Conflit Iran / USA : Trump a-t-il réussi son coup ?

Conflit Iran / USA : Trump a-t-il réussi son coup ?

IRAN USA. Si les avis divergent quant au virage pris par Donald Trump sur le conflit opposant Iran et Etats-Unis, le président américain semble avoir marqué des points dans l'optique de sa réélection en 2020.

[Mis à jour le 9 janvier 2019 à 16h50] Il est 11h28, heure locale, ce mercredi à la Maison Blanche : Donald Trump entre en scène pour l'une des déclarations les plus marquantes de son mandat, devant les caméras du monde entier. Quelques heures plus tôt, des bases militaires irakiennes abritant des forces américaines étaient frappées par l'Iran. "Tant que je serais président, l'Iran n'aura jamais accès à l'arme nucléaire. Bonjour à tous" : une entrée en scène théâtrale, gradés dans le dos, le président américain y a mis les formes. Pendant dix minutes, son adresse à la nation, et au monde, s'est teintée de fermeté - annonce de nouvelles sanctions économique administrées aux Iraniens -, mais aussi d'une certaine ouverture. "Les États-Unis sont prêts à la paix avec tous ceux qui la veulent", a-t-il conclu, sans avoir évoquer de nouvelles menaces militaires.

Donald Trump, en cette fin de matinée à la Maison Blanche, a également pris soin de rassurer ses concitoyens : aucune victime n'a été à déplorer lors de la fameuse réponse de l'Iran à l'assassinat, le 3 janvier dernier, du très populaire général Qassem Soleimani. Et c'est peut-être ça, finalement, qu'il faut retenir de cette intervention mondialement attendue. En ayant tapé du poing sur la table avec l'élimination du leader de la force Al-Qods, puis en essuyant une riposte dénuée de perte humaine, et enfin en calmant clairement le jeu avec la République islamique, Donald Trump s'est mué en commandant en chef... ce qui n'est pas pour déplaire à ses électeurs. "Trump a donné des gages à l'électorat nationaliste pour sa réélection", abonde Thomas Flichy de la Neuville, directeur de la chaire géopolitique à la Rennes Business School et spécialiste des conflits internationaux, contacté par Linternaute.com.

Iran : les républicains font bloc autour de Trump

Le président conservateur, dans sa stratégie, a fait passer au second plan "l'affront" qu'a constitué, malgré tout, le fait que les Iraniens soient parvenus à toucher des bases militaires contrôlées par les américains. "C'est un camouflet pour les Etats-Unis car ces tirs de missiles ont montré que les Américains n'étaient pas capables de protéger leurs propres bases", analyse Thomas Flichy de la Neuville. Qu'à cela ne tienne, pour Trump, "l'Iran semble reculer". Cette forme d'auto-persuasion, de méthode Coué, va-t-elle se montrer efficace à quelques mois de la présidentielle ? Un sondage YouGov/Huffpost, publié ce lundi, avant l'intervention en mondovision de Donald Trump donc, estime à 43% d'opinion favorable quant à la décision d'ordonner la mort de Soleimani.

Plus intéressant encore : ce même sondage révèle que 84% des républicains et des indépendants à tendance républicaine approuvent cette frappe. Un soutien fort de sens lorsque l'on a en tête les récentes défections de certains élus du Republican Party, mais aussi les précédentes décisions diplomatiques de Trump au Moyen-Orient, qui n'avaient franchement pas remporté l'adhésion au sein de sa formation politique.

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Mort de Qassem Soleimani

La mort de Qassem Soleimani a été officiellement annoncée ce vendredi 3 janvier 2020 par la présidence iranienne. Selon un responsable irakien, le raid américain survenu près de l'aéroport de Bagdad a tué au moins neuf personnes, dont le général Qassem Soleimani mais aussi Abou Mehdi al-Mouhandis, autre figure clé de l'influence iranienne en Irak, lui qui possédait la double nationalité et était le n°2 du Hachd al-Chaabi, une puissante coalition de paramilitaires majoritairement pro-Iran. Interrogé par l'agence Reuters, le commandant d'une milice locale a expliqué que Soleimani et al-Mouhandis étaient tous deux à bord d'un véhicule qui a été "frappé par deux missiles guidés successifs lancés par un hélicoptère américain". Le convoi de véhicules quittait alors le terminal des arrivées de l'aéroport de Bagdad. "Les criminels américains disposaient d'informations détaillées sur les mouvements du convoi", a déclaré pour sa part une source iranienne.

La réponse de l'Iran

Depuis l'annonce de la mort de Qassem Soleimani, que la France a évoqué comme une étape vers la fin des "activités déstabilisatrices" menées par Al-Qods, la crainte d'une escalade des tensions entre l'Iran et les Etats-Unis est palpable. Le pays du Moyen-Orient a d'ores et déjà fait savoir qu'il riposterait "au bon endroit et au bon moment".

De façon plus détaillée, le général de brigade Hossein Dehghan, conseiller militaire de l'ayatollah Ali Khamenei, a indiqué à CNN que cette riposte serait "militaire et contre des sites militaires". Dès samedi, au lendemain de la mort de Qassem Soleimani, des bases irakiennes abritant des soldats américains, mais aussi la zone verte de Bagdad, où se trouve l'ambassade des Etats-Unis, essuyaient des tirs de roquettes. Aucune victime n'a été à déplorer. Ce mardi, Théhéran a fait savoir qu'il examinait treize scénarios différents en guise de vengeance de la mort du général Soleimani, comme l'a rapporté l'agence Fars citant le secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale. Dans la nuit de mardi à mercredi, des tirs de roquettes ont visé deux zones militaires en Irak, à Al-Assad et Erbil, abritant des forces américaines. Téhéran a fait savoir que cela constituait une riposte à la mort de Soleimani et que 80 morts avaient été occasionnés.

Iran-USA : les réactions de Trump

Suite à la réplique de l'Iran et à la réaction des Iraniens face à la mort de Soleimani, Donald Trump s'est d'abord fendu de quelques tweets peu à même de faire baisser les tensions. "S'ils attaquent encore, ce que je leur conseille fortement de ne pas faire, nous les frapperons plus fort qu'ils n'ont jamais été frappés auparavant!", a menacé le président américain, ce qui faisait suite à d'autres tweets plus précis encore dans les menaces que compte faire planer Trump sur l'Iran. Les Etats-Unis ont sélectionné 52 sites en Iran qu'ils n'hésiteront pas à frapper en cas de nouvelle riposte iranienne. Précisions importante : parmi ces sites ce trouvent des hauts lieux de "la culture iranienne", a fait savoir Trump.

Or, selon la Convention de Genève, série de traités internationaux fondamentaux dans le domaine du droit international humanitaire signés par les Etats-Unis, cet acte serait considéré comme un crime de guerre. "Viser des sites culturels est un crime de guerre", a confirmé sur Twitter Mahammad Javad Zarif, ancien chef de la diplomatie iranienne. "On leur permet de tuer les nôtres. On leur permet de torturer et de mutiler les nôtres. On leur permet d'utiliser des bombes pour faire exploser les nôtres. Et on n'a pas le droit de toucher leurs sites culturels ? Ça ne marche pas comme ça", s'est justifié Donald Trump, dimanche dans la soirée, à des journalistes présents à bord d'Air Force One, l'avion présidentiel, confirmant ainsi ses menaces bravant le droit international.

Puis, dans une adresse à la nation, Donald Trump a fait le point sur les frappes iraniennes ayant touché des bases militaires irakiennes. Le président américain a assuré qu'aucune victime n'avait été à déplorer, contrairement à ce qu'a annoncé Téhéran. Trump a également fait savoir qu'il ne laisserait pas l'Iran s'emparer de l'arme atomique et n'a pas fait état de nouvelles menaces militaires... ouvrant ainsi la porte à un apaisement.