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La nuit s'assombrissait, des chants de victoire soudain emplirent les rues… Les premiers coups de klaxons retentirent, ponctuant l'obscurité d'une assourdissante déraison. Cris de joie, drapeaux brandis, beuglements : passée la phase de stupeur, la joie s'embrasait soudain au contact du silence.

Et je n'en avais rien à foutre.

Je tirai machinalement sur la cigarette en défiant le décor des yeux. Recroquevillé sur moi-même, je sentais les bandages saturés de sang séché me lacérer les côtes. L'horrible parfum de cuivre qui me remplissait la bouche était devenu assez fort pour devenir substance, liquide chaud et glaçant, jaillissant de moi par coulées poisseuses. Avançant courbé au hasard des trottoirs, je devinais du bout de la langue une dent manquante, une autre cassée ; mon bras ballottait misérablement au bout de mon épaule meurtrie. La douleur régnait en moi comme un agresseur ayant pris possession d'un territoire longtemps assiégé. Elle me pillait, me violait, s'installait dans mes artères et s'était rendue maîtresse de ma cervelle. Ma cervelle, parlons-en ! La nouvelle dictature, profitant de l'état de choc, brouillait les ondes pour diffuser en boucle un message unique, unilatéral, annonçant fièrement les heures sombres qui s'ouvraient pour le pays, pour moi, pour le reste de ma vie. Les mots allaient et venaient, défilaient dans ma tête sans jamais cesser. Je ne cherchais pas à penser à autre chose.


Cela disait : " Elle est morte. " Cela disait : " Tu l'as tuée. "...


Olivier, 33 ans, La Varenne (94)


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