Tous Aventuriers?

"L'Aventure" est devenu un excellent support de vente: voyages, équipements, images, livres... Nombreuses sont les entreprises qui cherchent à se coller cette étiquette! Mais qu'est-que l'Aventure? L'auteur, de Henri de Monfreid à Mac Orlan, en passant par Nicolas Hulot propose sa propre définition... Impressionniste.

S’il est commode de définir notre activité comme un « tourisme d’aventure », nous n’avons jamais vraiment réussi à adhérer complètement à cette notion. Marcheurs, montagnards, oui « Guides par passion », certainement, mais « professionnels de l’aventure ? »...   Plutôt que de faire la moue, nous devrions revendiquer haut et fort cette étiquette. En effet, l’aventure est un support efficace de vente. Elle est d’ailleurs foisonnante,   omniprésente, chez nos collègues mais aussi parmi les organisateurs de séminaires « outdoor », les sauteurs à l’élastique, les « accrobrancheurs » mais aussi les « quadeurs », les accros des jeux de simulation sur PC, et même les acteurs politiques ! Une exubérance qui semble annoncer la venue d’une nouvelle ère peuplée d’homo sapiens adventurus…

Mais qu’est-ce que l’aventure ? J’ai renoncé à déterminer précisément les composants de cette alchimie incertaine aux parfums un peu toxiques faite de hasard, d’imprévu voire de péripéties, de prise de risque et de difficultés. À chacun sa définition. L étymologie n’est d’ailleurs d’aucun secours et même contradictoire avec l’usage: « adventura : ce qui advient, ce qui doit arriver… » Il est finalement plus facile de se référer à quelques étalons or de l’aventure: Les explorateurs (Magellan, Charcot, René Caillié…), les pionniers de l’aviation (Blériot, Nungesser et Coli, …), les premiers alpinistes (Paccard et Balmat, Mummery, Gaspard…) mais aussi des caractères uniques comme Henri de Monfreid, Ella Maillard, Alain Bombard, Bernard Moitessier… Des valeurs sûres qui elles-mêmes n’hésitent pas à questionner la notion même d’aventure. « Mais, qu'est-ce que l'Aventure? Un accident que j'ai toujours cherché à éviter" (Henri de Monfreid). Ne serait elle qu’une illusion d’optique ? "L'aventure n'existe pas. Elle est dans l'esprit de celui qui la poursuit et, dès qu'il peut la toucher du doigt, elle s'évanouit, pour renaître bien plus loin." (Pierre Mac Orlan) Alors l’aventure n’existerait pas ? N’existerait plus ? il n’en resterait que l’enveloppe : la proximité du danger, le frisson, l’émotion… L’essence se serait  évaporée, la faute à pas de temps, à trop d’information, de technologie.

A moins que l’aventure n’existe plus que mise sous cloche et scénarisée ? « Pour que l’événement le plus banal devienne une aventure, il faut et il suffit qu’on se mette à le raconter. (…) Mais il faut choisir : vivre ou raconter. » (Sartre, La Nausée)  Comme un Nicolas Hulot se frottant aux requins blancs, entouré de caméras, à quelques minutes d’un hélicoptère et d’une antenne chirurgicale mis en alerte ? Nous ne serions alors que des scénaristes et des metteurs en scène, permettant à nos clients de percevoir le frisson, le souffle de l’aventure, en les faisant évoluer en toute sécurité dans des environnements incertains ? A cette vision « Disney-iste » peu enthousiasmante et somme toute pessimiste d’un monde entièrement sous contrôle, je préfère l’idée que l’aventure est là au milieu de nous, que l’aventure c’est tout simplement aller sans savoir où l’on va en ouvrant les yeux. « C'est autant l'aventure amoureuse que l'exploration de l'Antarctique… » (Albert Jacquard).

Dès lors l’aventure serait à la portée de nous tous, pour peu que l’on accepte de sortir des automatismes de notre routine. « Je suis toute à la curiosité de cet avenir incertain, au sentiment d'être délivrée désormais des obstacles des hommes ; toute à la joie de sentir que chaque jour, maintenant, sera neuf, et qu'aucun ne se présentera deux fois ; toute à mon application de n'observer plus qu'une seule règle : celle de marcher droit devant moi. » Ella Maillard Oasis Interdites. Le voyage, la marche sont de magnifiques fabriques de « jours neufs ». Mais toutes  rencontres,  naissances et vies sont autant de territoires pour exercer notre « curiosité de cet avenir incertain ». Seulement si tout devient aventure, celle-ci ne disparaît elle pas, diluée, noyée dans l’insignifiance ?

Tourisme d’aventure ?

À la réflexion, cette notion, malgré sa simplicité et son attrait, me semble à la fois trop réductrice et trop vague pour que nous puissions l’adopter sans réserve. Aventure ? Oui mais associée à « Découverte », à « Ouverture ». La découverte active de la nature, de nouveaux paysages mais aussi des autres et de soi-même, sans toujours savoir ce que sera le lendemain. Comme ces jeunes aristocrates du XVIII° et XIX  qui entreprenaient leurs « Grand Tour », comme les écrivains voyageurs : Stendhal, Nerval, Heine et plus proches de nous Ella Maillard, Peter Flemming…

Gérard Guerrier, président général d'Allibert Trekking