Nicolas Ducret "On recueille sur la route des connaissances uniques que l'on ne trouve nulle part ailleurs"

Cavalier émérite, Nicolas Ducret s'est lancé le défi de traverser l'Asie centrale à cheval, parcourant 3 300 km en solitaire, depuis les contreforts de l'Atlaï aux vallées afghanes baignées de soleil.

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Nicolas Ducret © N. Ducret

L'Internaute Magazine : comment est née votre passion pour les chevaux ?

Nicolas Ducret : j'ai commencé très tôt à monter à cheval. A l'âge de 6 ans, mes parents m'ont inscrit dans un centre équestre, et habitant à la campagne, j'ai pu rapidement avoir des chevaux. C'est durant mes premières années d'équitation que j'ai appris la voltige cosaque, comme se tenir debout un pied sur chaque cheval, tout en galopant. Ensuite, j'ai basculé dans la discipline du saut d'obstacle. Vers l'âge de 14 ans, je partais en randonnée avec un ami pendant deux ou trois jours autour du lac de Grandlieu. Puis je n'ai jamais vraiment arrêté, m' intéressant de plus en plus à toute la culture équestre.

Qu'est ce qui vous a motivé à quitter votre vie de jeune cadre dynamique pour traverser l'Asie Centrale ?

L'envie de se frotter à une autre réalité du monde, d'avoir le sentiment de vivre pleinement une expérience différente, hors des sentiers battus, où on aurait peut-être pas tout à y gagner (j'entends par là qu'à défier le monde, on pourrait éventuellement y passer ou mal finir, mais sans quelques risques, il n'y a pas de vraie aventure et de réel engagement). Il y a également la soif de découverte qui est au centre de mes voyages et qui invite toujours à se lancer sur les pistes, car on recueille sur la route des connaissances uniques que l'on ne trouve nulle part ailleurs : des connaissances sur les hommes, sur la nature, la géographie, la politique, et pleins d'autres expériences diverses et variées, certaines glorieuses et d'autres moins.

La transition n'a pas été trop difficile ?

La transition, aussi bien dans un sens que d'en l'autre, est avant tout une décision à prendre. Dès lors que la décision est prise, elle se fait en douceur. Un jour on se dit que l'on voyage, et puis le lendemain on passe à autre chose. La vie me semble être faite d'une perpétuelle succession d'évènements. Le changement me plaît et changer de vie regulièrement permet de ne jamais sentir la lassitude s'installer.

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Rencontre sur la route kazakhe © Nicolas Ducret

Pourquoi avoir choisi de partir seul ?

Voyager seul permet d'être extrêmement ouvert sur les autres, c'est le meilleur moyen pour rencontrer les peuples des pays dans lesquels on progresse. Parfois, il faut l'avouer, ce serait plus amusant d'être avec des amis. Mais, seul, on est bien plus disponible à l'autre et on fait bien plus de rencontres. Inviter une personne est toujours plus facile que d'en inviter deux. Et puis je ne crains pas la solitude, je suis indépendant. Et ne dépendre de personne renforce la liberté complète que l'on a en voyage. A cheval, je croisais beaucoup de gens dans les pâturages, donc finalement je n'étais jamais seul.

Quelle a été l'étape la plus difficile au cours de votre périple ?

La plus difficile psychologiquement a été le Kazakhstan, car j'ai eu peur à plusieurs reprises. Beaucoup de villages sont ravagés par les problèmes d'alcool. J'ai eu plusieurs fois des problèmes avec des alcooliques un peu nerveux. Après une semaine de voyage, j'ai été attaqué dans la steppe par trois types qui voulaient me voler mes chevaux. Je me suis défendu et j'ai réussi à m'enfuir, mais j'ai alors soudainement pris conscience de ma grande vulnérabilité. Après cela, le mois suivant, j'étais toujours sur mes gardes et dans un état de tension important. Et puis je me suis dit que ça ne rimait à rien de voyager la peur au ventre. Alors j'ai mis en place des stratégies et je n'ai plus eu de problèmes.

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Un cheval bien fatigué... © Nicolas Ducret

Pour mes chevaux, le plus dur a été le Tadjikistan, car à travers les Pamir, grand plateau à 4000 mètres d'altitude, il n'y a pas un brin d'herbe, seulement des cailloux sur des centaines de kilomètres. Les chevaux perdent toute motivation à avancer dans un désert. Autant le cavalier est motivé par la soif de découverte, autant les chevaux ne sont motivés que par la recherche de la meilleure pâture. Lorsqu'il n'y a que des cailloux, la motivation disparaît. Pour traverser le Pamir, le cheval de bât était chargé de kilos d'orge.

Et la plus merveilleuse ..?

Assez paradoxalement, c'est aussi au Kazakhstan que j'ai fait les meilleures rencontres, celles qui m'ont le plus marqué. Comme une fois Kainola, un berger chez qui je suis resté une semaine.

J'ai également beaucoup aimé l'Afghanistan car je me suis engagé dans des vallées très sauvages, très difficiles d'accès et qui sont encore restées bien loin du monde développé. C'était un véritable voyage dans le temps où j'ai découvert des hommes durs et aguerris par des années de combats et de lutte. En effet, les régions que j'ai traversées sont des régions afghanes qui n'ont jamais baissé la tête face à l'ennemi. C'était très intéressant de rencontrer ces peuples dans ces terrains somptueux. Le sens de l'hospitalité des Afghans m'a beaucoup marqué. Et puis participer au premier bouzkachi de la saison à Kaboul était un peu l'accomplissement d'un rêve pour moi qui avait découvert une autre facette de l'Afghanistan avec le roman les Cavaliers de Kessel.

Avez-vous un prochain voyage en perspective ?

J'ai encore des milliers de projets de voyage en tête. Je continue à arpenter l'Asie centrale et la Russie, mais je pense monter prochainement une expédition dans des territoires qui me sont inconnus (et qui sont presque inexplorés) au Congo Brazaville, dans les jungles équatoriales.

En images : le voyage de Nicolas Ducret