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INTERVIEW |
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(Juillet
2004) |
Eric
Brossier, le vagabond des pôles
"J'ai d'abord rêvé du Grand Nord des trappeurs..."
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Eric
Brossier a 35 ans. Après des études scientifiques et
un master en "Exploitation des Océans", il travaille
pendant quelques années dans le domaine de la géophysique.
Mais Eric Brossier est un scientifique sportif : entre
1995 et 2000, il parcourt le monde pour faire de la
prospection sismique (Afrique du Sud, Vénézuela, Egypte,
Nigéria, Arabie) ainsi que pour son plaisir : la route
de la Soie, la traversée du Québec, l'Islande... En
1999, il acquiert "Vagabond", un voilier polaire
capable de supporter des conditions extrêmes. C'est
le début de grandes aventures maritimes : en 2000 et
en 2001, le Groenland ; en 2002, le mythique passage
du Nord-Est ("Vagabond" devient le premier
voilier à le franchir sans hivernage) et en 2003, après
un hivernage au Kamtchatka et un printemps au Japon,
"Vagabond" franchit le passage du Nord-Ouest
et boucle ainsi le premier tour du monde par le nord.
L'Internaute Magazine a rencontré cet aventurier
pour qu'il nous parle de sa passion.
Votre bateau s'appelle "Vagabond". Pourquoi ce nom
?
C'est le nom donné par son précédent propriétaire, également
concepteur du bateau. Par tradition, on conserve le
nom d'un bateau. D'autre part, Vagabond symbolise bien
notre nomadisme, et c'est le même mot en anglais et
en Danois (langue utilisée également au Groenland).
Pourriez-vous nous raconter un peu votre parcours
avant vos expéditions ? Pourquoi avoir été attiré par
les régions froides du globe plutôt que par les mers
chaudes ?
J'ai d'abord rêvé du Grand Nord
des trappeurs. A vingt-et-un ans, avec trois amis, nous
avons traversé le nord du Québec à vélo tout-terrain.
Après avoir imaginé notre expédition devant les cartes,
nous vivions enfin notre rêve, tout en découvrant l'absurdité
d'un tel moyen de transport dans la taïga marécageuse
et infestée de moustiques. Impossible pour les novices
que nous étions de nous nourrir suffisamment des fruits
de la chasse et de la pêche, sans ralentir dangereusement
notre progression.
Le vélo fut beaucoup plus adapté pour traverser l'Islande
l'année suivante et le raft, quoique moins performant
que le traditionnel canoë dans les longues étendues
d'eau calme, descendit sans encombres la tumultueuse
rivière Coppermine qui se jette dans l'Arctique canadien.
Plus tard, j'essayai le kayak, sur l'inoubliable lac
Baïkal, en Sibérie ; puis, l'année suivante, le cheval,
à travers le désert de Gobi. Deux autres moyens de progression
silencieux, autonomes, suffisamment lents pour prendre
le temps
Lors de mon hivernage aux îles Kerguelen, dans le Grand
Sud, où nous n'avions que les pieds pour nous déplacer,
le voilier m'est apparu comme l'outil idéal. Celui d'Isabelle
Autissier, que nous nous sommes efforcés de remettre
en état lors de son escale forcée à Port-aux-Français,
m'impressionna fortement ; celui de Christophe Houdaille,
venu explorer l'archipel pendant plus d'un an, me tenta
beaucoup. J'avais alors compris l'avantage de partir
à la voile avec sa maison, en très grande autonomie,
et de pouvoir offrir l'hospitalité à bord à l'autre
bout de la planète, afin de rendre l'accueil chaleureux
si souvent reçu en voyage. De plus, je voulais retourner
dans le Grand Nord, et j'imaginais déjà toutes sortes
de cabotages autour de l'océan Arctique. Les idées se
bousculaient, s'entrechoquaient
puis elles s'organisèrent
autour d'un projet. Il me fallait trouver un voilier
assez grand pour embarquer une équipe de scientifiques,
des caméramans, des sportifs, des artistes, du matériel
d'alpinisme, des bouteilles de plongée, un ou deux kayaks
Lucide, je cherchai tout de même un voilier de taille
raisonnable, tout au moins pour commencer. Cinq ans
me furent nécessaires pour rassembler un premier budget.
J'étais alors géophysicien à travers le globe, à l'écoute
de la terre et de ses ressources, et j'ai ainsi beaucoup
appris sur l'organisation d'une mission de prospection
et sur le fonctionnement d'une équipe. Par contre, j'avais
encore presque tout à apprendre avant de devenir marin
; et il me fallait aussi constituer une équipe, dans
laquelle figureraient de bons navigateurs.
Quels sont vos souvenirs les plus marquants de vos
5 expéditions ?
Les paysages de la côte Est du Groenland, l'ambiance
à bord lors des expéditions géologiques, les premières
rencontes avec la banquise et les icebergs. Le Passage
du Nord-Est : cette fantastique aventure nous a offert
d'inoubliables rencontres, à la hauteur de nos espoirs,
de nos intimes motivations. L' accueil si chaleureux
des Russes, les chants et danses des Tchouktches, les
ours polaires sur les glaces dérivantes de la mer de
Sibérie orientale, les brumes de la mer de Laptev, les
morses qui surfent dans les vagues au sud de l'île Wrangel,
les aurores boréales et les baleines en mer de Béring
ont donné raison à notre imagination. L'hivernage au
Kamtchatka, le retour au Japon (mon pays natal), les
ours dans le Passage du Nord-Ouest, les rencontres avec
les inuit et avec les autres navigateurs...
Comment se passe la vie à bord ?
Entre 2 et 10 personnes se relaient à bord, au fil des
expéditions, en fonction des besoins, des compétences.
C'est le rythme des quarts, la météo, les conditions
de glace, et les projets (tournage, prélevements, observations...)
qui détermine le rythme de la vie de l'équipe. C'est
une chance et un avantage certain de partager en couple,
avec France [Pinczon du Sel], l'organisation des expéditions
de Vagabond.
Pourriez-vous nous dire ce qu'est l'association Nord-Est
? Est-il possible de participer à votre aventure et
à la réalisation de vos projets ?
Après 2 expéditions d'entraînement et de mises au point
au Groenland en 2000 et en 2001 (côte Est, région d'Anmassalik),
l'équipe a réussi une expédition dans l'Arctique russe.
L'objectif fût d'atteindre le Japon par le passage du
Nord-Est sans hiverner, sans l'aide de brises-glace,
puis d'achever le Tour de l'Arctique. Fort de cette
expérience, Vagabond et son équipe continueront d'assurer
la logistique d'autres grands projets polaires (expéditions
scientifiques, sportives, cinématographiques...). Telle
est l'objet de l'association et notre réelle motivation.
Chacun peut nous soutenir en adhérant à l'association,
en achetant nos livres, et ceux qui souhaitent participer
peuvent venir nous rencontrer lors des périodes de préparation
du bateau, ou bien nous proposer un projet pour lequel
un voilier polaire serait nécessaire.
En savoir plus
Site officiel : vagabond.fr
Consulter également nos guides de voyage :
Canada
et Montréal |
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[Louis-Paul
Astraud, L'Internaute]
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