CETA : des députés divisés mais un traité approuvé par l'Assemblée

CETA : des députés divisés mais un traité approuvé par l'Assemblée Le CETA, accord commercial entre le Canada et l'Union européenne, a été voté favorablement par l'Assemblée nationale ce mardi. Les députés français, comme en attestent les chiffres du vote, étaient très divisés sur la question.

[Mis à jour le 23 juillet 2019 à 16h37] Le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement) a fait l'objet de nouveaux débats à l'Assemblée nationale ce mardi 23 juillet, avant d'être finalement approuvé par une petite majorité des députés (266 contre 213, 74 abstentions). Cet acronyme désigne un accord économique et commercial entre l'Union européenne et le Canada. Signé en 2016 et adopté provisoirement en 2017, le CETA doit être ratifié par les différents parlements européens avant sa mise en œuvre totale. Treize pays, parmi lesquels on retrouve l'Espagne, Malte ou la République tchèque l'ont déjà ratifié. C'était ce mardi au tour de l'Assemblée nationale française de s'exprimer - favorablement donc - , avant un passage au Sénat.

Le principal volet du CETA permet surtout une suppression des droits de douanes sur 98% des produits transitant entre les deux continents. Produits forestiers, miniers, manufacturés... De nombreux biens ne feront désormais plus l'objet de tarifs douaniers. L'accord comprend également d'autres points dans le domaines des services, l'ouverture des marchés publics, l'harmonisation des normes, des mécanismes de règlements de différends entre États et investisseurs ou encore de reconnaissance de diplôme ou de propriété intellectuelle. Le projet fait cependant l'objet de vives critiques de la part des oppositions de droite et de gauche, mais aussi de quelques députés de la majorité.

CETA : quels sont les arguments en faveur de l'accord ?

Si le CETA fait polémique, il trouve malgré tout de fervents défenseurs. Parmi eux, on retrouve la Commission européenne, le gouvernement français, le Medef et une majorité des députés en Marche et Modem. Les arguments souvent avancés en faveur de l'accord sont le nombre important de garanties qui ont été négociées ou mises en place. Depuis la signature de l'accord en effet, une commission d'experts indépendants a, à la demande d'Emmanuel Macron, rendu un rapport sur l'accord et sur sa compatibilité avec les exigences climatiques et environnementales du gouvernement. Une procédure d'interprétation de l'accord appelée "veto climatique" a également été introduite en annexe à cet égard. Pour le Medef, la signature du CETA va permettre à de nombreuses entreprises françaises qui exportaient au Canada de réaliser des économies ou de remporter plus facilement des marchés publics.

A l'échelle européenne, certains voient une dimension géopolitique dans le CETA. Pour le député européen belge Louis Michel par exemple, il "n'est pas là pour détruire nos valeurs mais pour les consolider afin de fixer les normes mondiales plutôt que de suivre celles fixées par d'autres". Phil Hogan, commissaire européen à l'agriculture estime quant à lui que cet accord avec un pays d'Amérique du Nord est une réponse parfaite à la nouvelle politique protectionniste des États-Unis.

Agriculteurs, écologistes, travailleurs indépendants : les opposants au CETA

Mais les opposants au CETA sont tout aussi nombreux que ses partisans. Beaucoup dénoncent l'accord, l'accusant d'être ultralibéral et bien plus favorable aux multinationales qu'aux travailleurs indépendants ou aux entreprises locales. Les opposants craignent également que les tribunaux d'arbitrage prévus par l'accord viennent miner la souveraineté nationale ou européenne. Un article du Monde titre par exemple "comment le Canada tente de saper les normes européennes sur les pesticides et les OGM".

C'est surtout dans le domaine de l'agriculture que le CETA fait débat. Beaucoup redoutent que cette nouvelle concurrence dans des filières comme celle du bœuf, ainsi que des normes révisées soient défavorables aux agriculteurs français. Les détracteurs du CETA prennent l'exemple des antibiotiques utilisés par une large partie des éleveurs canadiens pour accélérer la croissance de leurs élevages. Un procédé interdit au sein de l'Union Européenne ; alors que ce genre de viande pourrait bel et bien être vendu après la ratification du CETA puisque les normes appliquées sur le sol européen ne le sont pas automatiquement pour les produits importés. Certains soulèvent également des craintes écologiques. Malgré l'introduction du "veto climatique", des députés Europe Ecologie-Les Verts estiment que les dispositions de l'accord sont trop favorables aux industries polluantes.

CETA : à l'Assemblée, qui est pour et qui est contre ?

La ratification du CETA par l'Assemblée nationale a été incertaine jusqu'au bout. L'ancien ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot avait publié ce lundi une tribune à l'attention des députés, en particulier ceux de la majorité. "Ayez le courage de dire non", avait-il exhorté.  Les oppositions de gauche et de droite avaient fait savoir leur intention de voter contre la ratification de l'accord. Christian Jacob, président du groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale, avait assuré à RTL que les députés de son groupe ne voteraient pas l'accord. Plusieurs parlementaires du Parti Socialiste, du Parti Communiste et de la France Insoumise avaient également fait valoir leur opposition. "Ce n'est pas le Ceta, c'est la cata", avait par exemple lancé le député PCF Pierre Dharréville. Même au sein de la majorité, quelques députés avaient laissé entendre qu'ils pourraient s'abstenir. Martine Wonner, députée LREM du Bas-Rhin, avait exprimé publiquement ses réserves vis-à-vis du traité et avait affirmé à BFM TV qu'elle s'abstiendrait "activement".

Une grande partie des parlementaires LREM et MoDem restent favorables à l'accord. De plus, les membres de l'exécutif avaient défendu plusieurs fois l'accord. Jean-Yves le Drian avait défendu devant l'Assemblée un bilan "très positif" après la mise en œuvre des premières mesures de l'accord au cours de l'année 2018. Emmanuel Macron avait même répondu directement à Nicolas Hullot après sa tribune. ""Je crois que le véritable idéalisme consiste toujours à regarder le réel", avait répondu le chef de l'Etat, pointant également du doigt la responsabilité de l'ancien ministre dans les négociations autour de l'accord. "Quand on s'est battu pour améliorer un texte [...], on ne peut pas dire quelques mois plus tard le contraire. Ou alors il fallait le dire quand on était en responsabilité" avait-il ajouté.