Pourquoi faire du vélo en ville est une fausse bonne idée ?

Pourquoi faire du vélo en ville est une fausse bonne idée ? De plus en plus prisé pour effectuer de petits déplacements, la bicyclette est devenu le moyen de transport privilégié des citadins qui se veulent sportifs et écolos. Toutefois, faire du vélo en ville n'est pas forcément une bonne idée.

Quel est le véhicule le plus altruiste, le plus sain, le plus civique, le plus vert ? La bicyclette. Vraiment ?

Nouveau phénomène de mode, le vélo est devenu le "must have" des dernières générations citadines qui permet de faire 500 mètres sans avoir à frauder dans les transports en commun tout en préservant sa santé déjà fragilisée par les effluves de pots d'échappement et autres gaz toxiques échappés de la zone industrielle.

Une lettre à poster ? Une baguette à acheter ? Un rendez-vous à ne pas manquer ? Il suffit d'enfourcher sa bicyclette. Seulement voilà, pédaler en ville n'est pas toujours une partie de plaisir, tant du point de vue des cyclistes que des autres usagers de la route et des trottoirs.

 

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Les cyclistes ont souvent tendance à oublier certaines lois © Richard Masoner - Flickr

Le cycliste, un spécimen qui agace

En premier lieu, il faut savoir que le cycliste, exemple au hasard le cycliste parisien, est un spécimen un peu particulier. Le boulevard Saint Michel est son fief, la place de la Bastille lui appartient, les Champs Elysées lui sont ouverts à contre-sens.

Et il aime à le faire savoir. Vous marchez un peu trop au milieu du trottoir ? "Gling ! Gling !", on se charge de vous rappeler à l'ordre. Votre véhicule déborde légèrement sur la piste cyclable parce que vous croisez un autobus au même instant dans une ruelle de 3 mètres d'envergure ? Vous recevrez un coup de poing sur le capot de votre voiture. Vous manquez de renverser un cycliste qui revient du marché chargé de légumes du potager parce qu'il a grillé un stop ? C'est pour votre pomme et vous devez encaisser les mots d'oiseau qui vous sont adressés.

Et il n'y a rien à faire, car quoi que vous puissiez dire, vous polluez la terre de vos enfants alors qu'ils font le sacrifice de leurs mollets pour tenter de sauver les générations futures.

Persécution et inquisition, le sort peu enviable des cyclistes

Toutefois, il est nécessaire de se mettre à la place du cycliste pour comprendre qu'il est un martyre citadin incompris. Agressé de tous côtés par des piétons ingrats et des automobilistes fous du volant, il lui est quasiment impossible de téléphoner en conduisant.

Par ailleurs, il lui faut porter un casque qui lui donne cet aspect si propice à la moquerie et défait son brushing qu'il a mis tant de temps à perfectionner. Et si par malheur il ose se balader sans le couvre-chef règlementaire, on le pointe du doigt et c'est son portefeuille qui prend tout.

Sans parler de l'obligation qu'il a de pédaler sur les pistes cyclables presque inexistantes ou perpétuellement occupées par des promeneurs insatisfaits de leurs trottoirs et des voitures sans gêne dont les warnings ne sont pas toujours allumés. A Paris, il doit même se déplacer dans les couloirs de bus ! Et si d'aventure une bicyclette ose l'affront ultime en roulant en-dehors des zones qui lui sont réservées ou trop loin des bordures de la chaussée, c'est l'amende assurée.

bike lanes from Casey Neistat on Vimeo.

Persécuté jusque dans les stations services, le cycliste ne peut même pas regonfler ses pneus tranquillement sans craindre qu'un camionneur vienne l'enquiquiner. Après tout, une station essence ne doit être mise à disposition que pour les véhicules motorisés.

Enfin, le cycliste est sans cesse confronté à la malhonnêteté des jaloux qui ne se gênent pas pour lui emprunter définitivement son moyen de locomotion ou lui subtiliser quelques pièces sans importance comme les roues, la selle ou encore le guidon. Il lui faut donc faire travailler ses méninges et inventer des moyens ingénus qui lui permettront de conserver sa monture en parfait état. Dans le cas contraire, il lui faut le plus souvent ressortir son chéquier chez Décathlon.

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L'antivol magique qui vous permet de stationner votre vélo hors de portée des gens mal intentionnés (capture d'écran) © Conrad

Le chevalier cycliste offre sa vie pour un avenir plus vert

Vous l'aurez compris, rouler écolo, ça coûte cher en matériel et en contraventions. D'autant plus qu'il faut y ajouter les dépenses hospitalières qui suivent les mauvaises chutes. Sont mis en cause les enfants qui déboulent toujours de n'importe où sans faire attention, les voitures négligentes qui oublient de ralentir au feu vert parce que le vélo se donne le droit de griller le feu rouge, les autobus qui roulent trop souvent dans les couloirs qui leur sont réservés, le casque en plastique que l'on a définitivement refusé d'arborer.

Egratignures, traumatismes, jambes cassées, au final, la béquille de la bicyclette ne sert plus qu'au cycliste malmené qui met sans arrêt sa vie en danger au profit de l'humanité. Humanité qui devra se fonder sans sa contribution puisque le vélo est mauvais pour la libido.

Il faut dire aussi que la ville ne fait pas grand-chose pour aider la vélocipédie. Depuis peu, les cyclistes peuvent en effet rouler à contre-sens dans la ville de Paris afin d'éviter tours et détours dans les ruelles de la capitale, ce qui risque fort de créer davantage de collisions avec des véhicules habitués au sens unique.

La fausse bonne idée du Vélib'

Il y a quand même le Vélib', objecterez-vous. On l'appelle également Bicloo à Nantes ou Cy'clic à Rouen. Ces vélos en libre service mis à disposition des cyclistes par les mairies peuvent sembler très pratiques de prime abord. On les loue pour un prix dérisoire et il suffit de trouver un point de bornes pour l'emprunter ou le déposer. Plus besoin de réfléchir à comment préserver sa bicyclette des gredins mal intentionnés.

Mais voilà, utiliser un Vélib' vous engage moralement et prend votre compte bancaire en otage. Car si le vélo disparaît, votre caution à trois chiffres prendra également ses jambes à son cou. Et autant dire que les raisons de tout ça sont parfois obscures.

 Histoire vécue : 150 euros engloutis pour motif de "mal-raccrochage". Il faut préciser que le vélo est réapparu en circulation moins d'une semaine après l'incident. "C'est du vol !" crierez-vous. Oui, c'est comme ça qu'on pourrait qualifier les astuces frauduleuses des mairies qui cherchent à financer des projets qui n'en valent pas toujours la peine.

Après deux recommandés envoyés à la mairie et à l'UFC, 75 euros seulement seront remboursés. Et le Vélib', en parfait état, est toujours en circulation.

Autre problème avec les vélos en libre service : le garage. On pourrait en effet penser qu'au vu du nombre de bornes dans certaines villes, il ne doit pas être bien compliqué d'accrocher son vélo dans le quartier de la destination.

Détrompez-vous, le cycliste se trouve régulièrement confronté à des emplacements complets – en bas des côtes – et doit faire quelques kilomètres supplémentaires pour trouver des bornes disponibles – en haut des côtes. A ce stade, il aurait peut être mieux valu se déplacer à pied.

Le vélo, oui. Mais tant que les villes ne seront pas plus accueillantes pour les cyclistes, il vaudrait mieux se contenter de sortir sa bicyclette pour une balade en forêt.