Les révolutions tactiques du football Le catenaccio en Italie (années 1940-60)

Le catenaccio est sûrement, avec le football total, une des stratégies les plus célèbres de l'histoire du foot. Et pourtant, elle draîne toujours autant de contresens de la part des commentateurs, qui confondent rigueur défensive et absence de créativité.

L'arme du faible ?

Ce système de "cadenas", proche du verrou de Rappan, oblige un des attaquants à redescendre d'un cran afin de harceler le n°9 adverse. Cela permet à un des défenseurs, non contraint au marquage individuel, de se positionner en réserve juste derrière les trois défenseurs. C'est la naissance du "libéro", cette vigie chargée de bloquer les adversaires en deuxième rideau et de lancer des contre-attaques fulgurantes.

Quand Gipo Viani met en place le catenaccio avec Salertina, il doit composer avec une équipe faible et mise sur la défense.

La confusion qui entoure encore le catenaccio tient à son origine. Quand Gipo Viani le met en place avec Salertina, dans l'immédiat après-guerre, il doit composer avec une équipe faible. L'entraîneur italien espère résister aux grandes écuries de Milan et de Turin en déployant un jeu ultra-défensif.

Par la suite, le "vianema" (du nom de Viani) devient le catenaccio sous l'impulsion de Nereo Rocco, manager de Trieste, Padoue et surtout du Milan AC. C'est lui qui prouve aux Italiens que ce système nouveau est adaptable aux grands clubs de la botte.

L'Inter copie le rival milaniste

Les réticences initiales, fondées sur un élitisme certain ("le catenaccio fonctionne pour les faibles"), tombent à mesure que le Milan de Rocco engrangent les succès. Avec Cesare Maldini reconverti en libéro et une attaque prolifique, les Rossoneri séduisent l'Italie. L'Inter Milan, qui jusqu'alors critiquait le catenaccio, n'a d'autre choix que de l'adopter.

Ironie de l'histoire, la paternité du catenaccio est régulièrement attribuée à la Grande Inter des années 60, une équipe mythique qui a gagné trois championnats, deux Coupes d'Europe et une Coupe Intercontinentale en l'espace de huit ans. Or, son entraîneur, Helenio Herrera, n'a fait que perfectionner ce système (en faisant monter les défenseurs latéraux pour faire surnombre), il ne l'a pas créé.

Face au succès du Milan AC de Rocco, l'Inter n'a d'autre choix que d'adopter le catenaccio.

Le talent de "Don Helenio", en revanche, fut de briser le préjugé selon lequel une rigueur défensive est incompatible avec une improvisation individuelle. Il le démontra grâce à Luis Suarez, Ballon d'Or 1960, chargé d'exploiter le moindre ballon juste au-dessus de sa barrière défensive.