Maurice Herzog : 4 controverses sur un héros moderne

Maurice Herzog : 4 controverses sur un héros moderne L'alpiniste de légende, décédé le 14 décembre 2012, a fait l'objet à la fin de sa vie de plusieurs controverses dont la véracité reste difficile à vérifier.

Avec sa victoire sur l'Annapurna le 3 juin 1950, Maurice Herzog est devenu le premier alpiniste à gravir un sommet de plus de 8000 mètres. Par cette épopée moderne et les mutilations qu'elle lui a fait subir, il est aussi entré dans l'Histoire avec un grand "H". Mais ces dernières années, l'image de ce "héros" français n'a cessé de se ternir. Depuis 2000 notamment et le cinquantième anniversaire de l’ascension de l'Annapurna, plusieurs révélations sur Maurice Herzog sont venues réviser le mythe, sans que jamais il soit possible d'en vérifier la véracité.

Premier accroc à la légende : Maurice Herzog a été rapidement accusé d'avoir tiré toute la gloire de l'ascension de l'Annapurna. De fait, il est vite devenu un héros national dans une France de l'après-guerre à la recherche d'une nouvelle gloire. En tant que chef de l'expédition de l'Annapurna, il aurait ainsi masqué les exploits de plusieurs de ses camarades, Lionel Terray, Gaston Rébuffat et notamment Louis Lachenal, qui a, comme lui, franchi le sommet himalayen. Une situation qu'il reconnaissait à la fin de sa vie, rejetant en revanche la faute sur les médias, responsables selon lui de cette "starification". Un livre écrit de sa main et très largement "romancé" selon les critiques suscite cependant la polémique : "Annapurna, premier 8000", paru en 1951, sera vendu à une douzaine de millions d'exemplaires et traduit en 40 langues.

Par un vent glacial, sans oxygène ni carte, Herzog paiera sa victoire sur les cimes d'une amputation des doigts et des orteils, Lachenal d'une mutilation des pieds. C'est de cette souffrance que vient la seconde polémique. Maurice Herzog a-t-il forcé les autres membres de l'expédition à aller au bout de l'aventure, malgré les risques que cela présentait pour leurs vies ? A-t-il forcé la main à Louis Lachenal qui en paiera physiquement le prix ? C'est ce qu'a laissé entendre son fils, Jean-Claude Lachenal. En 2000, ce dernier tentait de redonner à son père la postérité qu'il mérite (vidéo ci-dessous). L'alpiniste a laissé des écrits sur l’ascension de l'Annapurna dans lesquels il raconte que pendant l'expédition, il aurait soulevé la question de l'abandon. Une question à laquelle Maurice Herzog, obsédé par le sommet, aurait répondu par la négative. En bon compagnon de cordée, Louis Lachenal aurait alors décidé de continuer, à ses risques et périls.

Dans ses carnets parus peu après sa mort, en 1956, Louis Lachenal expliquait avoir poursuivi l'ascension au-delà de ses limites parce qu'il était persuadé que Maurice Herzog ne reviendrait pas vivant s'il partait seul. Ces écrits font eux aussi l'objet d'une vive controverse. Les "Carnets du vertige" de Louis Lachenal auraient été "réécrits" par Maurice Herzog et ses amis pour ne pas écorner le mythe. Ce n'est qu'en 1996, avec la publication du texte intégral de ses mémoires, que la version de Lachenal sera entièrement dévoilée. Selon l'AFP, "Lachenal, mais aussi Rébuffat, étaient avant tout des professionnels, passionnés par leur métier, et qui supportaient mal l'aspect cocardier de l'expédition. Ceux-ci pensaient 'montagne' quand Herzog pensait 'France'".

Le dernier coup porté à Maurice Herzog viendra de sa propre fille. En 2012, Félicité Herzog a dressé un portrait peu flatteur de son père dans un "roman". Ironiquement intitulé "Un héros", celui-ci décrira Herzog comme un homme froid, un menteur et un "hémiplégique de la pensée". Dans le livre, Félicité Herzog considère que son frère Laurent, schizophrène mort à 34 ans, a subi l'aveuglement de ses parents dans un milieu social "aristocratique" où la maladie n'avait pas sa place. Tout occupé à sa gloire, à la politique et à ses affaires (Herzog a été ministre de de Gaulle, maire de Chamonix, directeur de la société Kléber-Colombes puis de la Société du tunnel du Mont-Blanc), Maurice Herzog aurait ainsi laissé mourir son fils. Selon Libération, lorsqu'il a lu le livre à 93 ans, Maurice Herzog aurait lâché : "Ce n'est pas ma fille qui l'a écrit."

EN VIDEO – Un reportage de France 2 diffusé un demi-siècle après la conquête de l'Annapurna, le 3 juin 1950.