Interview
 
Septembre 2007

"Il faut activer les bonnes émotions pour gagner"

Hervé Le Deuff est l'auteur de "Entraînement mental du sportif". Dans cet ouvrage, il propose un ensemble d'approches et de conseils pour évaluer et améliorer ses qualités mentales, prélude à la performance sportive. Il a répondu à nos questions.
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Hervé le Deuff est professeur de sport. Il travaille à la Direction départementale Jeunesse et Sport des Côtes d'Armor. Préparateur physique et mental, il a collaboré avec l'équipe de basket de Saint-Brieuc (Pro B à l'époque), avec l'ex-footballeur Yannick Stopyra, avec des joueurs de tennis, de golf et d'escrime... Il est également l'auteur de l'ouvrage "Entraînement mental du sportif", qui propose plusieurs exercices afin d'éliminer les freins psychologiques à la performance.

 

 
En savoir plus
 
 
  • "L'entraînement mental du sportif"
  • De Hervé Le Deuff
  • Editions Amphora
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En quoi consiste le "coaching mental" ?

Cela consiste à montrer la voie, à accompagner un sportif, l'amener à bien se connaître. Il faut qu'il prenne conscience de ce dont il n'a pas conscience, qu'il comprenne pourquoi ses performances ne sont pas aussi bonnes qu'elles pourraient l'être. En bref, voir d'où peut venir le problème. Cela peut être douloureux. J'ai connu un tennisman qui s'est rendu compte que le blocage venait de son père. Il en a pleuré. Mais ensuite, il a pu travailler et améliorer ses performances. Le coaching mental, c'est un travail sur l'être humain avant d'être un travail sur le sportif.


Quelles techniques utilisez-vous pour "entraîner mentalement" quelqu'un ?

Il n'y a pas de recette toute faite. Ni de technique unique. Le coaching mental, c'est d'abord une démarche, une relation à établir avec le sportif ou avec un groupe. Dans tel ou tel contexte, les techniques utilisées seront différentes. L'essentiel, c'est de travailler sur les émotions. Identifier d'où vient le blocage et apprendre à gérer ses émotions. C'est de là que vient la performance ou la contre-performance. Là encore, c'est quelque chose de très personnel. Certaines personnes vont devoir travailler sur la relaxation avant une compétition, pour évacuer le stress. D'autres au contraire vont avoir besoin d'être boostés. On va faire appel à leurs émotions et les décupler. Cela dépend également de la discipline, la préparation mentale ne sera pas la même au golf qu'au rugby car les caractéristiques de ces sports sont différentes.

"Il faut que le sportif comprenne pourquoi ses performances ne sont pas aussi bonnes qu'elles pourraient l'être"

Le mental fait-il l'objet d'un entraînement spécifique, détaché de l'entraînement physique ?

Non, pas du tout. Il faut arrêter avec cette scission corps/mental. C'est quelque chose qui m'agace. Par exemple, l'échauffement mental et physique se font ensemble, au sein d'une même séance.


Y a-t-il des sports où le mental joue un rôle plus important que dans d'autres disciplines ?

Non. Le mental est important partout. Cependant, la préparation n'est pas la même selon les caractéristiques du sport, selon les exigences et surtout selon la personne.


Est-ce que le coaching mental est récent en France ?

Oui. La France a parfois eu du mal avec ça parce que cela ne fait pas partie de notre culture. Les Anglo-Saxons, eux, sont beaucoup plus réceptifs à cet aspect du travail. Et puis il faut dire qu'au début, certaines personnes se sont engouffrées chez nous dans cette nouvelle brèche et ont fait n'importe quoi. Mais aujourd'hui, c'est en train de prendre. Au niveau du sport professionnel, c'est très répandu. Mais en France nous restons pour le moment focalisés sur le coaching mental de l'athlète.

"Alors que la Coupe du monde de rugby n'a pas commencé, les caméras sont déjà partout. Cette surmédiatisation peut gêner les joueurs"

Or, nous devrions aussi développer l'idée que l'entraîneur consulte un coach mental, un psychologue. C'est comme ça que fonctionnent Justine Henin et son entraîneur Carlos Rodriguez. Il va voir un psy et envisage avec lui de nouvelles pistes de travail. Si on forme les entraîneurs sur le domaine mental, leurs athlères seront encore plus performants.


Si on prend un exemple récent, la préparation psychologique des rugbymen français avant le match d'ouverture de la Coupe du monde a été critiquée. Que pensez-vous de cette quasi-absence de coaching mental ?

Franchement, je ne sais pas comment ils ont été préparés. Je ne peux donc pas vraiment porter de jugement. La seule critique que je pourrais faire vient de l'omni-présence des caméras. Je dois avouer que cela me gêne. Alors que la Coupe du monde n'a pas commencé, les caméras sont déjà partout. Les Bleus font de la musculation à Marcoussis et Jean-Pierre Pernaut est là, en direct. On n'avait pas vu ça lors du Mondial de foot en 1998. Le documentaire "Les Yeux dans les Bleus" avait été diffusé après l'événement, pas pendant. Cela rajoute une pression supplémentaire sur les joueurs d'avoir tout le temps les médias sur eux. Physiquement, ils sont super bien préparés et ils arrivent complètement tétanisés face aux Argentins, ils font de nombreuses fautes de mains... Cette surmédiatisation peut entraver le bon déroulement d'un tel événement sportif qu'est la Coupe du monde de rugby. On ne les laisse pas assez bosser.


Autre exemple récent : Asafa Powell, l'homme le plus rapide du monde sur 100 m, ne remporte pas les Championnats du monde. Pour vous, c'est lié à un problème psychologique ?

"Powell ne supporte pas les grands événements. Il va maintenant apprendre à activer les bonnes émotions pour gagner"

C'est sûr. Il l'a dit lui-même : "la seule chose dont j'ai besoin maintenant, c'est de travailler mentalement". Son préparateur mental va le "scanner" pour qu'il comprenne pourquoi il ne supporte pas les grands événements. Powell va apprendre à activer les bonnes émotions pour gagner. Dans les grands rendez-vous, il faut être "au taquet" comme on dit. La préparation mentale est très importante.


Yannick Noah a décidé d'épauler Richard Gasquet. Avec Amélie Mauresmo, cela avait donné peu de résultats. Pensez-vous que l'ex-tennisman puisse aider efficacement le jeune Biterrois ?

Noah a gagné Roland Garros mais ce n'est pas pour cela que l'on fait appel à lui. Il bonifie tout ce qu'il touche. La France n'avait plus gagné la Coupe Davis depuis des décennies. Noah prend l'équipe en main : elle gagne en 1991 et 1996, fait plusieurs finales... Le PSG fait appel à lui avant une finale de Coupe d'Europe : les Parisiens gagnent la Coupe UEFA... C'est un homme de "coups" Noah. C'est quelqu'un qui peut être très utile pour déclencher quelque chose. Il a une vraie personnalité, du charisme, l'expérience, la réussite... Il a quelque chose qui fait qu'il réussit. Et surtout, il sait établir une relation avec un athlète, il sait faire passer des émotions, trouver les mots. C'est un "bon". Avec Mauresmo, cela n'a pas vraiment donné de résultat puisqu'elle ne sait toujours pas gérer ses émotions à Roland Garros. Mais je crois que l'aide de Noah ne peut que faire du bien à Gasquet.



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