Florange : mais qu'y a-t-il dans l'accord passé avec le gouvernement ?

Florange : mais qu'y a-t-il dans l'accord passé avec le gouvernement ? L'accord passé entre la direction d'ArcelorMittal et le gouvernement est-il aussi contraignant qu'annoncé ? Le document, dont Le Monde s'est procuré une copie, ne fait que 2 pages et reste évasif sur de nombreux points.

Mais que contient vraiment l'accord passé entre le gouvernement et la direction d'ArcelorMittal ? Jean-Marc Ayrault a bien indiqué vendredi dernier que le sidérurgiste s'engageait à investir 180 millions d'euros sur le site de Florange, en évitant tout plan social et en consacrant le programme de recherche Ulcos. Matignon assure également qu'il n'y a pas de "condition suspensive", autrement dit, Mittal devra contractuellement tenir sa promesse "de manière inconditionnelle", pas comme en 2008, où l'homme d'affaires indien avait promis d'investir plus de 300 millions d'euros à Florange sans tenir sa parole.

Lors de la présentation de l'accord, le gouvernement semblait s'être montré exigeant avec Lakshmi Mittal, mais il a aussi rapidement précisé que cet accord était effectué "entre l'Etat et un opérateur privé". Comprendre : qui n'a pas à être rendu public. Même le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, n'aurait pu se procurer le document de l'accord avant hier. Entouré d'un tel mystère, le contenu de l'accord a suscité la curiosité de bon nombre d'intéressés, parmi lesquels les journalistes. Le Monde a pu se procurer une copie du document qui devrait à nouveau provoquer quelques remous lors des prochaines rencontres entre le gouvernement et les syndicalistes.

Un accord flou et imprécis

Le Monde révèle que le fameux accord ne contient que deux pages, ce qui laisse très peu de place aux détails et aux modalités d'application des promesses faites par la direction d'Arcelor Mittal. Le document est ainsi une succession d'engagements sans précisions, qui laissera à la direction de l'entreprise de grandes marges de manoeuvre. Premier exemple, les 180 millions d'euros d'investissements sur 5 ans sont plus flexibles que prévus : seuls 53 millions d'euros de la somme totale sont aloués aux "investissements stratégiques". Les 147 autres millions d'euros seront consacrés aux "investissements de pérennité, santé sécurité et progrès continu", aux "flux d'investissements courants" et à "la maintenance exceptionnelle". L'entreprise pourra donc comptabiliser un bon nombre de dépenses ordinaires dans ce qui apparaissait, de prime abord, comme des dépenses d'investissements. Mittal a ainsi les mains assez libres pour consacrer une grande partie des sommes promises à des frais de maintenance où à des opérations qu'il était de toute manière obligé de réaliser. 

L'emploi préservé

Concernant l'annulation du plan social et le maintien des 629 salariés des hauts-fourneaux - dont l'activité est suspendue -, le document indique que les travailleurs seront reclassés "sur des bases exclusivement volontaires" avec un "dispositif de gestion des fins de carrière et sur la mobilité interne au site".

L'accord prend en compte également l'activité nationale de l'entreprise et prévoit des impacts économiques sur les autres sites d'Arcelor Mittal. Ainsi, concernant le "packaging", consacrée à la fabrication de boîtes de conserve, "ArcelorMittal concentrera les activités de l'amont du packaging de l'entité Atlantique et Lorraine sur Florange" afin de pérenniser l'emploi pendant 5 ans, mais "l'activité amont de Basse-Indre sera mise en arrêt temporaire" tout comme l'activité de recuit d'Ebange, "en fonction de l'optimisation des carnets". Le document précise toutefois que "ce transfert d'activité n'impactera pas les effectifs inscrits à Basse-Indre", situé près de Nantes, le fief électoral de Jean-Marc Ayrault.

Aucun calendrier sur le programme de recherche

Autre point tout à fait important, l'accord trouvé sur le programme de recherche Ulcos sur la captation du CO2 surprend par son imprécision, alors qu'il s'agit, selon le gouvernement, du principal point d'appui d'une relance à venir des hauts-fourneaux. Le document indique simplement qu'Ulcos "reste un projet important pour développer de nouvelles solutions mieux adaptées aux enjeux du changement climatique", faisant également allusion à quelques engagements de la direction, précisant que le groupe va "continuer à travailler sur le projet de recherche et de validation technologique, en s'appuyant notamment sur l'expertise du centre R&D de Maizières-lès-Metz". En clair, il n'y a aucun calendrier ou étapes du projet à mettre en oeuvre imposés par le gouvernement.

Le délégué syndical CFDT de Florange, Edouard Martin, a d'ores et déjà réagi : "Si le contenu de cet accord s'avère exact, c'est enfin la démonstration que Mittal a enfumé le gouvernement". La prochaine rencontre avec le Premier ministre sera probablement très animée...

EN VIDEO : Les salariés du site ArcelorMittal de Basse-Indre craignent des dommages collatéraux avec le transfert d'activité de leur usine vers Florange.

"Transfert vers Florange: inquiétude à Basse-Indre"