Plainte de Sofiane contre la police : une agression gratuite ? Un témoignage fort

Plainte de Sofiane contre la police : une agression gratuite ? Un témoignage fort Sofiane, 24 ans, a déposé plainte contre des policiers du 19ème arrondissement de Paris après avoir été "massacré pour rien" le 13 juillet. Le jeune homme témoigne auprès des médias tandis que l'enquête de l'IGPN est en cours.

[Mis à jour le 27 juillet à 16h20] Plusieurs policiers de la brigade du 19ème arrondissement de Paris sont visés par une plainte. C'est Sofiane (nom d'emprunt utilisé dans les médias pour préserver l'anonymat), un jeune homme de 24 ans qui poursuit la police. Il raconte avoir été matraqué sans raison apparente par les agents des forces de l'ordre dans la nuit du 13 juillet. Sofiane a livré son témoignage et le récit d'une "nuit d'horreur" à Médiapart. Selon les dires du jeune homme les policiers leur sont tombés dessus à lui et ses amis alors qu'ils ne faisaient que discuter. La violence des coups a fracturé la mâchoire de Sofiane qui portait les séquelles d'un accident de voiture survenu quelques semaines plus tôt et avait une minerve autour du cou ainsi qu'un bras en écharpe.

Après le dépôt de plainte de Sofiane, une enquête préliminaire pour violences volontaires par personnes dépositaires de l'autorité publique a été ouverte et confiée à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN). Sofiane a été entendu par cette dernière le 18 juillet, cinq jours après les faits dénoncés. La Direction générale de la police nationale (DGPN) et la préfecture de police de Paris ont confirmé ces informations auprès de Médiapart annonçant que "la direction d'emploi du fonctionnaire mis en cause est chargée [et a initié] une enquête administrative". Après sa plainte, Sofiane a pu être examiné par un médecin médico-légal dix jours après l'attaque rapportée et les séquelles des coups notamment au visage étaient encore visibles. Le spécialiste a fixé une durée d'incapacité totale de travail de sept jours et recommandé le recours à une évaluation psychologique.

Une agression injustifiée de la part de la police ?

"Ils sont venus, m'ont massacré pour rien et sont repartis". Voilà comment Sofiane résume la scène qu'il a vécu le 13 juillet à Médiapart. Dans son récit, le jeune homme indique être réuni avec des amis, assis sur un banc, au pied de l'immeuble où vit sa mère, dans le 19ème arrondissement de Paris. Plus loin dans le quartier d'autres bandes de jeunes tirent des pétards tandis que la police patrouille. Une voiture banalisée de la BAC s'est arrêtée devant la bande de Sofiane seulement quelques minutes avant que les policiers s'en prennent à eux selon le témoignage du jeune homme. Il raconte que des policiers en uniforme et munis de bouclier "se sont avancés vers [eux], en [les] braquant avec leur flashball. Ils devaient être entre cinq et dix".

"Mes amis ont alors crié que nous n'avions rien fait et que nous n'avions rien à voir avec ce qui se passait dans le quartier. Ce à quoi les policiers nous ont demandé de nous rasseoir et de ne pas bouger", poursuit Sofiane auprès du média. Le jeune de 24 ans explique que lui et ses amis restent immobiles quand un autre groupe de policiers est visé par un tir de mortier. En réaction, les agents des forces de l'ordre foncent sur le groupe de Sofiane qui tente de fuir mais est rattrapé. Accidenté, Sofiane dit implorer les policiers "s'il vous plaît, arrêtez !" obtenant un "ferme ta gueule" pour seule réponse. Le jeune homme ajoute avoir été matraqué au visage et à son épaule gauche déjà fracturée.

Sofiane déclare avoir demandé au policier la raison des coups après l'épisode de violence, ce à quoi l'homme a répondu, selon les souvenirs du témoin : "Casse-toi, rentre chez toi. T'as rien à foutre là." Aujourd'hui, ni Sofiane ni ses amis n'ont été interpellé ce qui pousse le jeune homme à dire que les policier les "ont matraqués gratuitement". Un avis qui partage son avocat Me Avi Bitton qui voit là un "acte gratuit" et déclare dans les médias : "On reproche à certains jeunes de se défouler le soir du 14 juillet. Là, malheureusement, c'est un policier qui représentait l'institution, qui s'est défoulé ce soir-là". "Comment peut-on laisser des policiers se comporter comme des voyous ?" s'interroge Sofiane depuis qu'il a déposé plainte. 

Sofiane a maintenant "peur de sortir seul"

Le jeune homme qui n'a pas de casier judiciaire et n'a jamais eu affaire à la police assure n'avoir rien fait de répréhensible avant d'être agressé par la police. Depuis le 13 juillet, Sofiane dit avoir "peur de sortir seul" et de se retrouver à nouveau face aux forces de l'ordre. "Chaque fois que je les vois, je me demande ce qui peut bien se passer. La dernière fois j'étais assis tranquillement et je me suis fait taper. Qu'est ce qui prouve que cela ne va pas se reproduire ?", explique-t-il dans son témoignage consulté par Franceinfo. S'il continue de dire qu'"on a besoin de la police", Sofiane dénonce fermement les actes dont il a été victime et leurs auteurs : "Ces personnes-là, en particulier je ne vois pas quel genre de travail ils font. Ça n'a servi strictement à rien. À part faire du mal, et faire pleurer des mamans."

De lourdes séquelles laissées par l'agression

Les coups de matraque relatés par Sofiane ont laissé des traces et des séquelles physiques. Le 13 juillet le jeune homme s'est rendu aux urgences et les médecins ont constaté une facture de la mâchoire en plus d'une lèvre ouverte, de plusieurs dents cassées et/ou déchaussées et d'un hématome sur le bras encore blessé de l'accident de voiture. Quand il décrit la scène de l'agression, Sofiane évoque "un coup de matraque dans la bouche", "un coup au niveau de la mâchoire", "un coup dans le bras droit, un coup dans mon bras accidenté et j'ai reçu plusieurs coups au niveau du dos". En plus de douleurs très vives au moment du coup et plus tard à l'hôpital : "Le coup était tellement puissant qu'il a reculé ma gencive, ma mâchoire supérieure dans la bouche. Le médecin a dû me remettre chaque dent une par une."

Le séquelles physiques constatées par les médecins et prises en photo ne sont pas les seules qui pèsent sur Sofiane qui a toutefois vu sa rémission prolongée de plusieurs semaines. Les traces sont aussi psychologiques et empêchent le jeune homme de sortir sereinement. Ces séquelles doivent encore être évaluées devant un expert psychiatre.