"On fait tout pour qu'il se suicide" : des militaires violentés et humiliés traînent l'Armée en justice

"On fait tout pour qu'il se suicide" : des militaires violentés et humiliés traînent l'Armée en justice Quatre membres d'une unité militaire d'élite basée à Castres (Tarn) ont porté plainte contre leurs supérieurs pour des faits de violences et de harcèlement moral. Certains assurent avoir été poussés au suicide.

Quatre soldats du 8e régiment de parachutistes de Castres déposent plainte contre le ministère des Armées et une quinzaine de cadres du RPIMA pour des faits de violence et de harcèlement moral. Une information révélée ce jeudi 15 mai 2025 par le journal Le Parisien et France 2. Plusieurs victimes ont accepté de témoigner dans les colonnes de certains médias avec des révélations choc.

Clovis Tritto fait partie de ces écorchés de l'Armée. Humilié, moqué, épuisé... Il a tenu trois ans et demi. Il assure auprès de BFMTV avoir été régulièrement "poussé à la désertion et au suicide", dès son entrée au RPIMA en juillet 2021. Pour lui, les tests prenaient souvent la forme d'un bizutage. Les cadres militaires "prennent un verre et ils mettent plein de trucs là dedans : de l'alcool, des poils de bite, du sperme", raconte-t-il. Le mélange doit ensuite être ingéré par la recrue, mais il s'agit d'une "tradition" dans cette section, fait-il remarquer. 

S'il refusait ? Le jeune homme s'exposait alors à des punitions collectives. "Ah, on va voir si tu ne veux pas faire ça", lui a-t-on déjà rétorqué en guise de menace. "T'es une merde ! Ne t'inquiète pas, je vais faire en sorte que tu arrives dernier de ta formation", lui disait un supérieur. Des propos, une nouvelle fois relayés par BFMTV. Clovis était "traité comme une larve (...) tout était mis en œuvre pour qu'il échoue, dans la douleur et l'humiliation", abondent d'anciens camarades pour Le Parisien.

Ces derniers révèlent le climat de terreur qui régnait dans cette section du Tarn. Certains soldats auraient été invités à "exploser la gueule" de leurs camarades récalcitrants. L'univers est également décrit comme extrêmement machiste. "Arrête de faire la pédale et prends une bière putain !", s'est vu reprocher Clovis et un de ses collègues - Alexis Semedo - qui ne consomme pas d'alcool, révèle le quotidien Le Parisien. Pourtant,  "dans l'esprit collectif de nombreux cadres, un vrai para est quelqu'un qui boit, fume et baise", confie un engagé.

"Toi, je t'égorge comme une grosse merde"

Et le suicide ? Selon les témoignages recueillis par Le Parisien, il fait partie intégrante du processus d'humiliation et de terreur. Clovis et Alexis ont par exemple été affectés à un bar clandestin lors d'une mission en Roumanie comme "larbins", apprend-on. Un établissement dans lequel plusieurs militaires ont été obligés de se mettre à genoux pour sucer le téton d'un adjudant ivre : "Tête ton père !", peut-on lire. "Le but, c'est qu'ils désertent ou se suicident", apprend-on. Le jeune homme a même été menacé avec un couteau : "Ta sœur, je la viole. Ta mère, je la viole. Et toi, je t'égorge comme une grosse merde, c'est compris espèce de bitos ?", avait hurlé un gradé.

Des agissements et des propos qui ont bien failli déboucher sur le pire : Alexis décide d'avaler plusieurs plaquettes de médicaments comme du Tramadol et du Doliprane. Retrouvé dans la forêt roumaine, il est alors victime d'une gifle "dont il conserve des séquelles permanentes au tympan", selon les révélations du Parisien, infligée par un des cadres, un colosse de deux mètres. L'humiliation se poursuit à son retour de mission, à Castres, il est alors traité de "merde" et de "faible". Il est désormais considéré comme déserteur. Clovis, lui, est toujours en arrêt maladie depuis la fin de l'année 2024.

"Dans pas longtemps il se tirera une balle dans le crâne"

Un troisième militaire âgé de 24 ans se rappelle lui avoir été réduit à l'état "d'esclave", auprès du Parisien. Contraint à nettoyer un canal rempli d'excréments pour ne pas avoir accepté "d'être allé aux putes" avec ses camarades, selon ses mots, il est arrivé au point de rupture. "Les chefs s'en rendent compte, et le revendiquent : On fait tout pour qu'il se suicide. Dans pas longtemps il se tirera une balle dans le crâne et il ne nous emmerdera plus", lancent-ils, devant un témoin. L'occasion de trouver une once de réconfort auprès du médecin de la caserne ? Pas le moins du monde. "La seule réponse que j'ai eue c'est : personne ne vous a obligé à venir ici. Comment peut-on dire ça à quelqu'un qui envisage de se donner la mort ?", indique-t-il dans les colonnes du quotidien, médusé. 

Une enquête a été initiée par l'armée de Terre pour tenter de faire la lumière sur cette affaire. "Si ces faits sont avérés, des sanctions disciplinaires lourdes seront prises à l'encontre des responsables", a assuré le ministère des Armées auprès de l'Agence-France-Presse (AFP). Me Thibault Laforcade - l'avocat des plaignants - loue l'action de "jeunes hommes extrêmement courageux", qui souhaitent, au delà de la dénonciation des faits, "que des mesures soient prises pour que les pratiques changent", à l'AFP.