Pratique |
Nom : Le Douanier Rousseau
Jungles à Paris |
Lieu : au Grand Palais, Paris |
Dates : jusqu'au 19 juin |
Tarifs : 10 euros / tarif
réduit : 8 euros |
Sur le Web : www.rmn.fr |
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Les jungles
envahissent Paris
Issus de collections prestigieuses, publiques et privées,
européennes, américaines, japonaises et russes, les 50 tableaux
réunis pour l'exposition "Le Douanier Rousseau Jungles
à Paris" témoignent d'un univers pictural exubérant,
coloré, aux scènes exotiques simplifiées et fantastiques.
Dans la douzaine de "jungles" présentées,
la violence et la candeur se partagent une végétation luxuriante
aux proportions irréelles, embellies de fleurs énormes,
de soleils rouges, et d'animaux tantôt sympathiques et perplexes,
tantôt sauvages et inoffensifs. Une jungle déconcertante,
sortie tout droit d'un songe fascinant.
Un douanier imaginaire
Car Henri Rousseau garde une part de mystère. Modeste employé
de l'Octroi, autodidacte devenu peintre sur le tard, il produit
une uvre décalée. On parle de rêve éveillé, d'imagination
créatrice, et même, selon la formule d'André
Breton, de "réalisme magique". Mais tous ces qualificatifs
se perdent dans cette singulière vérité
: le Douanier Rousseau n'a jamais quitté Paris.
Il
a puisé l'essentiel de ses figures dans les imageries populaires,
des cartes postales, des journaux illustrés, un album "Bêtes
sauvages" de l'époque, et les seuls fauves et végétations
tropicales qu'il ait jamais vus dans sa vie sont ceux du Jardin
des Plantes, du Muséum d'Histoire Naturelle et du Jardin d'Acclimatation
Citadin en mal d'ailleurs ? Amateur naïf à l'imagination
débordante ? Copieur roublard de décalcomanies
? Génie aux illuminations exotiques ?
Ce qui est certain, c'est que Le Douanier connaissait son
talent : il "avait conscience de sa force", écrit Apollinaire.
Si les images qui nous viennent immédiatement à
l'esprit à l'évocation de son nom sont ses jungles,
plus de la moitié de ses uvres sont pourtant consacrées à
des vues de Paris et de banlieues. S'infiltre dans ces toiles
aux paysages urbains pourtant familiers, une étrangeté subtile
et insaisissable. Dans ces décors presque démodés apparaît
toute la complexité du peintre. Son étonnante capacité
à détourner les thèmes de ses peintures
fait doucement s'entrechoquer une sensation de réalité
avec une indéfinissable impression d'hallucination.
Dans ce jeu de formes et de couleurs, le rêve est directement
plaqué sur le réel, sans proportions ni perspectives,
rendant l'effet d'aplat plus intriguant encore.
Henri
l'inconnu
Inclassable, Le Douanier, reconnu par les plus grands de son
temps, comme Jerry, Picasso, Delaunay et Kandinsky, tandis
que le grand public, le milieu de l'art et les critiques se
gaussent de lui à l'unanimité. "Peu d'artistes ont été plus
moqués durant leur vie que Le Douanier, et peu d'hommes ont
opposés un front plus calme aux railleries, aux grossièretés
dont on l'abreuvait" rajoute encore Apollinaire. Hormis quelques
documents relatifs à sa carrière et aux affaires
judiciaires auxquelles il a été mêlé,
Le Douanier n'a laissé que très peu de traces.
Aujourd'hui consacré, sa peinture dément une
classification trop hâtive. Son tableau "La Guerre",
par exemple, renverse son image de peintre naïf, et montre
qu'il est capable aussi de paysages dévastés
et angoissants. Inlassablement, il fuit une place trop rangée,
trop cadrée, et laisse ses natures fantastiques parler
à sa place et les yeux globuleux de ses fauves nous
renvoyer à nos propres interrogations.
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