Alexis Rosenfeld (Photographe) "Le moment photographique le plus fort n'est pas forcément le meilleur."

Alexis Rosenfeld est photographe spécialisé dans le monde sous-marin. Dans le cadre d'une exposition océanographique de Nausicaa à Boulogne sur Mer, il est photographe de l'ouvrage "Madagascar, l'île océan".

L'Internaute Magazine : Comment avez-vous commencé la photographie ?

Alexis Rosenfeld : Au début des années 1990, il y a déjà 20 ans, j'ai commencé la photographie dans un cadre purement industriel : je travaillais en tant que scaphandrier pour la Comex, une société spécialisée dans l'ingénierie sous-marine, au département d'intervention en milieu hostile.

alexisss
Alexis Rosenfeld © Alexis Rosenfeld

Pourquoi avoir choisi la photographie sous-marine ?

C'est l'entreprise Comex qui m'a mis dedans et au final, ça me plaisait bien d'avoir cette spécificité. Quelques années après, j'ai quitté cette compagnie et je suis devenu photo-reporter. Ce qui m'a permis d'explorer le monde. Je me suis laissé porter par les opportunités, et c'est ainsi que je suis rentré très rapidement dans le staff du Figaro Magazine. A l'époque, chaque photographe avait sa spécialité et moi j'étais leur photographe sous-marin. J'ai énormément publié chez eux, et ce pendant de nombreuses années.

Vous avez l'habitude de photographier les fonds marins mais à Madagascar vous immortalisez essentiellement des scènes de travail des pêcheurs, que tirez-vous de cette expérience photographique ?

En fait, j'avais déjà travaillé avec les pêcheurs. Je me rends à Madagascar très régulièrement depuis une quinzaine d'années. J'ai eu la chance de découvrir Madagascar lors de la dernière mission du commandant Cousteau, en tant que photographe. Ce fut un moyen de découverte exceptionnel et probablement le meilleur guide au monde que l'on puisse avoir. C'est grâce à cette mission que j'ai découvert la grande île et côtoyé les pêcheurs pendant longtemps. Par la suite, j'y suis retourné régulièrement pour travailler sur les baleines, les pêcheurs faisaient ainsi partie de mon quotidien là-bas. Pour la production de ce livre, je suis resté dans le cadre que m'avait confié Nausicaa : je me suis rapproché du peuple Vezo pour les images, ce peuple nomade du sud-ouest malgache.


Quel a été votre rapport au peuple Vezo ?

Ça mériterait une thèse ! S'il faut résumer, on est toujours merveilleusement bien accueillis. Ce sont des personnes qui vivent au quotidien ce besoin réel de se nourrir et d'assumer leur famille avec une pêche qui est de moins en moins évidente. C'est aussi un peuple très attaché à ses traditions et ses coutumes : notre esprit d'européen en est très éloigné. Nous ne sommes pas chez nous et il faut en avoir conscience et le respecter ! Mais j'ai habité pendant plus de 3 ans dans le sud-ouest de Madagascar, c'est un endroit que je connais assez bien et que j'apprécie.

cameleon
Caméléon Furcifer Oustaleti ©  Alexis Rosenfeld

Votre cliché sur le caméléon est impressionnant. Quelles sont vos méthodes pour approcher et photographier la faune de si près ?

Il n'y a rien de plus facile que d'immortaliser un caméléon ! C'est comme photographier une statue. Après, dans les photographies en extérieur, ce qui reste le plus compliqué c'est de choisir le sujet, de saisir le bon moment, capter la scène, la lumière. Il faut être là au bon moment... Sous l'eau, c'est plus complexe parce qu'il faut avoir une très bonne maîtrise de la plongée pour se consacrer entièrement à la photographie. Je possède un caisson Sea & Sea qui rend étanche mes appareils terrestres. Je me retrouve donc avec les mêmes commandes qu'un autre photographe. Reste la lumière, c'est beaucoup plus complexe. Sous l'eau toutes les images doivent être éclairées.

Quel est votre meilleur souvenir photographique durant votre reportage-photo à Madagascar ?

Je dirais que le moment le plus fort n'est pas forcément le meilleur ! A ma plus grande surprise, c'est celui qui correspond au cliché de la chasse à la baleine (voir l'image). La dynamique de groupe, le côté sanguin de cette nourriture avec cette manne de gens était très impressionnant. La vitesse, sans communication, avec laquelle l'information s'est propagée le long de la côte malgache à plusieurs kilomètres au sud et à plusieurs kilomètres au nord de ce site, qui est pourtant très enclavé, m'a frappé. Ce fut comme un pèlerinage : les gens sont partis des villages pour venir chercher leur morceau de baleine. C'était un événement en soit, et à mon avis ça reste encore aujourd'hui quelque chose de fort pour eux. 

Votre prochain projet photographique ?

Actuellement, je travaille sur un projet sur les sous-marins nucléaires. J'espère retrouver un éditeur pour monter un second livre sur Madagascar : ce serait un livre d'images uniquement.

 En savoir plus : Les plus belles photographies d'Alexis Rosenfeld