Affaire Griveaux : retour sur le scandale des vidéos d'Alexandra de Taddeo et Piotr Pavlenski

Affaire Griveaux : retour sur le scandale des vidéos d'Alexandra de Taddeo et Piotr Pavlenski Alexandra de Taddeo et Piotr Pavlenski sont jugés depuis ce mercredi 28 juin pour avoir diffusé en février 2020 des vidéos intimes de l'ancien secrétaire d'Etat Benjamin Griveaux. Ils ont défendu un projet "artistique"...

14 février 2020. Un scandale secoue la République en marche et le pouvoir, à quelques semaines d'élections municipales cruciales pour Emmanuel Macron. Benjamin Griveaux, le candidat LREM à la mairie de Paris et fidèle parmi les fidèles du chef de l'Etat, annonce le retrait de sa candidature aux élections municipales après la diffusion de vidéos intimes qui lui sont attribuées. Des documents à caractère sexuel, initialement envoyés en 2018 à une jeune femme de 29 ans, Alexandra de Taddeo, puis mis en ligne publiquement le 12 février 2020 sur un site internet et très largement relayés sur les réseaux sociaux.

Un activiste russe, Piotr Pavlenski, se présente rapidement comme le diffuseur des vidéos volées. Il expliquera notamment les raisons de son geste sur CNN et dans Le Monde. L'artiste et performeur, qui a obtenu l'asile politique en France en 2017, a toujours revendiqué un geste politique et la liberté artistique. 

Benjamin Griveaux a quant à lui déposé une plainte contre X dans cette affaire, et le parquet de Paris va rapidement ouvrir une enquête pour "atteinte à la vie privée". Les investigations ont été confiées à la brigade de répression de la délinquance à la personne.

D'où vient la vidéo intime attribuée à Benjamin Griveaux ?

C'est l'élément qui a poussé Benjamin Griveaux à annoncer son retrait de la course à la mairie de Paris. Le jeudi 13 février 2020, dans la soirée, les rumeurs d'une vidéo intime attribué au candidat à la mairie de Paris ont commencé à fleurir sur les réseaux sociaux.

C'est site répondant au nom de Pornopolitique.com qui, la veille, a mis en ligne ladite vidéo, montrant un homme en train de se masturber. Le fichier lui aurait été fourni par une "source" ayant eu une relation consentie avec Benjamin Griveaux et avec qui il aurait échangé ces images intimes en 2018, alors qu'il était encore porte-parole du gouvernement.

Derrière le site Internet, dont le nom de domaine a été réservé en novembre 2019 et qui n'avait rien publié ou presque depuis, on trouve l'artiste russe Piotr Pavlenski. Ce réfugié en France est connu depuis quelques années pour des performances spectaculaires et trash contre la répression du Kremlin et plus généralement l'ordre établi.

Piotr Pavlenski a lui-même revendiqué avoir diffusé cette vidéo pour "dénoncer l'hypocrisie" de Benjamin Griveaux, notamment sur les questions familiales. Sur son site Pornopolitique.com, il a déclaré : "le contenu pornographique diffusé n'est […] pas lié à la personnalité ni aux opinions politiques des fonctionnaires et représentants politiques mais à leur hypocrisie, devenue le fondement habituel du carriérisme politique et la cause de l'obscurantisme monstrueux dans lequel notre société s'est enlisée".

Quel est le rôle de Piotr Pavlenski ?

Très vite, la "sex tape" devient virale. Alors qu'elle circulait dans des groupes Facebook depuis plusieurs jours, notamment un groupe Facebook baptisé "Gilet jaune", dès le 12 février 2020, elle se propage avec la publication de Piotr Pavlenski. Un article de blog hébergé sur le site de Mediapart et intitulé "Docteur Griveaux ou Mister Grivois, nouvelle affaire DSK" est publié et reste en ligne quelques minutes avant d'être supprimé.

Piotr Pavlenski. © ERIC DESSONS/JDD/SIPA (publiée le 28/06/2023)

Dans une enquête sur son itinéraire précis, Le Monde indique que la vidéo est aussi apparue sur le forum "18-25" du site Jeuxvideo.com. Mais la vidéo apparaît vraiment au grand jour après que Joachim Son-Forget, député des Français de l'étranger et ancien membre de LREM, a posté le lien de l'article sur Twitter. Il s'est depuis justifié en affirmant défendre "les personnes qui sont lynchés publiquement".

Après la publication de la vidéo, Juan Branco, avocat proche de l'extrême gauche et des gilets jaunes, a affirmé au Point avoir été consulté par Piotr Pavlenski. Contacté par Le Monde, il indiquera qu'il pouvait défendre ce dernier en cas d'issue judiciaire mais, il a depuis été été dessaisi de la défense de l'activiste russe par le parquet.

Qui est Alexandra de Taddeo, la destinataire des vidéos ?

La destinataire de ces messages de Benjamin Griveaux sera vite identifiée elle aussi : il s'agit d'Alexandra de Taddeo, la compagne de Piotr Pavlenski, une jeune femme de 29 ans au moment des faits qui aurait suivi des études de droit à Paris pour devenir avocate. Cette dernière a d'abord été placée en garde à vue "des chefs d'atteinte à l'intimité de la vie privée et diffusion sans l’accord de la personne d'images à caractère sexuel", par parquet de Paris. Piotr Pavlenski a également été mis en garde à vue dans le cadre de l'affaire des vidéos privées.

Alexandra de Taddeo accompagnée de Piotr Pavlenski lors du procès en juin 2023. © Alain JOCARD / AFP

Piotr Pavlenski assurera dans un premier temps que la jeune femme n'était pour rien dans cette affaire. Il affirmera en effet avoir "volé" les vidéos dans l'ordinateur de l'étudiante de 29 ans. "J'ai tout regardé, j'ai trouvé ça intéressant. Je les ai donc volés avec une clé USB", a-t-il détaillé au Monde.

Piotr Pavlenski avait déjà évoqué avec sa compagne la possibilité de publier les vidéos de benjamin Griveaux en octobre 2019. Alexandra de Taddeo aurait alors refusé. "Elle ne savait pas ce que j'avais trouvé et que j'avais pris cette vidéo. Ça a été publié et ça a commencé à être diffusé. Après, elle ne pouvait plus rien faire" ajoutera-t-il sur CNN.

La déclaration de Benjamin Griveaux annonçant son retrait

"En annonçant ma candidature à la mairie de Paris, je connaissais la dureté du combat politique", a commencé Benjamin Griveaux dans sa brève déclaration enregistrée le vendredi 14 février 2020, en petit comité au siège de l'AFP et diffusée par BFM Paris.

"Depuis plus d'un an, ma famille et moi avons subi des propos diffamatoires, des mensonges, des rumeurs, des attaques anonymes, la révélation de conversations privées dérobées ainsi que des menaces de mort. Ce torrent de boue m'a affecté et surtout a fait mal à ceux que j'aime", a-t-il déclaré.

"Comme si cela n'était pas suffisant, hier, un nouveau stade a été franchi. Un site internet et des réseaux sociaux ont relayé des attaques ignobles mettant en cause ma vie privée. Ma famille ne mérite pas cela. Personne, au fond, ne devrait jamais subir cette violence", a poursuivi l'ancien ministre avant de conclure : "En ce qui me concerne, je ne suis pas prêt à nous exposer davantage ma famille et moi quand tous les coups sont désormais permis. Cela va trop loin. J'ai décidé de retirer ma candidature à l'élection municipale parisienne. Cette décision me coûte mais mes priorités sont très claires. C'est d'abord ma famille, vous l'aurez compris". La ministre de la Santé Agnès Buzyn annoncera sa candidature à la mairie de Paris quelques jours plus tard, essuyant finalement une cinglante défaite face à la socialiste Anne Hidalgo. 

Qui est Benjamin Griveaux ? Biographie express

Désigné comme tête de liste du parti majoritaire la République en Marche pour les élections municipales à Paris, avant d'y renoncer le vendredi 14 février 2020, Benjamin Griveaux est un "marcheur" de la première heure. Fils d'un notaire et d'une mère avocate, diplômé de Sciences Po Paris et de HEC, il rejoint en 2000 les cercles "rocardo-strauss-kahnien" comme les appelle Le Monde.

Benjamin Griveaux devient délégué national du mouvement "A gauche en Europe" créé par Dominique Strauss-Kahn et Michel Rocard. En 2006, il fait partie de l'équipe de campagne de "DSK" aux côtés d'autres figures connues à LREM aujourd'hui : Cédric O, Stanislas Guerini, Sibeth Ndiaye et Ismaël Emelin. Il devient ensuite conseiller municipal de Chalon-sur-Saône en 2008, mais démissionne en 2015 malgré sa réélection. Il sera aussi brièvement conseiller général sous la présidence d'Arnaud Montebourg. Après un passage dans le cabinet de la ministre de la Santé Marisol Touraine en 2012, il est brièvement directeur de la communication et des affaires publiques d'Unibail-Rodamco de 2014 à octobre 2016.

Fin 2015, Benjamin Griveaux se rapproche d'Emmanuel Macron par l'intermédiaire d'Ismaël Emelin. Auprès du ministre de l'Economie de l'époque, il retrouve d'anciens strauss-kahniens et sera l'un des artisans de la création d'En marche, dont il est le principal porte-parole avant la campagne présidentielle. Devenu très proche d'Emmanuel Macron, Benjamin Griveaux est un des artisan de la victoire de ce dernier à la présidentielle de 2017.

Elu dans la 5e circonscription de Paris lors des élections législatives de 2017, avant de rejoindre le second gouvernement d'Edouard Philippe un mois plus tard en tant que porte-parole, Benjamin Griveaux va très vite afficher ses ambitions pour la capitale. Le 27 mars 2019, il démissionnera de ses fonctions ministérielles afin de préparer sa candidature aux élections municipales, avec la suite que l'on sait.

Qui est Julia Minkowski, l'épouse de Benjamin Griveaux ?

Benjamin Griveaux partage la vie de Julia Minkowski, avocate, avec laquelle il est marié depuis plusieurs années et à trois enfants de 3 mois, 5 ans et 7 ans au moment de l'affaire. Au sein du cabinet Temime, cette avocate reconnue, petite-fille du pédiatre Alexandre Minkowski, nièce du chef d'orchestre Marc Minkowski, a notamment travaillé dans le dossier du Crédit Lyonnais, pour la défense de Bernard Tapie. Julia Minkowski a aussi contribué à l'élaboration du volet justice du programme d'Emmanuel Macron pour la présidentielle de 2017.

Benjamin Griveaux et sa femme Julia Minkowski en 2017. © ALLARD POOL/SIPA (publiée le 28/06/2023)

Le choix de l'ancien candidat à la mairie de Paris de se retirer pour protéger sa famille n'est pas étonnant. Benjamin Griveaux a toujours souligné qu'il entendait faire passer sa famille avant tout. "Ils n'ont pas fait ce choix qui est le mien (...) Avec ma femme, évidemment, on parle, quand je lui ai dit que j'avais l'intention de me lancer dans la campagne parisienne, c'est évidemment avec son soutien, sinon ce n'est pas possible", expliquait l'ancien candidat à la mairie de Paris à Télé Loisirs quelques semaines avant le scandale.