaux en pleuraient de joie (voir le documentaire consacré aux artistes par les frères Maysles). Un exemple d'art ambitieux, étonnant, qui touche profondément de pourtant non spécialistes.

NB : Les oeuvres citées dans cet article ne sont pas présentées à la FIAC 2011, il s'agit d'oeuvres emblématiques de l'art du XXe siècle