Interview
 
Octobre 2007

En cerf-volant au dessus de l'Inde...

Nicolas Chorier a ramené de ses multiples voyages en Inde des photos exceptionnelles prises depuis un cerf-volant. Un point de vue étonnant et émouvante à découvrir...
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Nicolas Chorier, photographe par lui-même Photo © Nicolas Chorier
 

Comment avez-vous commencé la photo par cerf-volant ?

Ca fait 25 ans que je fais du cerf-volant sportif. Avec des amis, nous faisions des expérimentations de toutes sortes... Et puis j'étais également passionné de photographie depuis mon adolescence. En tant qu'amateur, je savais que la photographie par cerf-volant existait... Il y a 10 ans, en 1995, j'ai voulu changé de métier, j'étais alors ingénieur du son. J'ai fait un premier voyage en Asie, pendant lequel j'étais sensé faire un reportage amateur. Finalement, j'ai trainé 2 ans en Asie, en Malaisie, en Indonésie... Et puis en revenant en France en 1997, je me suis professionnalisé.

Pourquoi avoir choisi l'Inde pour vos photos ?

Ca fait 10 ans que je vais en Inde et lors de tout mes voyages, j'avais mon matériel et systématiquement je shootais. J'ai collecté ces photos au fil des ans. Le but au début n'était pas de faire un livre. Mes premiers voyages étaient commandités par des cabinets d'architectes ou par des offices de tourisme, mais surtout des architectes qui me demandaient de faire des photos aériennes en cerf-volant pour ensuite pouvoir travailler sur les monuments souvent classés au Patrimoine Mondial de l'Unesco.

Le livre est en fait le résultat de ces 10 années de voyage. Et puis il y a deux ans j'ai rencontré mon éditeur indien. Il connaissait mon travail par mon site internet, c'est à ce moment que le projet du livre est venu. Il m'a aidé à voyager davantage pour compléter le livre, là j'ai surtout shooté dans le sud de l'Inde, dans le Kerala par exemple.

 

 
La nacelle et la radio-commande Photo © Nicolas Chorier
 

Techniquement, comment la photo par cerf volant fonctionne t-elle ?

Tout d'abord, je choisis un endroit propice, en général il s'agit de sites dégagés sans fil électrique. En ville, ça peut-être une place. Je fais décoller mon cerf-volant et je le fais voler tout seul jusqu'à 30 ou 40 mètres. Une fois que je le sens bien posé sur le vent, j'accroche la nacelle avec l'appareil photo et je redonne du fil à l'ensemble jusqu'à ce que l'appareil photo ait atteint l'altitude souhaité. Une radio-commande dirige la nacelle, et je peux faire tourner l'appareil sur 360° et l'incliner jusqu'à 90 degrés. J'ai aussi un petit retour video sur un moniteur. Il y a toujours une petite part d'aléatoire, ce que je vois dans mon moniteur n'est pas parfait mais en général, j'arrive à cadrer ce que je veux.

 

Et pour le temps de pause, comment faîtes-vous pour maintenir stable l'appareil photo dans les airs ?

En fait, le cerf-volant est en général très stable. Mais le minimum, pour le temps de pause c'est du 125e de seconde dans de bonnes conditions sinon du 250e de seconde, voire même du 1000e ou 2000e de seconde.

 

Jusqu'à quelle hauteur peuvent monter le cerf volant et l'appareil photo ?

Il n'y a théoriquement pas de limite bien que techniquement dépasser plusieurs centaines de mètres reste très complexe. L'idée c'est de faire des prises de vue à basse altitude, communément entre 5 et 200 mètres, quelques dizaines de mètres donnent souvent les résultats les plus intéressants.

 

Vous arrive t-il d'être surpris par vos clichés lorsque vous les découvrez ?

Absolument. J'utilise le moniteur vidéo le plus souvent possible mais pendant les 2 premières années je n'en avais pas. La photo représentant le Taj Mahal a été prise à l'aveugle par exemple. Il y a un exercice de géométrie visuelle dans l'espace qui doit être fait, il faut un peu d'expérience... Après, effectivement, il y a toujours une part de surprise. Sur le moniteur, je n'ai qu'une vision approximative de basse qualité, il existe donc une part de découverte, c'est aussi ce que j'apprécie.

 

 
Pêcheurs de Kozikode Photo © Nicolas Chorier
 

Quelles sont les réactions des gens près de vous lorsque vous shootez ?

Très positive, et c'est ce qui me plaît. La photographie par cerf-volant permet d'aller à la rencontre des gens comme pour la photo prise à Kozikode où l'appareil était 4 mètres au dessus d'une famille… Le cerf-volant est une véritable tradition en Inde, partout où je vais, beaucoup de gens viennent à ma rencontre. Des gamins mais aussi des adultes. Ca ne génère que des choses positives, que des sourires. Moi-même je figure sur certaines photos. Je suis au milieu des gens, qui sourient, qui retombent en enfance en observant le cerf -volant… Tous s'intéressent et sont curieux, aussi bien les hindous que les musulmans, les riches que les pauvres. J'ai eu à mes côtés des maharadjahs qui observaient émerveillés le cerf-volant, mais aussi des conducteurs de rickshaw ou des mendiants. C'est un vecteur de communication oecuménique et universel.

 

Les autorisations pour pouvoir prendre des photos aériennes sur le sol indien ont-elles été difficiles à obtenir ?

Théoriquement, il est interdit de faire de la photo aérienne en Inde, mais comme partout dans le monde en fait. En France aussi c'est soumis à restriction. Il faut théoriquement faire une déclaration à la mairie, à l'aviation civile, la procédure est très lourde… La photo aérienne est assimilée à une activité d'espionnage partout dans le monde. En Inde, c'est le cas plus qu'ailleurs car c'est le pays qui reçoit beaucoup de menaces d'attentats entre les problèmes avec le Cashmire, les Tamouls… Il y a des bases militaires partout, des centres d'entrainement de la police, des centrales électriques ou nucléaires. La procédure pour obtenir les autorisations peut prendre une semaine, et il faut vraiment faire le pied de grue à tous les guichets... Mais au final, c'est possible de les obtenir.

 

 
La Kumbh Mela Photo © Nicolas Chorier
 

 

Avez-vous une photo préférée dans le livre ?

C'est une question très difficile… C'est comme lorsqu'on me demande mon endroit préféré en Inde. Tout diffère, la culture, l'environnement, c'est très délicat de ne choisir qu'un endroit. Bien sûr, j'adore quelques images, celles des pêcheurs qui posent au milieu des sardines par exemple. Ou encore celles avec les combattants de Kalari où le personnage principal devient l'ombre. La Kumbh Mela est aussi un de mes clichés préférés. Ce jour là, j'étais le seul à pouvoir faire des photos aériennes, même les militaires ne pouvaient pas voler. J'aime aussi les photos toutes bêtes des vagues du Kerala. Contrairement à un shooting depuis un hélico, où l'on ne fait que passer, là, c'est 1 ou 2 jours de travail à chaque fois. Chaque photo a une histoire ou est associée à des rencontres et à de la sueur. Je donne de moi pour chaque image...

 

Votre prochaine destination ?

Déjà on envisage de s'installer en Inde avec ma petite famille... Et puis bientôt sortira un deuxième livre sur l'Ouzbékistan, il est en ce moment présenté au salon du livre à Francfort. Enfin, un troisième livre qui regroupera mes photos préférées, prises un peu partout dans le monde, au Laos, en Indonésie... Il s'agira d'une sélection plus abstraite et plus graphique.

 

En vol au-dessus de l'Inde

Nicolas Chorier, préface de Zubin Mehta

Editions La Martinière

 

 

EN IMAGES  En vol au-dessus de l'Inde

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