Mali et Sahel: payer pour les erreurs passées...
"Qui ignore l'histoire est condamné à la revivre"... C'est donc l'occasion de revenir sur les causes de la crise sahélienne en identifiant certaines responsabilités. Si l'avenir est inconnu, il existe néanmoins un certain nombre de voies pour ne plus revivre ce désastre.
Il est bien trop tôt pour écrire avec certitude sur le Mali
et le Sahel…
Qui sait ce que
les prochains jours, semaines et mois nous réservent ? Même si, en
panne d’information, les journaux télévisés nous déversent, minute après
minute, leur lot d’images fixes, leurs reportages en « direct depuis
Bamako » en s’étonnant que l’affaire ne soit pas déjà réglée ! Mais
comment régler en quelques jours une situation que l’on a laissé pourrir
pendant des années ?
Si aujourd’hui, l’opinion française soutient l’offensive de
l’armée française, nul doute qu’aux premiers cercueils recouverts de drapeaux
tricolore, à la première bavure, cette opinion impatiente et versatile
vacillera puis basculera.
Si l’avenir est bien incertain, le passé est riche d’enseignements que nous ne devons pas oublier. Une chose est sûre : cette nécessaire offensive intervient bien tard ! Voilà plus de cinq ans que les gens d’AQMI ratissent le Sahara à la recherche d’otages occidentaux, protègent les convois de drogue, de cigarettes, d’immigrés, etc. histoire d’arrondir leurs fins de mois et de se procurer des armes. En 2008, ils n’étaient que 100 ou 200, avaient des moyens financiers limités et ne disposaient pas d’armement moderne. Aujourd’hui, ils sont capables de prendre en otage des pays en entier !
Les responsabilités sont largement partagées…
- Au premier rang, un gouvernement Malien d’Amadou
Toumani Touré (ATT), compromis, par lâcheté ou par corruption, qui a menti sur la réalité de la menace
narco-djihadiste (je me souviens encore de ce ministre nous invitant à Kidal en
prétextant qu’aucun enlèvement n’avait été perpétué sur le sol Malien !)
qui a refusé sciemment de régler ce problème, le laissant prospérer sur fond de
misère.
- Un gouvernement Malien qui a refusé aux populations du Nord, les moyens et l‘autonomie qu’ils avaient promis et qui a réveillé de vieilles haines
- Des gouvernements Espagnols et Italiens qui ont largement financé ces mouvements en payant rubis sur l’ongle des rançons faramineuses pour libérer ses otages.
- Un gouvernement français, tout occupé à ses succès militaires dans le Nord de la Libye, ne se préoccupant pas de ce qui se passait dans le Sud du pays, alors que Belmoktar, Abou Zeid, Iyad Gali venaient faire leur shopping dans cet arsenal à ciel ouvert.
- Une Algérie, trop soulagée d’avoir exilé ses terroristes du GSPC/AQMI dans un pays voisin, trop inquiète du retour des occidentaux dans sa zone d’influence ; une Algérie qui a imposé aux acteurs régionaux et occidentaux sa politique non interventionniste.
- Des Américains, peu menacés jusqu’à hier, trop
occupés en Afghanistan, qui ont soutenu cet attentisme.
- Un mouvement autonomiste laïc, le MNLA, qui a fait
alliance avec d’autres touaregs (Ansar Dine) prônant la charia, pour s’apercevoir,
un peu tard que ce sont des assassins, des terroristes au même titre que AQMI
et le MUJUAO.
- Lâcheté, compromission, corruption, aveuglement… Au final, rares sont les gouvernants qui ont fait preuve de lucidité et de courage. Seuls quelques pays comme le Maroc ou même le Tchad et la Mauritanie, ces derniers avec des moyens limités, ont eu le courage de se battre efficacement mais avec succès, contre ce fléau. Si le Mali, le Niger, le Burkina et bien entendu l’Algérie, avaient eu ce même courage, le problème aurait été réglé depuis longtemps.
La France pouvait-elle intervenir, seule, plus tôt ?
Pas si facile… Ancienne puissance coloniale, elle a essayé de régler le
problème dans les formes du droit international avec un Mali privé de gouvernement
élu depuis le putsch de l’an dernier, avec des pays d’Afrique de l’Ouest
sous-militarisés, avec une Algérie qui a fait longtemps barrage !
L’aurait-elle fait qu’elle aurait été immédiatement vilipendée
comme néo-colonialiste uniquement pré –occupée par son approvisionnement
en uranium, par les mêmes Africains qui
acclament l’armée française aujourd’hui mais aussi par les « bonnes
consciences », confortablement installées dans leurs fauteuils, pour lire Le Monde Diplomatique. Ceux-là aussi ont aussi leur part de
responsabilité !
Cela est profondément navrant. Vraiment, pas de quoi crier victoire!
Voilà pour le passé…
Pour l’avenir… Aucune certitude… Juste, l’espoir :
- Que les Maliens « noirs » du Sud,
protégés par les armes Françaises, ne prennent pas leur revanche sur les
populations du « Nord » et ne renouent pas avec les atrocités
commises des deux côtés ; qu’au contraire, ils soient assez visionnaires
(j’ai hélas quelques doutes à les écouter) pour dialoguer avec le MNLA.
-
Que la population malienne prenne enfin son
destin politique en main et regarde l’avenir plutôt que le passé.
- Que la communauté internationale, et les Européens en premier, viennent relayer la France, autrement qu’en nous envoyant, du bout des doigts, quelques avions de transport tout en poussant un lâche soupir de soulagement. Notre pays n’a pas vocation à être le gendarme de l’Afrique !
- Que les Algériens cessent de considérer la France comme une puissance concurrente et comme la responsable de toutes ses avanies historiques ou présentes et collaborent avec les pays de bonne volonté.
- Que la communauté internationale exige des pays
du Golfe (Qatar, Arabie Saoudite) qu’ils cessent de financer avec leurs Pétrodollars
le wahhâbisme, cette doctrine pré-moyennageuse incompatibles avec les Droits de
l’Homme (et de le la Femme) et qui fait le lit des djihadistes.
Seules de tels développements éviteront à l'histoire de sanglants bégaiements !
En attendant, ce sont de jeunes soldats, qui vont payer pour
ces impérities, cette longue chaine d’irrésolution, de lâcheté, parce que les
guerres sont toujours meurtrières,
surtout contre des fanatiques sans uniforme, sans territoire
Gérard Guerrier, président général d'Allibert Trekking