La Mouratoglou Tennis Academy

En savoir plus : le livre "Eduquer pour gagner"

Sujet illustré

Né le 8 juin 1970, Patrick Mouratoglou a été l'un des meilleurs joueurs de tennis français entre 11 et 16 ans. Mais il ne passera jamais professionnel. Après des études de commerce, il renoue avec le tennis, devient coach et crée sa propre académie en 1996. Aujourd'hui, il dirige l'une des écoles les plus réputées au monde et entraîne personnellement tous ses joueurs en collaboration avec ses adjoints. Il a également créé une société de management sportif qui gère les intérêts de nombreux joueurs, un club sportif et un site internet grand public spécialisé dans le tennis.

 

 
Patrick Mouratoglou avec sa fille Juliette, élève à l'Académie Photo © Mouratoglou Tennis Academy
 

Pourquoi avoir créé cette école ?

J'ai été moi-même joueur de tennis, dans les meilleurs Français entre 11 et 16 ans. Et j'ai vécu une frustration en tant que joueur car je n'ai pas pu aller au bout de ma passion. Du coup, j'avais envie de vivre le tennis autrement. Je suis devenu coach et j'ai eu l'idée de monter une académie. Il me semblait que toutes les académies dans le monde fonctionnaient sur le même modèle. Un modèle qui avait fait ses preuves mais j'avais d'autres idées de l'entraînement.


En quoi consistaient ces idées ?

Le tennis est un milieu qui fonctionne selon un mode de pensée : quand quelqu'un fait quelque chose, tout le monde le copie. Et il y a environ 30 ans, l'Américain Nick Bolletieri a monté une académie en Floride, avec un modèle qui a fait beaucoup de résultats et tout le monde l'a copié. Son modèle était basé sur du volume. Il avait un nombre de joueurs très important. Il les soumettait à un entraînement unique, extrêmement difficile, et il en sortait quelques-uns. Même les fédérations ont copié son modèle. C'était la référence. Je pense que ce n'était pas tellement le modèle qui était de qualité, mais c'était surtout lui : sa personnalité, sa façon de travailler avec les joueurs.
Mon idée était à l'inverse de celle-là. J'étais persuadé qu'en prenant peu de joueurs, en les choisissant bien et en s'en occupant bien, on pouvait avoir des résultats exceptionnels. Et quand je suis arrivé dans ce milieu il y a 10 ans, tout le monde m'a dit : "C'est impossible, ton modèle ne fonctionnera pas, on ne peut pas faire du sur-mesure dans le tennis". J'étais convaincu du contraire.

 

Le fait que Marcos Baghdatis arrive en finale de l'Open d'Australie vous a-t-il soulagé ? Cela validait votre méthode ?

Oui, ça m'a rassuré. Non pas parce que j'avais des doutes. Honnêtement, j'étais sûr que ça allait fonctionner. Mais c'est effectivement un métier difficile. Il faut être patient, ça prend des années de former un joueur. Marcos est arrivé à l'Académie à 13 ans, il a fait une finale de Grand Chelem à 21 ans ! Donc

"J'étais persuadé qu'en prenant peu de joueurs, en les choisissant bien et en s'en occupant bien, on pouvait avoir des résultats exceptionnels."

c'est long. Il y a des périodes difficiles, comme pour tout le monde. Quand je suis arrivé dans le tennis, personne ne croyait à ce que je faisais. Après le parcours de Marcos à Melbourne, c'était agrébale de montrer aux gens que ça marchait. J'ai montré qu'une autre voie était intéressante. Et beaucoup d'endroits copient ce système-là maintenant. Comme quoi il n'était pas si mauvais que ça !

 

Combien de joueurs formez-vous actuellement à l'Académie ?

Il y a 15 élèves. Mais en fait, j'ai 20 places. Je n'en veux pas plus parce que je veux pouvoir m'occuper correctement de tout le monde. Les 20 places concernent toutes les catégories d'âge, filles et garçons confondus.

 

Vous avez beaucoup de demandes. Comment recrutez-vous ces élèves ?

Plus de 1 000 joueurs par an demandent à venir ici. Certains viennent faire des semaines d'essai au cours desquels je peux les détecter et les intégrer à l'Académie... ou pas. Qu'est ce que je regarde ? Tout un tas de choses. Je regarde surtout l'état d'esprit, qui est essentiel parce que c'est ça qui fait la différence à très haut niveau. Il y a beaucoup de joueurs qui jouent très bien au tennis mais des champions, il y en a peu ! C'est vraiment une question de personne, de personnalité. Le tennis est un mode d'expression, comme la musique. On a besoin du physique, de la technique pour s'exprimer mais on amène surtout sa personnalité sur le court, et c'est ça qui fait la différence. J'essaie de sentir qui sont ces gens, de déceler leur détermination. Je regarde comment ils se comportent en situation de crise, ce qu'ils ont comme ressources.

 

Combien coûte une année de formation aux élèves ?

"On a besoin du physique, de la technique pour réussir. Mais on amène surtout sa personnalité sur le court, et c'est ça qui fait la différence"

Rien. Financièrement, j'investis un certain nombre d'années sur un joueur, je paye les déplacements, les frais de matériels, le coaching, les préparateurs physiques… Quand les joueurs réussissent, ils doivent rembourser le coût de leur formation. Et puis je négocie leurs contrats. J'ai un pourcentage sur ce qu'ils gagnent dans les tournois et avec leurs contrats pub. Le système s'entretient de lui-même : ceux qui réussissent me permettent de financer la formation d'un autre enfant.

 

C'est un véritable village ici. On trouve tout au sein même de l'Académie...

Oui, les parents peuvent habiter ici, sur place, dans des gîtes. Mais ce n'est pas une obligation, certains vivent d'ailleurs à l'extérieur. La structure permet effectivement de tout faire sur place : terrains de tennis, logement, restaurant, salle de musculation, séances de kinés...

 

Vous ne formez pas uniquement les élèves mais aussi les coachs. Comment fonctionnez-vous ?

Les coachs avec qui je travaille sont des coachs que je prends jeunes sous mon aile, pour qu'ils soient encore ouverts. Parce que le problème, c'est qu'après un certain nombre d'années, ils commencent à avoir des idées fermées, pré-conçues. Et comme ma manière de travailler est très différente des autres, je suis obligé de les prendre jeunes pour les former. C'est vraiment une façon de penser. Une fois qu'ils ont cette façon de penser là, ils font les bons choix, souvent naturellement sans qu'on ait besoin de les aiguiller.

 

En quoi consiste justement cette "façon de pensée" que les coachs doivent avoir ?

Patrick Mouratoglou
 
Photo © L'Internaute Magazine
 

Lorsque l'on va sur les terrains de tennis, on entend souvent des choses négatives, critiques : " Fais pas ci. Pourquoi tu fais ça ?" Moi je pense que c'est beaucoup plus intéressant d'encourager les gens, de voir et valoriser ce qu'ils font de bien, de voir quelles sont leurs qualités et de leur aider à les exploiter au mieux. C'est comme ça que l'on fait des gens qui aiment des disciplines et des gens qui sont performants. A l'inverse, quand on critique tout, qu'on montre au joueur tout ce qu'il ne fait pas bien, on le dégoûte plus qu'on ne l'encourage à persévérer.


Dans votre ouvrage "Eduquer pour gagner", vous insistez sur le fait que tous les enfants peuvent potentiellement devenir des champions. Quelle est votre méthode personnelle pour y parvenir ?

On a une idée de l'éducation en France que je ne veux pas remettre en question parce que ça fait partie de la culture française, mais qui n'est pas forcément adaptée pour le très haut niveau. Selon cette vision, la première idée, c'est qu'il faut laisser les enfants libres de faire beaucoup de choses. Or, c'est difficile d'être bon dans un domaine quand on fait un petit peu de tout. Dans certains pays, on choisit très tôt une discipline et on s'y donne à 100 % pour réussir. 2e chose : on entend beaucoup de gens dire "J'ai souffert quand j'étais jeune, j'ai réussi ma vie mais ça a été dur et je ne veux pas que mes enfants vivent ça". Je pense qu'il y a quelque chose de faux là-dedans : ces gens là ont réussi justement parce que ça a été difficile et qu'ils ont dû se battre pour faire leur place. Je pense que c'est important de mettre les enfants

"Le tennis, c'est très ludique. Donc il n'y a pas d'âge pour devenir un champion. C'est à nous d'éveiller la curiosité des enfants, de leur faire des jeux qui les amusent et de leur faire aimer cette discipline"

en prise, non pas avec les réalités de la vie, parce qu'ils ne sont pas prêts, mais en tout cas avec des choses de la réalité de la vie. Il faut leur apprendre des valeurs qui sont importantes, comme par exemple : "Il faut travailler pour réussir". Ça paraît simple mais ce n'est pas toujours appris. Il est important de donner des objectifs à ses enfants et de les aider à atteindre ces objectifs, de les encourager, de tout faire pour qu'ils prennent confiance dans leurs moyens. C'est un vrai travail au quotidien, avec un objectif précis. Et c'est ça que j'explique dans mon livre, je donne des clés pour bien faire. Je suis convaincu que les enfants peuvent tous devenir des gagnants dans la vie, mais il faut les éduquer pour ça.

 

En 2006, vous avez accueilli dans votre académie le jeune Américain Jan Silva, 4 ans. Cela a d'ailleurs créé une mini-polémique. Vous entrainez également votre fille Juliette, qui a 6 ans. Est-ce qu'il y a un âge pour commencer à former un champion ?

C'est des idées reçues tout ça. Je ne sais pas ce que les gens imaginent, que c'est le goulag ou je ne sais quoi ! Mais les enfants s'amusent sur un court. Le tennis, c'est très ludique. Donc il n'y a pas d'âge, c'est à nous d'éveiller leur curiosité, de leur faire des jeux qui les amusent et de leur faire aimer cette discipline. Jan Silva et ma fille vont à l'école tous les jours, ils ont une vie normale. Mais en plus des autres enfants, ils jouent au tennis 1 à 2 heures par jour.
En tant que parent, ce qui compte, c'est de partager des choses avec son enfant. Quand on aime le tennis, on a envie de partager le tennis avec ses enfants. Si j'aimais la peinture, j'aimerais leur faire partager la peinture. Ce qui est important, ce n'est pas le domaine en soi, c'est la manière dont c'est enseigné. On a tous adoré des matières parce que le professeur était passionnant. Là, on partage le tennis, on passe du temps avec eux autour d'une activité dans laquelle ils se construisent au-delà de l'école. Mais je crois qu'ils prennent autant, voire plus, de plaisir à jouer au tennis que d'autres à jouer à la Playstation. Ça n'a absolumlent rien de choquant quand on y réfléchit sous cet angle.

 

Les parents ont une place importante dans votre mode d'enseignement. Comment s'articulent les relations coach/parents/joueur ?

 
Les parents sont pleinement intégrés à la formation tennistique de leurs enfants Photo © Mouratoglou Tennis Academy
 

Je note d'ailleurs que j'ai été le premier à intégrer les parents à l'entraînement. Il y a 10 ans, toutes les structures mettaient les parents à l'écart. Et aujourd'hui, on les intègre partout.
Le joueur est l'objet de toutes les attentions. Il est même parfois l'objet de calculs quand il commence à avoir du succès : chacun veut alors une part du gâteau ainsi que le pouvoir. Les parents peuvent remettre le coach en question, instaurer le doute dans la tête du joueur parce qu'ils veulent évincer l'entraîneur qui prend trop de place, ou des choses comme ça. C'est destructeur pour le joueur. C'est toujours lui qui paye l'addition à la fin.
S'il y a une relation de confiance entre les intervenants, tout le monde agit dans l'intérêt du joueur. Donc c'est vraiment important que chacun soit à sa place, que l'on dise les choses quand il y a un problème. C'est comme ça que je travaille parce que les questions relationnelles sont au cœur de la performance.


En savoir plus Le site de la Mouratoglou Tennis Academy

 


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