Les révolutions tactiques du football Le Toque de la Colombie (années 1990)

A l'instar du football total de Rinus Michels, le "toque" colombien a imprimé durablement sa marque alors même qu'il ne constitue pas une stratégie tactique à part entière. Il s'agit plutôt d'un style de jeu novateur fondé sur un enchaînement de passes courtes, un "toucher" de balle (du verbe tocar) élégant qui privilégie la finesse à la vitesse.

La lenteur magnifiée

Le père du toque s'appelle Francisco Maturana, ancien sélectionneur de la Colombie. Surnommé "Pacho", il parvient durant son premier mandat à la tête des Cafeteros (1987-1994) à sublimer la qualité première de son équipe, le jeu technique, tout en masquant son gros point faible, la lenteur.

Les Colombiens vont s'évertuer à multiplier les passes dans les petits intervalles. Leur but : conserver la balle, la faire tourner jusqu'à trouver la faille dans la défense adverse. Ce jeu opportuniste, difficile à lire et à anticiper, se pratique en première intention ; la créativité des joueurs doit donc fonctionner à plein régime.

Valderrama mène le bal

carlos valderrama était le leader technique du toque colombien lors du mondial
Carlos Valderrama était le leader technique du toque colombien lors du Mondial 1994. © fG!-Flickr-CC

Heureusement pour Francisco Maturana, la Colombie peut compter sur un chef d'orchestre inspiré en la personne de Carlos Valderrama. Le n°10 à la tignasse blonde inimitable sert de métronome à une Seleccion qui, qualifiée pour le Mondial 1990 (une première depuis 28 ans), atteint les 8e de finale pour la première fois de son histoire.

Trois ans plus tard, le toque colombien fait des merveilles grâce à une possession de balle extraordinaire. L'Argentine en fait les frais, encaissant un sévère 5-0 chez elle à Buenos Aires lors des qualifications. Malheureusement, l'aventure tournera court au Mondial suivant puisque la Colombie ne passera pas le 1er tour.

Le Tiki-taka de l'Espagne actuelle

Si le toque colombien s'éteint progressivement, il renaît en Europe sous des formes quasi similaires. Le FC Nantes de Jean-Claude Suaudeau (1991-97) puis de son successeur Raynald Denoueix (1997-2001), parti ensuite à la Real Sociedad, s'inscrit dans cette lignée. C'est d'ailleurs en Espagne que l'héritage du toque est le plus frappant. Le FC Barcelone de Pep Guardiola s'en est inspiré pour développer le "tiki-taka" (passes courtes, possession de balle énorme mais jeu plus rapide que le toque) qui a permis à l'Espagne de remporter l'Euro 2008 et le Mondial 2010.